Stéphanie Rivoal : quelle place ont les femmes en Ouganda ?

A l'occasion d'un voyage à la découverte de l'Ouganda, nous avons discuté de la place des femmes dans ce pays d'Afrique avec l'Ambassadrice de France à Kampala : Stéphanie Rivoal.

Stéphanie Rivoal : quelle place ont les femmes en Ouganda ?
© Stéphanie Rivoal, Ambassadrice de France en Ouganda

Après une carrière dans la banque d'affaires, Stéphanie Rivoal a tout quitté pour se consacrer à sa passion : la photographie sociale. En 2005, elle part pour une mission humanitaire au Darfour. C'est à Action contre la faim qu'elle a consacré sa vocation pendant plus de dix ans. En 2006, sa mission se poursuit au Liban pendant la guerre contre Israël. Son engagement s'applique autant aux causes structurelles de la faim qu'à l'autonomisation des femmes entre autres, ce qui lui vaut de recevoir la légion d'honneur en 2015. En 2017, elle est nommée Ambassadrice de France en Ouganda. Au cours de notre voyage en Ouganda, nous avons eu l'occasion de discuter avec Stéphanie Rivoal de la place des femmes dans son pays d'accueil.

Quel rôle ont les femmes Ougandaises ?

Selon le niveau de richesse et de développement des régions d'Ouganda, le rôle de la femme varie du tout au tout. Par exemple, dans les campagnes très pauvres, comme dans le nord du pays, la place des femmes n'est pas très valorisante. Je pense surtout à la partie la moins développée, le Karamoja, le rôle des femmes est très "à l'africaine" poussé à l'extrême : la femme fait absolument tout à la maison. J'étais même étonnée de voir qu'elles construisent leur maison. Elles s'occupent d'élever les enfants, de l'agriculture, de tout. Elles sont les piliers des foyers.

Les femmes ont-elles une place différente à la ville ?

Dans les villes, la femme a une vraie place dans la société. A l'université de Makerere il y a beaucoup de jeunes femmes. Dans l'armée, les femmes sont aussi très présentes. L'univers du business compte aussi pas mal de femmes à la tête de grosses entreprises. Grâce au développement des villes, elles ont non seulement une véritable place, mais sont même en situation de pouvoir.

Comment expliquer cette dichotomie entre campagne et ville ?

Dans le monde rural il y a encore beaucoup de progrès à faire, notamment sur l'éducation des petites filles. Les enfants travaillent encore beaucoup aux champs et l'éducation des filles est ce qui ralentit le plus la production. Donc, quand on a besoin d'aide aux champs, ce sont les filles qui sont descolarisées en premier. Alors même que les filles ne vont pas moins à l'école que les garçons au départ, il n'y a pas de discrimination dans ce sens là. L'éducation coûte très cher en Ouganda et les familles à la campagne sont très nombreuses. En ville, les femmes ont en moyenne deux à trois enfants, parce qu'elles veulent pouvoir payer leur éducation. La dynamique est totalement différente.

Les femmes Ougandaises sont-elles présentes en politique ?

Tout à fait. Par exemple, la première dame (femme du président, Janet Museveni) est aussi ministre de l'éducation et des sports. L'équivalent du président de l'Assemblée Nationale, la speaker du Parlement ougandais est une femme : Rebecca Kadaga. La politique est un domaine où les femmes sont vraiment représentées en Ouganda, il y a onze femmes ministres par exemple.

Quelle est l'action du gouvernement ougandais pour aider les femmes ?

Il n'y a pas de plan totalement dédié. Il se concentre plutôt sur des points particuliers via des actions ciblées, comme la lutte contre les grossesses adolescentes. Il n'y a pas assez d'information, pas encore d'éducation sexuelle, cela s'explique notamment par la forte présence de la religion qui prône l'abstinence plutôt que de sensibiliser. La journée internationale des droits des femmes (8 mars) est fériée en Ouganda, c'est symbolique mais cela montre que le gouvernement ougandais se mobilise pour les femmes.

Que faudrait-il améliorer pour aider les femmes Ougandaises ?

Il faudrait développer les zones rurales. Je pense qu'aider les femmes en Ouganda passerait par une approche globale. On voit bien que dans les zones urbaines développées la prise de pouvoir de la femme se passe naturellement, les femmes ont des droits et les utilisent. Le développement diminue le sexisme. Il faudrait plus de routes, d'industrialisation, plus d'écoles et une meilleure qualité d'enseignement dans le public.

En tant que femme politique en Ouganda, comment vous engagez-vous pour cette cause ?

Avec d'autres collègues ambassadrices, des directrices d'agence (PNUD, banque mondiale et FMI) et trois Ougandaises, nous avons monté le Women for Women Award. L'idée est de donner des prix dans différentes catégories comme le sport, le business, la mode, l'art à des femmes Ougandaises. Nous faisons des appels à candidature pour faire ressortir des femmes Ougandaises d'exception. On veut créer une sorte de club, rendre leur action collective et les encourager dans leurs projets.

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