Les mariages mixtes déchaînent la violence conjugale: tabous et scandales en Corée du Sud

En Corée du Sud, il sera bientôt interdit aux hommes ayant des antécédents violents d'épouser une femme étrangère. Cet amendement fait suite à une vague de violences conjugales à l'encontre des femmes, notamment celles venant des pays voisins.

Les mariages mixtes déchaînent la violence conjugale: tabous et scandales en Corée du Sud
© bbtreesubmission

Elles seraient près de 6 000 Vietnamiennes à épouser un Sud-Coréen, d'après l'ambassade du pays à Hanoi. La plupart viennent du Vietnam, des Philippines, d'Ouzbékistan, de Chine et fuient leurs pauvres conditions de vie...
Une affaire de violences conjugales vient rappeler le triste sort de ces "épouses étrangères" : en juillet dernier, un Sud-Coréen de 36 ans a battu sa femme d'origine vietnamienne, 30 ans, devant leur enfant de deux ans. La scène a été filmée par la victime elle-même puis partagée sur les réseaux sociaux par son amie.
Cette scène d'une extrême brutalité a provoqué la colère de la population, mais également mis en lumière la vulnérabilité de ces femmes étrangères qui épousent des Sud-Coréens. 

Violences conjugales en Corée du Sud : la vidéo choc 

"Mon épouse et moi ne parlons pas la même langue et nous pensons différemment", a déclaré à la police M. Kim, qui tentait d'expliquer son geste en disant que sa femme "n'était plus obéissante après le mariage".  Dans la vidéo, on le voit ruer la jeune femme de coups dans l'estomac et au visage, la gifler à plusieurs reprises et tout cela sous les yeux de leur fils.
A un moment, il se met à crier sur son épouse qui ne comprend pas le coréen : "Ne t'ai-je pas dit que tu n'es pas au Vietnam ?".
La trentenaire a été transférée à l'hôpital pour une fracture aux côtes. Elle et son fils ont été pris en charge par un refuge. D'après les autorités, le mari était alcoolisé lors des faits.

Selon une étude de la Commission Nationale des Droits Humains, menée sur un panel de 920 femmes étrangères mariées en Corée du Sud en 2018, 42% d'entre elles ont déjà souffert de violences domestiques, rapporte The Guardian.
Ne sachant pas parler la langue du pays, ces femmes sont fragiles, d'autant plus lorsqu'elles ont des enfants et qu'elles n'ont pas de visa : elles vivent avec la crainte que leur maris les jettent dehors et leur prennent leurs enfants. Sans famille ni repères dans un pays qui n'est pas le leur, le silence est leur seule issue dans une société où les femmes plient sous le poids des traditions et du qu'en dira-t-on. 

Mariages internationaux : "elles sont traitées comme un objet" 

Les mariages mixtes sont légion en Corée du Sud depuis les années 1980 et s'expliquent par deux facteurs, comme l'indique la BBC. Le premier est que les femmes sont plus intéressées par leurs carrières : elles délaissent vite les campagnes pour les grandes villes où elles cherchent travail et vie stable, tandis que les hommes se retrouvent seuls. Le gouvernement les incitent à prendre épouse au-delà des frontières pour booster la démographie de la région, en échange de beaucoup d'argent ! 
De leur côté, pour la Chine et le Vietnam où la pauvreté fait rage, l'herbe semble plus verte chez le voisin coréen. Pour les jeunes filles en âge de se marier et séduites par la modernité du pays via les films populaires et les chansons, c'est un eldorado !
Elles font alors appel à des agences matrimoniales pour se trouver un homme (souvent plus âgés qu'elles) qui subviendra à leurs besoins. Les hommes, quant à eux, sont assurés d'amener une femme obéissante et qui prendra soin de sa belle-famille dans leur foyer. Les entremetteuses n'hésitent pas  à mettre l'accent sur l'éducation simple et la naïveté de certaines candidates qui ont arrêté l'école trop tôt et seront donc facilement malléables...

"Cette forme d'union se base sur l'argent plutôt que sur l'amour. Une telle approche mercantile fait apparaître des problèmes de droits humains et de barrières linguistiques. Les épouses étrangères sont vulnérables en matières d'abus de leurs droits fondamentaux, traitées comme une chose et vues comme un objet sexuel ou tenant le rôle de la bonne", explique Mr Jang Han-up, à la tête de Ewha Multicultural Research Institute, dans les pages de Straits Times, un média singapourien.

De plus, si les meurtres et violences à l'encontre de ces femmes persistent, la sphère politique ne réagit pas beaucoup : dans les années 2000, le Vietnam interdit les agences matrimoniales dans l'espoir de décourager les filles de sauter dans l'inconnu, mais certaines continuent leur business illégalement. La Corée du Sud, elle, durcit sa politique d'obtention de visa d'après L'Express Styles.
Mais pour celles qui atteignent leur but et se retrouvent prises au piège, il est trop tard. 

Violences conjugales : la Corée du Sud se réveille 

Il est bon de rappeler que la société sud-coréenne est régie par le patriarcat et les valeurs familiales qui étouffent parfois le dialogue. La parité y est un vrai problème et les hommes ne sont pas durement punis par la loi. L'an dernier, le pays a été secoué par un féminicide horrible : un homme a tué son ex-femme qu'il violentait depuis 20 ans. Les trois filles du couple ont lancé une pétition pour demander la peine de mort à l'encontre de leur père et ont affirmé qu'il avait déclaré ceci avant de passer à l'acte : "Je peux la tuer et être un homme libre après seulement 6 mois de détention".

Sur les cinq dernières années, seulement 13% des affaires de violences domestiques ont aboutis à une arrestation et 0,9% à une peine de prison, d'après le Woman Migrants Human Rights Center (Centre des Droits Humains pour les Femmes Migrantes). 
Est-ce pour remédier à ces problématiques que le gouvernement a décidé de réagir ? Le Ministère de la Justice a annoncé qu'un amendement vient interdire aux hommes ayant des antécédents de violences et connus pour des crimes d'inviter des femmes étrangères en vue d'un mariage. Néanmoins, il faudra attendre octobre 2020 pour que ce système se mette en place.

Les violences faites aux femmes sont très importantes dans la péninsule de Corée, mais les victimes peinent à aller porter plainte ou à rendre la chose publique à cause du jugement de l'autre mais aussi d'un système judiciaire défaillant où une victime de viol peut être poursuivie pour diffamation.