Délai légal pour l'IVG allongé à 14 semaines, mais toujours en débat

L'Assemblée Nationale a voté pour la proposition de loi visant à allonger la durée d'accès à une IVG. Le délai légal pour recourir à un avortement en France pourrait donc passer de 12 à 14 semaines (16 semaines d'aménorrhée), mais la question divise, jusqu'au sein du gouvernement...

Délai légal pour l'IVG allongé à 14 semaines, mais toujours en débat
© Aleksandr Davydov / 123RF

Un allongement du délai légal pour l'IVG ? C'est une mesure attendue depuis longtemps, qui avait été notamment remise sur la table pendant le confinement, sans pour autant aboutir à des changements concrets. Cette fois, le combat est peut-être gagné. Ce sont les députés qui ont tranché sur cette question, le 8 octobre, lors du vote pour la proposition de loi portée par la députée du Val-de-Marne Albane Gaillot, du groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS). L'assemblée nationale a voté en faveur de ce texte, avec 102 voix "pour" et 65 "contre", a annoncé la députée sur Twitter. Le délai légal d'accès à l'IVG pourrait donc passer de 12 à 14 semaines. Oui, mais, tout n'est pas si simple... 

Délai d'accès à l'IVG : la France, en retard ?

Ces deux semaines supplémentaires pourraient tout changer pour ces femmes qui rencontrent souvent des obstacles pour avorter. "Partir de chez soi quand on a 17 ans, c'est plutôt compliqué. ll y a aussi de grandes disparités territoriales. Que vous habitiez dans la Nièvre ou à Villejuif, dans ma circonscription, vous n'avez pas tout à fait la même possibilité, la capacité d'accéder à un médecin praticien pratiquant l'IVG", a expliqué Albane Gaillot à Franceinfo, avant d'ajouter que la France était "en retard" par rapport à ses voisins européens.

À titre de comparaison, en Allemagne, le délai est de 14 semaines. Aux Pays-Bas, une femme peut avorter jusqu'à 22 semaines de grossesse.

D'autres mesures sont évoquées dans ce texte, telles que la suppression du délai de réflexion de 48 heures et de la clause de conscience pour les médecins, ainsi que la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer une IVG chirurgicale jusqu'à 10 semaines de grossesse.

Le "ni-oui-ni-non" du gouvernement

Les députés ont donc voté pour cette proposition de loi, mais le gouvernement s'inquiète. Pour l'exécutif, le procédé est trop rapide et la question, trop délicate.

"Ce n'est pas une opposition personnelle. Le Premier ministre est très attaché à l'accès à l'IVG pour les femmes. Mais il considère que cela ne peut être décidé rapidement, par une proposition de loi, sans avis du Comité consultatif national d'éthique", a expliqué un membre de Matignon à Libération.

Le CCNE a d'ailleurs été saisi par le ministre de la Santé, Olivier Véran, le 2 octobre. 

Quant à la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, elle a déclaré au quotidien :"Il faut se demander pourquoi on en arrive à quatorze semaines. C'est parce qu'il n'y a pas assez de gynécos. On doit traiter le problème en renforçant le maillage territorial".

Olivier Véran, pas prêt à "prendre une telle décision"

Alors que le gouvernement doit habituellement se prononcer sur un projet ou une proposition de loi, il s'est, cette fois, réservé le droit de s'en remettre à la "sagesse" des députés, avait expliqué le porte-parole de l'exécutif, Gabriel Attal.

Concrètement, le gouvernement ne devrait pas s'exprimer sur le sujet avant d'avoir l'éclairage du Comité Consultatif National d'Éthique

"Cette question pose des questions, pose des enjeux relatifs à la protection de la santé de la femme. (...) Ces enjeux interpellent jusqu'aux plus farouches défenseurs du droit à l'avortement. Je ne peux, en conscience, considérer que nous disposions de tous les éléments pour prendre une telle décision aujourd'hui", a déclaré Olivier Véran lors d'une allocution à l'assemblée nationale, le 8 octobre, quelques heures avant le vote des députés.

Les Français, réticents face à l'IVG... Vraiment ? 

Les oppositions à cette proposition de loi se font toutefois entendre. Récemment, IFOP a publié un sondage étonnant sur l'opinion des Français face à l'IVG. Il faut dire que cette étude avait été commanditée par le mouvement Pro-vie Alliance VITA...

Selon les chiffres récoltés, 92 % des Français penseraient qu'un avortement laisse des "traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes" et ils seraient 73% à estimer que "la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l'IVG".

Pour contrebalancer ces données à prendre avec des pincettes, rappelons qu'en 2014, 75% des Français se disaient favorables à une IVG "sans restriction", selon... un sondage IFOP, commandé par Sud-Ouest dimanche.