Le jour où la sprinteuse Floria Gueï a fait une remontée fantastique pour offrir l'or à la France

"Il n'y aura pas de podium pour le 4 x 400m français", commente Patrick Montel, attristé, à l'entame du dernier passage de relais de l'équipe de France féminine. Nous sommes le 17 août 2014, à Zurich. Les championnats d'Europe d'athlétisme sont sur le point de se terminer. Comme à chaque édition, les différents relais viennent clore, en fanfare, la semaine de compétition qui vient de s'écouler. Au départ, couloir 6, l'équipe de France féminine compte bien tout donner pour s'adjuger une médaille et offrir à Muriel Hurtis, sprinteuse française de légende, une dernière course qu'elle n'oubliera jamais. Mais la concurrence est rude. Dans le petit monde de l'athlétisme, il se murmure souvent que l'on peut juger du niveau d'une nation en le comparant à celui de son équipe de 4 x 400 m. La Belgique, la Grande-Bretagne, la Russie, l'Ukraine, la Pologne et l'Italie veulent, elles aussi, accrocher le podium. Mais ce jour-là, l'équipe de France a pu compter sur un finish hors du commun de leur dernière relayeuse : Floria Gueï.

Saisir sa deuxième chance

Quelques jours plus tôt, la spécialiste du 400 m a échoué à se hisser en finale de la compétition en individuel. Une immense déception au vu de son potentiel. Alors quand elle se présente pour prendre le témoin des mains d'Agnès Raharolahy, Floria Gueï n'a rien à perdre. La Française est en 4^ème position, loin derrière les trois favorites : la Grande-Bretagne, l'Ukraine et la Russie. On comptera alors jusqu'à 12 mètres la séparant du trio de tête. Et les commentateurs ce jour-là ne s'y trompent pas : "On ne revient pas d'aussi loin", explique Patrick Montel. C'était sans compter sur l'abnégation de l'athlète française et sur la difficulté de l'effort produit par les sportives sur un 400 m. Floria Gueï, très lucide, n'arrive pas à combler l'écart sur les 200 premiers mètres de son relais. Mais la Française est concentrée, placée et commence à se rendre compte que ses adversaires souffrent. "Je le vois à leur foulée, à des petites erreurs", explique-t-elle dans un reportage diffusé sur France 2. Dernier virage avant la ligne droite. "Je suis sûre que je peux rattraper au moins une fille."

Aux commentaires sur France Télévisions, Stéphane Diagana, ex-coureur de 400 m et de 400 m haies, est le premier à voir que le scénario de la course est en train de changer. "Alors peut-être ?", lui répond Patrick Montel. À 40 m de l'arrivée, Floria Gueï est pourtant toujours quatrième. Mais sa foulée n'a rien à voir avec celle de ses adversaires, qui souffrent toutes de la redoutée montée d'acide lactique qui alourdit chacun de leur pas. La Française dépasse l'athlète russe : "Tu ressens une sensation d'extase, comme si tu sentais te pousser des ailes", se souvient-elle. La fin de course est déjà là. Au coude à coude avec la Grande-Bretagne et l'Ukraine, l'athlète casse et fait passer ses épaules sur la ligne d'arrivée en première position. Un mouvement qu'elle ne fait habituellement jamais. Mais ce jour-là, il fera la différence. Cinq centièmes qui offrent à l'équipe de France la médaille d'or et le titre de championne d'Europe.

Des images inoubliables

"On a gagné ? On a gagné ?", répète Floria Gueï à ses coéquipières venues l'enlacer. Sonnée, elle a du mal à croire à l'exploit qu'elle vient de réaliser. Car personne n'est jamais revenu d'aussi loin. "J'ai pleuré de tristesse deux jours avant et là, je pleure de joie. C'est pour ça que je m'entraîne, pour vivre ces moments uniques", expliquera-t-elle à France 2. Les images de cette course feront le tour du monde, offrant à l'athlète une nouvelle notoriété, mais surtout un déclic. En individuel, elle s'est depuis offert le titre de championne d'Europe en salle en 2017 et a remporté de nombreuses médailles avec le relais français.