Bécassine: fille sotte ou héroïne féministe ?

Bécassine, premier personnage féminin de bandes-dessinées, fête ses 110 ans le 2 février 2015 ! Souhaitons lui un joyeux anniversaire et revenons sur la vie mouvementée de cette incontournable Bretonne en habit vert. Alors naïve ou délurée, Bécassine ?

«Bécassine, c’est ma cousine…», chantait Chantal Goya. Et notre cousine souffle en 2015 sa 110e bougie !
Née le 2 février 1905 dans les pages de la revue pour enfants La Semaine de Suzette, Bécassine, bien que centenaire, n’a pas pris une ride.
Pour son anniversaire, elle a même eu droit à un Doodle sur la page d’accueil du géant Google. Et pour cause : la petite Bretonne sans bouche n’est pas un simple personnage pour enfants, c’est aussi et surtout la première héroïne de bande-dessinée.  
De son vrai nom Annaïck Labornez, Bécassine voit le jour sous la plume d’Emile-Joseph-Porphyre Pinchon. Jacqueline Rivière, alors rédactrice en chef du magazine pour fillettes, invente son histoire afin de remplir une page blanche de la revue. Le personnage, qui s’inspire de la "bonne" de l’auteure, rencontre très vite un immense succès. A partir de 1913, les scénarios deviendront l’œuvre de Caumery, pseudonyme de Maurice Languereau.
Le dictionnaire du Larousse donne comme acceptation familière à l’entrée «Bécassine» la définition de «jeune fille sotte ou naïve». Pourtant, Bécassine, si elle fait des gaffes,  a du plomb sous sa coiffe : elle s’instruit en permanence, parle espagnol, fait du sport, connaît la valeur du travail, sait prendre des initiatives. Surtout, elle apprend à conduire sa propre automobile, fait rarissime pour une femme à l’époque.
Une héroïne féministe, donc, mais aussi politique et religieuse : en 1905, la France est en pleine séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’Observatoire des religions et de la laïcité, cité par Big Browser, rappelle que la maison d’édition Gautier-Languereau, qui publiait La Semaine de Suzette, entendait diffuser la morale et les valeurs. Pratique.
L’image qu’elle véhicule ne plaira jamais aux Bretons, qui voient en elle une caricature «bécasse» des servantes montées à Paris au service des bourgeois. En 1939, un groupe de Bretons détruit la statue de cire de Bécassine au Musée Grévin à Paris. Lors de l’adaptation cinématographique en 1940, le tournage à Lannion est perturbé et l’actrice, Paulette Dubost, menacée : le film sera retiré des salles à sa sortie. Enfin, les nationalistes appelleront au boycott du personnage pour son centenaire en 2005.   
Aujourd’hui, Bécassine est déclinée en toutes sortes de produits dérivés : poupées, parfums, accessoires divers et variés… Une star est née.

Pour les 110 ans de la célèbre bretonne, une grande exposition de poupées, Bécassine dévoile les trésors de Loulotte se tiendra au Musée de la poupée à Paris, du 3 février au 26 septembre.