"Je séchais les cours d'EPS au collège, et pourtant, 35 ans plus tard, je serai l'une des porteuses de la flamme olympique"

Élodie Aubelle, 49 ans, fait partie des heureuses élues choisies pour porter la flamme olympique. Elle nous a raconté son parcours, d'ancienne allergique au sport à marathonienne.

"Je séchais les cours d'EPS au collège, et pourtant, 35 ans plus tard, je serai l'une des porteuses de la flamme olympique"
© Corinne Lalande

Tout droit arrivée de Grèce, la flamme olympique débarquera en France le 8 mai. Jusqu'au 26 juillet 2024, elle parcourra le pays et ses lieux emblématiques, portée par 11 000 personnes. Parmi elleux, on trouve des athlètes de haut niveau, des amateur-ice-s, des bénévoles, des personnalités engagées… Et Élodie Aubelle. Une aventure extraordinaire que l'Auvergnate de 49 ans, qui adorait sécher les cours d'EPS au collège, nous a raconté.

Journal des Femmes : Quand avez-vous commencé à faire du sport ?
Élodie Aubelle : Petite, j'étais le stéréotype de l'intello qui n'avait rien dans les jambes. Je n'aimais pas le sport, j'étais la dernière choisie lorsque l'on faisait des équipes… Et une fois adulte, rien n'a changé. J'ai longtemps mis le sport de côté dans ma vie de femme. J'ai été maman solo pendant 19 ans et mon quotidien a beaucoup tourné autour de mes enfants. Je manquais de temps et d'envie. Et puis un jour, je suis allée voir un médecin. J'avais environ 40 ans et des palpitations. S'il m'a rassuré en me disant que tout allait bien pour mon cœur, il m'a aussi signalé que j'avais une musculature de "limace". Ce fut une petite prise de conscience. Mes enfants étant plus âgés, je me suis essayée à l'aquabike, la zumba… Puis j'ai repris mes études. Après une première partie de carrière en tant que professeure des écoles, je suis devenue psychologue scolaire. Mon travail était plus prenant, plus sédentaire. J'ai cherché une activité pour me vider la tête et je me suis lancée dans la course à pied.

Comment se sont passés vos débuts ?
Comme beaucoup, j'ai commencé seule, en courant 500 m autour d'un étang. J'avais le cœur dans les talons. J'étais incapable de courir plus d'1 km. Un jour, j'ai vu une petite annonce dans le journal local. Le club d'athlétisme proposait d'entraîner des débutant-e-s pendant deux mois afin de préparer le Dix des Ducs, une course de 10 km qui a lieu chaque année dans ma région. Si ça nous plaisait, on pouvait ensuite signer dans la Team des Ducs et continuer les entraînements. Et ça m'a plu. Nous étions beaucoup de débutant-e-s à tenter l'aventure. J'avais 44 ans et j'ai couru le 5 km cette année-là. Je me suis prouvée que j'étais capable de m'entraîner avec un groupe, en étant encadrée. Il m'a fallu du temps pour prendre du plaisir dans l'effort. Mais j'ai tout de suite découvert et apprécié les valeurs du sport : l'entraide, le dépassement de soi, la solidarité, la cohésion. Cela me faisait un bien fou de me défouler et d'être avec le groupe.

Comment cette nouvelle aventure a-t-elle continué ?
En 2022, j'ai commencé par courir deux semi-marathons. Et je me suis dit : "Un semi + un semi = un marathon, on signe où ?" Mon premier marathon a été celui de Nice-Cannes fin 2022. Ça a été difficile. J'ai dû gérer une petite blessure sur la fin de ma préparation, il faisait très chaud, j'ai couru seule, mais mon objectif était d'avoir la médaille à la fin. Je termine en 4h48. Dans la Team des Ducs, j'ai la réputation de gagner des dossards. Je participe souvent à des concours sur Instagram. Après ce premier marathon, j'ai remporté deux dossards pour participer au semi de Paris et un autre pour le marathon de Paris 2023. J'ai enchaîné. Et là, j'ai pris un plaisir incroyable. Je revenais de ma première prépa, je n'étais pas remise, mais j'étais sur mon nuage. Je voulais le boucler en 4h30 et j'ai mis 4h12, ce qui était un véritable exploit pour moi. À ce moment-là, je me suis dit : "C'est ça ma vie, maintenant, je veux voyager et faire un marathon par an."

Qu'est-ce que la course à pied a apporté à votre vie ?
De la confiance en moi. On a parfois l'impression que c'est banal de courir un marathon, mais quand on fait des recherches, on s'aperçoit qu'il y a moins d'1 % de la population mondiale qui a déjà réussi à boucler cette distance. Il y a dix ans, jamais je n'aurais pensé en faire partie. La course à pied m'a aussi appris à travailler mon mental. Et puis j'aime me retrouver avec le groupe. On s'amuse, mais on sait être sérieux quand il le faut.

Élodie Aubelle lors du marathon de Paris 2023 © Marc Magon

Quel est votre plus beau souvenir en compétition ?
J'ai évidemment adoré mes deux premiers marathons : le premier pour le challenge, le deuxième pour la performance. Et plus récemment, en novembre dernier, j'ai réussi à motiver 18 personnes de la Team des Ducs pour participer à l'Ekiden (un marathon par équipe) de Nevers. Nous avons composé trois équipes, le plus équilibré possible. Le but : partir et arriver ensemble. Ç'a été un moment de cohésion incroyable. Nous nous sommes dépassés individuellement et collectivement.

Pourquoi avoir eu envie de devenir porteuse de la flamme olympique ?
Je voulais prendre part aux Jeux olympiques. Cela va être un moment historique pour notre pays et je me suis demandée comment y participer à ma manière. J'ai postulé pour être bénévole, mais je n'ai pas été retenue. J'ai aussi essayé de décrocher un dossard pour le Marathon Pour Tous [Élodie a été tirée au sort quelques minutes avant cette interview, ndlr], puis il y avait le relais de la flamme. Je trouvais ça original, que des anonymes puissent candidater. Alors je me suis lancée.

Comment s'est passée la sélection ?
Un jour, j'ai reçu un email de la Caisse d'Épargne, qui est partenaire de l'événement, proposant de candidater. Certain-e-s ont mis ce message directement dans leur corbeille; pas moi. J'ai rédigé un petit portrait expliquant mon parcours sportif et pourquoi je pensais représenter les valeurs des Jeux olympiques. Fin janvier, j'ai reçu un email pour me dire que j'avais été choisie.

Comment avez-vous réagi en apprenant la nouvelle ?
Mes sentiments étaient mélangés. Il y a eu de la surprise et de l'excitation, mais aussi un sentiment d'illégitimité. Quand j'ai vu les profils des autres porteur-euse-s de la flamme, je me disais que je n'avais rien d'exceptionnel. Je me suis juste mise à courir à 44 ans. C'est ce que j'essaie de me dire : je représente ces gens-là, on peut s'identifier à mon parcours.

Quelle a été la réaction de vos proches ?
Il y a eu beaucoup de joie, de la surprise. Certain-e-s de mes proches ne savaient même pas que j'avais postulé et iels me demandaient si j'allais accepter. D'autres ont eu du mal à comprendre pourquoi moi et s'interrogeaient sur le processus de sélection. Pourtant, mon profil a aussi quelque chose d'exemplaire et d'inspirant pour certaines personnes aujourd'hui éloignées du sport.

Vous allez porter cette flamme olympique sur 200 m avant le début des Jeux de Paris. Qu'attendez-vous de ce moment ?
J'ai hâte. J'ai juste envie de kiffer. Ma  famille sera présente. J'ai osé tenter ma chance et elle m'a souri. La course à pied a développé ça chez moi. Jamais je n'aurais osé candidater pour porter la flamme olympique il y a quelques années. Mais je n'avais rien à perdre. Osez ! Croyez en vous ! Cela ne pourra vous apporter que de belles surprises.