"Pansexuelle, j'aime un être, une âme, indifféremment de son sexe" (Calli, 34 ans)

Calli a 34 ans. Il y a deux ans, elle a mis un mot sur ses attirances, ses relations, ses coups de cœur : la pansexualité. Confidences sur les dessous de cette attirance sentimentale ou sexuelle pour un individu de n'importe quel genre... Une orientation parfois mal définie, mais surtout mal comprise.

"Pansexuelle, j'aime un être, une âme, indifféremment de son sexe" (Calli, 34 ans)
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Enfant, j'avais des amies que j'aimais d'amour fou. Tout a commencé à ce moment-là, du moins les indices étaient présents, mais j'étais bien trop jeune pour poser des mots. Mes copines me faisaient rire. Nous passions des journées entières à discuter, jouer, découvrir le monde. En grandissant et en franchissant la ligne de l'adolescence, ces relations ont perduré. Toutes étaient platoniques, mais me comblaient plus que n'importe quel plan cul du monde. J'étais Amoureuse de mes amies, avec un A majuscule. Je ne supportais pas qu'on puisse leur faire du mal, je pleurais quand on se disputait et je mettais tout en œuvre pour reconquérir leur cœur.

"Très vite, on m'a qualifiée de gouine ou de chaudasse"

Je ne faisais pas vraiment la différence entre une fille et un garçon : si la personne attirait mon attention et me séduisait psychologiquement, je l'aimais, quel que soit son sexe, sa sexualité et son orientation sexuelle.
Très vite on m'a qualifiée de "gouine" ou de "chaudasse", parce qu'au collège ou au lycée, les jeunes ne se font pas de cadeaux. Les adultes non plus, ceci-dit… Toujours étant que moi, j'étais tout simplement in love. Vraiment. Avec des sentiments purs et vrais. Je lui suis toujours : j'ai passé trente ans et je vis mes amitiés de la même façon. Rien à changer. Et j'en souffre énormément. J'aime trop et trop vite, ça fait fuir les gens et je les comprends, mais j'ai beaucoup de mal à me comporter autrement. La spontanéité est certainement une particularité de la pansexualité, terme que j'ai découvert il y a deux ans à peine. C'est un article qui m'a éclairée et m'a permis de mettre des mots sur ma situation, mes coups de cœur, mes sentiments.

"La pansexualité est l'amour sans condition"

A mon sens, la pansexualité c'est l'amour de l'âme. On n'aime pas un corps ou un sexe, ni un genre, on aime une âme, une personnalité, quel que soit l'individu. Souvent, les gens confondent pansexualité et bisexualité. Or le pansexuel peut donc tomber amoureux aussi bien d'un homme, une femme que d'une personne transgenre... C'est toute la nuance. Mais la nuance se trouve également dans le fait que la personne pansexuelle peut tomber amoureuse de n'importe quel individu, peu importe son physique, sa classe sociale, son niveau intellectuel... c'est mon avis. Bien entendu, si nous prenons par exemple une femme hétéro, elle peut tomber amoureuse de n'importe quel homme, mais je crois que beaucoup de femmes ont, malgré tout, des critères bien précis en tête et naviguent avec dans leur recherche amoureuse et leur vie amoureuse. Je crois aussi que les critères enferment, quelque part, même si j'entends qu'ils sont bien souvent inconscients et dépendent de notre enfance, du milieu dans lequel on évolue et d'une société normative. 

Je ne suis sûre de rien, mais déjà enfant, j'étais choquée par les innombrables critères de mes copines : moi je veux un homme grand, blond, musicien, rugbymen, les yeux bleus, et puis aussi qu'il soit chevelu, imberbe, mince ou encore métisse… Premièrement, je trouvais ça très prétentieux de croire pouvoir exiger tel ou tel physique, et deuxièmement très limité intellectuellement parlant, aussi terriblement discriminatoire... La pansexualité, c'est donc l'inverse : c'est l'amour sans condition.

"Je passais pour une folle, ma marraine des laissés-pour-compte"

Je n'ai jamais eu l'occasion de fréquenter une personne trans. Mais je peux tout aussi bien tombée amoureuse d'une femme que d'un homme, d'un ou une hétéro, d'un homo ou d'une homo, d'un nain ou d'un géant... Mes amies ont eu beaucoup de mal à comprendre. Lorsque je fréquentais un homme édenté au strabisme important, je l'aimais, c'était comme ça mais puisque la " parfaite enveloppe physique " n'y était pas, on me dévisageait. Cet homme était passionnant. Pour mes amies, il était improbable que je succombe pour ce garçon un peu à part, qui n'entrait pas dans les codes. Mais quels codes ? Je passais pour une folle, pour la fille qui "mérite mieux que ça quand même", pour la marraine des laissés-pour-compte. Alors que moi, je savais la chance que j'avais de fréquenter un homme aussi incroyable. 

En ça, il me semble parfois que la pansexualité peut s'approcher de la sapiosexualité, c'est-à-dire le fait d'être séduire et (ou) excitée "intellectuellement" par quelqu'un. Plus généralement, j'ai envie de dire que l'amour ne s'explique pas, et que je n'entre dans aucun schéma. Je ne me limite pas, je laisse parler mon cœur, mon désir.

"Je tombais amoureuse des âmes, et on me parlait de bites..."

Pendant des années, lorsque la discussion s'y prêtait, j'essayais d'en parler, à des amis, des inconnus, des gens en soirées, à la fac... La question de fond, qui m'envahissait, n'était autre que celle-ci : suis-je vraiment désaxée sexuellement comme on veut me le faire croire ? Ça m'obsédait de plus en plus, je menais mon enquête silencieusement.

Finalement, en dévoilant non pas ma pansexualité – notamment parce que je ne connaissais pas le terme - mais en mettant sur le tapis le sujet à de nombreuses reprises, j'ai entendu de tout. Les avis ont fusé… De la part des hommes : "Ah ouais, deux grosses cochonnes ensemble, le kiff !", parce qu'ils m'imaginaient d'emblée avec d'autres femmes. De la part des femmes : "Non, mais le physique c'est quand même un MINIMUM ! On ne peut pas tomber amoureuse que d'un cerveau...". Des hétéros : "Non mais tu te cherches, décide-toi à un moment donné ! Tape-toi un délire une bonne fois pour toutes et vois ce que tu préfères !" 

Je tombais amoureuse des âmes, et on me parlait de bites... Tout le temps. Sans arrêt. Finalement, personne ne comprenait. Même les autoproclamés "ouverts d'esprit" étaient persuadés que j'avais un gros souci. Et je le croyais !

Evidemment, je me suis posée un milliard de questions : pourquoi suis-je comme ça ? Qu'est-ce que j'ai raté ? Quel traumatisme ? Mais rien. Tout va bien. J'ai été éduquée par une famille saine, ni bobo ni prolo, quelques tabous mais toujours de la bienveillance. J'ai arrêté de me poser des questions, c'était sans fin. J'ai aussi rencontré l'amour et j'ai choisi de m'assumer pleinement. Et puis de toute façon, je n'ai pas le choix : je SUIS comme ça. 

"Je suis en couple mais je continue de fantasmer, j'en ai besoin"

Aujourd'hui, je suis en couple depuis sept ans et mariée depuis 8 mois. Mon mari est au courant, on ne se cache rien. Lui qui est on ne peut plus hétérosexuel a du mal à comprendre, mais il accepte, comme d'autres personnes de mon entourage. Après tout, ce n'est pas grave de "ne pas comprendre" parce qu'il n'y a rien à comprendre, juste à entendre que chacun est libre d'ouvrir son cœur comme il le souhaite et à qui il veut. En ce sens, les mœurs évoluent, il me semble.

J'ai toujours eu beaucoup de mal à rester en couple longtemps (cœur d'artichaut un jour...). Et souvent je fantasme à d'autres horizons, je ferme les yeux et je suis avec cette femme qu'on a croisée au nouvel an chez le voisin et qui m'a tellement fait rire... Je n'ai pas forcément de pensées sexuelles envers elle, mais j'ai envie de la voir, de parler avec elle, de l'embrasser et de l'aimer.

Résultat, je vis dans le fantasme depuis sept ans. J'aime mon mari mais la découverte d'autres personnes, plus amicalement parlant, me manque, car les occasions se font plus rares. J'ai toujours eu besoin de cette stimulation. Et je pense que je l'aurais toujours... J'essaie de rester fidèle car c'est important pour lui, mais dans un coin de ma tête il y aura toujours ces envies, ce qui ne nous empêche aucunement de mener tous les deux une belle histoire d'amour et de partager une vie sexuelle en pleine santé.