Condamnée pour avoir assisté à un match de foot, Une Iranienne s'immole par le feu

Elle s'appelait Sahar et avait 30 ans. Son crime : avoir assisté à un match de foot de son club préféré. Elle s'est immolée par le feu à Téhéran après avoir eu vent de sa condamnation à 6 mois de prison pour être entrée dans un stade.

Condamnée pour avoir assisté à un match de foot, Une Iranienne s'immole par le feu
© Владимир Григорьев

On l'a surnommait la "fille bleue" en références aux couleurs de son club de foot favori, le FC Esteghlal. Sahar Khodayari, 30 ans, est morte des suites de son immolation par les flammes en public. Le drame s'est produit en début du mois, devant le Tribunal de Téhéran. La raison de ce geste désespéré est l'interdiction pour les Iraniennes d'assister à des matchs de football et d'entrer dans des stades, pour les protéger de "l'atmosphère masculine" et les éloigner de la vue"d'hommes dévêtus", selon les autorités.
Après s'être déguisée en homme pour pénétrer sans encombre dans une tribune en 2018, la jeune Sahar a eu vent de sa condamnation d'une durée de 6 mois de prison par les médias.
Or, d'après le site du Ministère de la Justice iranienne, Mizan Online, aucun procès n'a été fait et aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de la jeune femme. Mais l'Iran n'a pas besoin d'attenter un procès pour enfermer son peuple. 

Mort d'une supportrice iranienne : la FIFA réagit 

La disparition de la jeune fille a provoqué l'émoi de toute une génération de femmes, qui ont relayé l'annonce de sa mort et son combat pour le droit à l'égalité. Ali Karimi, légende du foot iranien a appelé ses fans à boycotter les stades du pays, rappelant que "les femmes de notre terre sont meilleures que les hommes". Les internautes se sont mobilisés pour sensibiliser la FIFA au sort des Iraniennes amatrices de ballon rond.
La FIFA, de son côté, a déclaré réitérer ses "appels aux autorités iraniennes pour assurer la liberté et la sécurité de toutes les femmes engagées dans cette bataille légitime pour mettre fin aux interdictions d'entrer dans les stades", lit-on dans les pages du Monde. 
En vue de la Coupe du Monde 2022, l'organisateur, a sommé, à maintes, reprises, le pays à plus d'ouverture. Au mois d'août, le Ministère des sports iranien a fait savoir que les femmes pourront assister au match de qualification qui opposera l'Iran au Cambodge, le 10 octobre prochain.
"Nous devons avoir des femmes présentes (au stade), nous devons faire pression pour cela avec respect, mais de manière forte et énergique. Nous ne pouvons plus attendre", a déclaré Gianni Infantino, selon 20 Minutes, président de la FIFA. Les Iraniennes ont interdiction de pénétrer dans l'enceinte des stades depuis l'orée de la Révolution Islamique, en 1979. Reste à savoir si les autorités ne vont pas tourner leur veste à la dernière minute...    

Le feu émancipateur contre les mensonges politiques

Dans une tribune publiée par le Monde, Chahla Chafiq, sociologue et écrivaine iranienne rappelle un détail très révélateur du système politico-judiciaire de son pays.

Selon les informations relayées par les médias locaux, à la suite du décès de Sahar Khodayari, son père a prononcé quelques mots à la télévision et a déclaré que sa fille souffrait de problèmes mentaux. Une manière de rabaisser le symbolisme de l'immolation de la jeune femme décédée, mais aussi de rendre vaine sa lutte. Une ruse déjà utilisée par le gouvernement, d'après la sociologue. 

"Des propos semblables, écrit Chahla Chafiq, avaient été avancés en février 1994 lorsque Homa Darabi, une pédiatre de 53 ans, s'immola à Téhéran. Un moyen pour le pouvoir islamiste de réduire au silence la lutte de cette femme progressiste contre des mesures misogynes qui avaient abouti à son licenciement du poste qu'elle occupait à l'université. {...] Un jour, elle sortit de chez elle et, en pleine rue, mit le feu à son corps. Cette scène n'expose-t-elle pas clairement ce qu'Homa Darabi voulait nous dire ? Médecin, elle connaissait des moyens moins douloureux de mettre fin à ses jours. Pourtant, c'est au feu qu'elle a livré son corps, et elle l'a fait dans un lieu public, aux yeux de tous."
Pour le moment, l'embrasement reste la meilleure arme des Iraniennes pour se faire entendre.