Porno : ce que veulent vraiment les femmes

Les femmes regardent de plus en plus de porno, seules ou en couple. Face à ce public demandeur, l’industrie a évolué : le film X féministe s’impose et répond à leurs besoins. Enquête sur les désirs et la consommation de la gent féminine en matière de pornographie.

Porno : ce que veulent vraiment les femmes
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Les femmes, de plus en plus consommatrices de porno
Selon l'enquête Porno : ce que veulent les femmes, réalisée par l'Ifop en 2012 pour Marc Dorcel à l'occasion du lancement de dorcelle.com, premier site pornographique français destiné aux femmes, on note que 18% des femmes voient régulièrement ou de temps en temps des films pornos (contre 63% des hommes) et que 83% des femmes en ont déjà visionné au moins une fois. Nathalie Giraud Desforges, sexothérapeute et fondatrice du site marchant Piment Rose, commente ces chiffres : "Aujourd'hui, les femmes ont les mêmes 'jouets' que les hommes entre les mains en matière de consommation porno : elles disposent d’une tablette, d’un ordinateur, mais aussi de temps. Elles ont le même accès au porno et ne sont plus des ménagères coincées à la maison. Elles saisissent l’opportunité. Les femmes sont comme les hommes, curieuses, avec des pulsions sexuelles et à la recherche de plaisir."

Le porno, un support masturbatoire
Parmi les consommatrices de porno, la moitié d’entre elles en ont un usage solitaire. Comme le souligne Nathalie Giraud Desforges, le porno est un très bon support masturbatoire et fantasmatique. "Regarder un porno est libératoire, notre imagination est boostée. Il n'y a aucune honte à aimer ça, que l'on se dirige vers du porno hard ou du porno soft, l'essentiel reste de se faire plaisir." Tous les fantasmes ne sont pas avouables et tant mieux, on ne nous a jamais demandé de les avouer. De plus, avoir une appétence pour les pornos lesbiens ne signifie pas être lesbienne. En matière de plaisir, on va bien où l'on veut ! Anaëlle, 28 ans, regarde des pornos lorsqu'elle pratique la masturbation : "J'ai parfois envie de faire monter mon excitation devant une scène de sexe", nous avoue-t-elle. Fanny, elle, a 34 ans et ne ressent pas le besoin de regarder un film porno : "On ne voit pas assez les hommes, du moins on ne voit que leur pénis. Moi, j'ai besoin d'un homme qui me plaît pour m'exciter et le pénis d'un inconnu ne m’évoque pas grand-chose... Le porno ne répond pas à mes besoins." Quant à Elise, 28 ans, elle confie regarder des pornos trois fois par semaine, en streaming. Ce qui l'agace, c'est la difficulté de trouver une vidéo qui lui convienne : "C'est soit ringard, soit trop sale... Je passe beaucoup de temps à chercher."

Les femmes et le porno en couple
Toujours selon les chiffres de l'Ifop pour Marc Dorcel, parmi 91% des français qui reconnaissent avoir déjà regardé un film X, 57% affirment avoir déjà visionné - au moins une fois - un porno en couple. Et l'enquête nous apprend que les femmes qui se laissent tenter par ce genre de films avec leur partenaire ont une vie sexuelle plus riche que la moyenne : elles sont 69% à avoir plus de douze rapports sexuels par mois. Le porno boosterait-t-il la libido ? Alors que certaines personnes pensent que regarder un porno en couple est synonyme d'ennui, il en est tout autre. Le porno est un support comme un autre. A la façon d’un sextoy, il apporte du piment à l’acte sexuel, une excitation supplémentaire, que l'on décide d'utiliser ou pas selon ses préférences. Une femme sur cinq considère que le porno contribue à l'apprentissage de la sexualité.

De plus, 35% des femmes pensent que regarder un porno en couple est un moyen de procurer du plaisir à leur partenaire (31% pour les hommes). Anaëlle regarde des films pornos en couple. Elle trouve ça excitant et aime l’idée que cela stimule son Jules : "Je sais qu’en lançant une petite vidéo sur la tablette pendant les préliminaires, mon homme sera encore plus excité. Et ça ne me vexe pas, au contraire, j’aime bien qu’on fasse appel à ce support de temps en temps pour changer un peu… et se déchaîner !" Emilie, 30 ans, refuse cette pratique, pour avoir tenté une fois : "Les images n’excitaient que lui, aucune scène ne m’interpellait. Je trouve ça sale."

Le porno féministe pour répondre aux besoins des femmes
L’industrie du porno est désormais face à un nouveau public, féminin, avec ses propres attentes. Toujours selon la même enquête, les femmes attachent beaucoup d'importance au réalisme des scènes de sexe (35%), à la qualité du scénario (37%) mais surtout à la beauté (35%) et l'aspect naturel du physique des acteurs (40%). Elles sont 79% à juger que les pratiques des films pornos sont très éloignées de la réalité et 71% pensent qu’ils répondent seulement aux fantasmes masculins. Pornhub, site de vidéos porno à la manière de Youporn, dévoilait en 2014 dans une infographie que "son top des recherches" féminines sur sa plateforme était le sexe lesbien. Une information que l’on pourrait interpréter comme un besoin de sensualité à l'écran.

En réponse à ces désirs féminins, le porno féministe, autrement dit "beau" - comme l'appelle Nathalie Giraud Desforges - se développe depuis quelques années, notamment grâce à des femmes comme Erika Lust ou Ovidie, qui défendent et réalisent du X pour femmes. "Le porno beau réhabilite aujourd’hui des codes pornos présents dans les années 60 et 70 et qui avaient été perdus. A l’époque, on nous offrait des scénarii, de la sensualité, et l’éjaculation faciale, hautement présente aujourd’hui, se faisait rare", précise Nathalie Giraud. Le porno beau retrouve ces rouages : les corps sont vrais, les vêtements ordinaires, on voit des capotes, il y a une histoire ainsi que de réelles mises en scène qui font monter l’excitation... Dans ce type de films, on s'éloigne des films pornos "classiques" qui vont droit au but : un sexe en érection, une pénétration vaginale puis anale - dans ce sens-là si on a de la chance - puis une éjaculation faciale."De plus, le porno féminin véhicule de nouveaux messages : la femme peut être initiatrice, elle peut dire non, elle n'est plus un simple réceptacle. Une réalité qui fait du bien aux yeux."

Et aux yeux de ces messieurs ? Nathalie Giraud Desforges constate que sur le site Piment Rose, dont elle est la fondatrice, autant d’hommes que de femmes achètent les DVD d’Erika Lust. "Et je rencontre en consultation des hommes accros au porno qui, pour certains, me disent préférer les scènes de sexe avec des histoires qui font du bien au cerveau, plutôt que du sexe cru…", ajoute-t-elle. Le porno féministe a de beaux jours devant lui.

Pour aller plus loin
Osez tourner votre film X, d'Ovidie, aux Editions la Musardine

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