"A 38 ans, mon désir sexuel était déjà perturbé par la pré-ménopause", témoigne Delphine

Delphine a fêté ses cinquante ans. Ménopausée depuis deux ans, elle a renoué avec son désir sexuel après des années de troubles ménopausiques. À l'occasion de la diffusion du documentaire "Ménopausées", le 29 septembre à 23h10 sur France 2, elle nous raconte son parcours, sa bataille contre le manque d'informations et sa nouvelle vie sexuelle, plus pétillante que jamais.

"A 38 ans, mon désir sexuel était déjà perturbé par la pré-ménopause", témoigne Delphine
© Delphine

La périménopause, que l'on peut aussi traduire par "période autour de la ménopause", débute en moyenne à l'âge de 47 ans. Généralement, le premier signe est l'irrégularité du cycle menstruel. La ménopause est quant à elle avérée à postériori, puisqu'elle correspond à l'arrêt des menstruations pendant douze mois consécutifs. Elle survient en moyenne à l'âge de 51 ans.
Associé à des bouffées de chaleur, des troubles de l'humeur et une sécheresse vaginale, ce phénomène naturel est largement redouté et perçu comme invivable. On entend également que la ménopause est synonyme de vieillesse, de féminité au placard et de sexualité à l'abandon. En effet, le chaos hormonal relatif à la périménopause éteindrait le désir sexuel et rendrait les rapports sexuels douloureux, la faute à un manque de lubrification. Pour autant, si la ménopause peut altérer la vie de certaines femmes durant un temps, elle n'est pas une fatalité, d'une part parce que toutes les femmes ne rencontrent pas de symptômes désagréables, d'autre part parce qu'il existe des solutions efficaces pour mieux vivre cette période. Le souci, c'est que l'image de la ménopause et le manque d'informations à son sujet conduisent les femmes à "subir". Au départ, Delphine, 50 ans, a subi. Le jour où sa vie sexuelle s'est trouvée sur le déclin, elle a eu un déclic. Il était inenvisageable que son couple, solide depuis plus de quinze ans, compose sans sexe. Elle a choisi de se renseigner, de se battre et de se retrouver. Un parcours troublant, riche d'espoir et de conseils. Découvrez son témoignage fort, à l'occasion de la diffusion du documentaire Ménopausées, qui brise les tabous autour de la ménopause, le 29 septembre à 23h10, sur France 2.

"J'imaginais que la ménopause, c'était simplement ne plus avoir de règles"

Je témoigne parce que je veux faire passer un message : la ménopause est une étape de notre vie. Elle n'est pas forcément sympa mais on peut conjuguer avec. On peut rebondir. On peut rester femme, rester soi-même, préserver son couple et s'épanouir sexuellement.  

Pour moi, tout a commencé à l'âge de 38 ans. On m'a annoncé que j'entrais en périménopause lorsque j'ai fait ma cinquième fausse couche. Un coup dur. Mais ce mot ne signifiait rien pour moi. Je me suis dit que j'allais bientôt être ménopausée, que je n'aurais plus mes règles et donc jamais d'enfant, et c'est à peu près tout. C'était précoce, ce n'était pas de chance, il me fallait encaisser et voilà. Sans rejeter cette information, je l'ai mise dans un coin de ma tête. Quand des mois plus tard, des douleurs articulaires sont venues me pourrir la vie, je n'ai absolument pas fait le lien. J'avais de l'arthrose, c'était de pire en pire.

Pendant près de dix ans, j'ai vécu avec. En parallèle, mes cycles étaient anarchiques et mon humeur en dents de scie. En même temps, comment garder le sourire et son calme quand on souffre de douleurs aussi handicapantes ? J'ai dû arrêter de travailler, moi qui adore mon métier d'éducatrice spécialisée.

"J'ai consulté plusieurs médecins, en vain"

Il y a trois ans, je ne peinais à poser un pied par terre. Je ne pouvais plus marcher. J'ai consulté un rhumatologue qui m'a éclairée : les œstrogènes et la progestérone jouent un rôle dans la protection du cartilage. Puisque la production hormonale ralentit puis se stoppe en période de périménopause, j'ai compris d'où venait mon arthrose. C'était un premier pas, et sans jeu de mot. Pour autant, aucune solution ne s'offrait à moi, même si j'ai subi trois opérations pour aller mieux. Ce n'était pas miraculeux. Ce que je veux dire, c'est que j'ignorais qu'il était possible de "traiter" la ménopause en agissant sur les hormones. J'avais un problème d'articulation, on traitait mon problème d'articulation, sans remonter à la source.

Ce qui est dingue, c'est que pendant ces dix années d'enfer, et bien avant ce rhumatologue qui m'a ouvert la voie, j'ai consulté des médecins. Je leur faisais confiance. Mais aucun ne m'a jamais guidée. J'ai dû tomber sur les mauvaises personnes. Qui d'autres auraient pu m'aider ? Je n'ai plus ma mère, je ne discute pas avec ma belle-mère, et mes amies, plus jeunes que moi, ne sont pas encore passées par-là. Je manquais cruellement de références.

"J'ai accepté beaucoup de choses, mais je ne pouvais pas accepter que ma vie sexuelle s'éteigne"

Alors je supportais. Jusqu'à ce que ma vie sexuelle soit impactée. Et là, c'en était trop. Les douleurs articulaires m'empêchaient déjà de profiter pleinement des rapports sexuels avec mon mari. Des problèmes de sécheresse vaginale sont venus couronner le tout, entrainant des douleurs pendant l'amour. Nous avons bien essayé de les contourner : des préliminaires qui s'étalent, des caresses sans pénétration, beaucoup de douceur. Mais rien n'y faisait. J'avais le sentiment de priver mon mari de son plaisir et moi, je n'en prenais pas. Certes, la stimulation du clitoris est agréable, mais je n'envisageais pas de réinventer ma sexualité sans pénétration.

Et puis mon désir sexuel a fini par prendre un coup. Avant, j'étais demandeuse. A partir là, je n'avais plus du tout envie. J'ignore si mon désir s'est éteint pour des raisons physiologiques ou si c'était une porte de sortie, car je n'arrivais pas à parler de tout ça à mon mari. J'avais honte. Je préférais avoir recours à l'abstinence qu'à l'aveu. J'étais vexée dans mon corps de femme. J'avais peur qu'il me quitte. Je ne lui offrirais jamais d'enfants et en plus, nous ne ferions plus l'amour. Impossible.

On ne pouvait pas me retirer ça. Mon mari et moi sommes ensemble depuis seize ans et nous nous sommes mariés il y a dix ans. Nous n'aurons jamais d'enfants et face à ce couperet, il n'y a pas trente-six solutions : soit on avance, soit on arrête. Nous avons choisi d'avancer. Il m'a toujours dit que c'était moi, avec ou sans enfant. Le fait de ne pas fonder de famille fait que nous sommes une famille, que c'est nous deux, davantage nous deux. J'ai accepté beaucoup de choses. La stérilité, les douleurs, la fatigue. Mais on ne pouvait pas toucher à mon couple, à notre vie sexuelle. Alors j'ai pris le dossier à bras le corps, toute seule. Grâce aux réseaux sociaux et aux groupes de discussion, grâce aux multiples articles disponibles sur Internet, je suis partie seule à la recherche d'informations. C'était il y a dix mois à peine.

"Quand on m'a dit qu'il existait des solutions, j'ai cru à une caméra cachée"

Face aux témoignages de nombreuses femmes, j'ai pris conscience que je n'étais pas seule, j'ai aussi compris qu'il existait des solutions. J'ai pris de nouveaux rendez-vous. Beaucoup n'ont servi à rien, jusqu'à ce que je tombe sur un médecin remplaçant. Je lui ai expliqué que mon désir sexuel n'était plus là, que les sècheresses vaginales impactaient négativement ma vie sexuelle. Et j'ai demandé s'il existait des solutions. Le médecin m'a répondu le plus simplement du monde : bien sûr, je vais vous prescrire ça tout de suite. Une crème locale à appliquer quotidiennement et plus particulièrement avant les rapports. Je ne peux pas dire que ça ne fonctionnait pas mais la logistique n'était pas super. Il fallait penser à la crème. Prévoir le sexe.

Mais dans cet inconfort, j'ai connecté. Si la carence hormonale engendrait des problèmes articulaires, elle était également responsable de mon manque de libido et de lubrification. J'ai donc pris un rendez-vous dans un grand hôpital, avec un endocrinologue-gynécologue, pour son approche hormonale.

"Le sexe entre nous, c'est encore plus beau et plus fort qu'avant"

J'ai tout raconté à la spécialiste et elle m'a dit qu'on allait arranger tout ça. J'ai cherché la caméra cachée. Elle m'a écoutée, sans jugement. On a fait un tas d'examens pour voir si je pouvais prendre le THM – le Traitement Hormonal de la Ménopause. Tous les clignotants étaient au vert, j'en ai pleuré. On m'a enfin considérée dans mon mal-être. Je n'ai que nous deux, je ne juge pas les femmes qui sont tournées sur leurs enfants. Je ne dis pas que le sexe est prioritaire dans ma vie, mais pour mon couple, c'était important.

J'ai supporté le traitement tout de suite. C'était presque magique, mon corps a répondu immédiatement. Dès que nous avons refait l'amour, on a remercié le traitement. C'était encore plus beau et plus fort qu'avant. Peut-être parce qu'on a failli se perdre. Mais aussi parce qu'à cinquante ans, de toute évidence, on se sent plus libre, on ose davantage. Bien sûr, je reste convaincue que sans le traitement, nous aurions réinventé notre sexualité. Enfin j'imagine. Mais il fallait chercher, trouver. Aujourd'hui, notre vie sexuelle a repris de plus belle. Nous faisons l'amour une fois par semaine minimum.

"Il n'y a pas que le traitement hormonal qui aide à retrouver sa vie sexuelle"

Je voudrais inviter toutes les femmes à se battre. Je comprends, cependant, qu'il n'est pas facile de parler à un médecin. Dans la France puritaine, il faut encore se défendre de ne pas être nymphomane dès qu'on exprime son envie de faire l'amour et de jouir. Avec mes amies, je vois bien, on en parle très peu. Beaucoup de femmes ne se posent même pas la question. Le sexe s'éloigne et c'est comme ça. Elles acceptent de ne plus avoir de sexualité. Je me dis que c'est lié à cette capacité procréative qui s'éteint. Comme si le corps ne servait plus à rien. C'est triste, mais je ne juge pas.

En parallèle, je vois des femmes ménopausées épanouies sexuellement, sans même avoir recours au THM. Parce qu'on ignore que les sécheresses vaginales ne sont pas vendues avec la ménopause, et que la ménopause ne signe pas la fin de la vie sexuelle. On peut agir et je pense qu'il faut consulter, même si c'est simplement pour discuter. Car tout ce que l'on entend sur la ménopause génère des appréhensions. Certaines femmes ne font plus l'amour parce qu'elles imaginent que c'est fini, que c'est comme ça. L'anticipation négative joue un (mauvais) rôle dans le désir.

J'avais des ressources. Une ressource intellectuelle, une ressource temps, une ressource couple, et ça m'a permis d'investiguer. Mais je pense aux nombreuses femmes qui n'ont pas toutes ces ressources et n'avancent pas. Il faut oser se poser des questions. Oser consulter et changer de praticien si ça ne colle pas. Un médecin ou un gynéco, c'est comme un psy. Si on ne se sent pas à l'aise, on change. J'espère que mon témoignage va aider. Notre vie ne s'arrête pas, on n'est pas obligé de subir. Il y a des solutions pour se sentir en accord avec soi, et du coup en accord avec l'autre.

Ne manquez pas le documentaire Ménopausées, réalisé par Joëlle Oosterlinck, le 29 septembre à 23h10, sur France 2.