La Belle Saison : retour sur 70 ans de combats féministes

Dans "La Belle Saison", disponible en DVD dès le 19 janvier, Catherine Corsini raconte les débuts du féminisme en France, à travers le regard de Delphine, fille de paysans fraîchement débarquée à Paris qui tombe amoureuse d’une autre femme. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’histoire du féminisme a été marquée par bien des causes. Retour sur 70 ans de lutte.

La Belle Saison : retour sur 70 ans de combats féministes
© © CHAZ productions

La Belle Saison, dont le DVD sort le 19 janvier, est un film résolument féministe. Catherine Corsini a choisi de centrer son film sur les combats liés à l'avortement et l'acceptation d'une forme de liberté amoureuse. Mais avant d'en arriver là, les mouvements féministes ont dû abattre de nombreuses barrières.
L’évènement fondateur en la matière dans la seconde moitié du XX° siècle est à coup sûr l’octroi du droit de vote aux femmes. Consacré en France par une ordonnance du 21 avril 1944, le premier vote féminin n’aura lieu que l’année suivante, le 29 avril 1945. Douze millions d’électrices ont alors pu se prononcer à l’occasion des élections municipales. Le premier scrutin national se tiendra six mois plus tard, le 21 octobre. A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite est le dernier pays en date à avoir accordé le droit de vote aux femmes… en 2011, même si la décision n’est effective que depuis 2015. A Taïwan, en revanche, les femmes n’ont toujours pas cette possibilité.   
En dépit de cette avancée, il faudra encore attendre deux ans avant qu’une femme n’accède à des fonctions gouvernementales. En 1947, Germaine Poinso-Chapuis devient ainsi la première femme à disposer d'un portefeuille ministériel en France. Elle est alors ministre de la Santé publique et de la Population dans le premier gouvernement de Robert Schuman, jusqu’en 1948.
Impossible de parler de féminisme sans évoquer Le Deuxième Sexe, publié par Simone de Beauvoir l'année suivante. La philosophe y analyse la condition féminine et assure qu’ "on ne naît pas femme, on le devient". L'ouvrage deviendra une référence. Selon elle, aucune femme n’a de destin tout tracé et chacune est libre de ses choix. Sa position sur le mariage, assimilé à une forme de prostitution dès lors que la femme est maintenue sous la domination de son mari, fera scandale.
Ses idées ont fortement influencé d'autres initiatives. Dix ans plus tard, en 1960, le planning familial voit le jour et prend le relai de La Maternité heureuse, fondée quatre ans auparavant par la sociologue Evelyne Sullerot et la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé. L’association vise à promouvoir l’éducation sexuelle et la lutte pour le droit à la contraception et à l’avortement. Si elles ont d’abord agi dans une quasi-clandestinité et l’illégalité totale, leur action sera récompensée en 1967, date à laquelle la loi Neuwirth autorise la commercialisation de la pilule contraceptive
Entre-temps, en 1965, les femmes ont gagné leur indépendance financière. Si elle paraît difficilement contestable aujourd’hui, la possibilité laissée aux femmes de travailler, d’avoir leur propre chéquier et de dépenser l’argent sans l’autorisation de leur mari n’a que… 50 ans !

Le tournant des années 70 : la loi est du côté des femmes

Toutes ces avancées, combinées aux évènements de mai 68, ont abouti à la création du Mouvement de Libération des Femmes, en 1969. Très impliquées dans la lutte pour le droit à disposer de son corps, certaines militantes sont pro-avortement. C'est cette dimension du combat féministe qui est principalement évoquée dans La Belle Saison, notamment à travers une scène où les militantes perturbent une réunion animée par un médecin opposé à l'IVG, arguant que leur corps "n'est pas une voiture" destinée à transporter un vulgaire passager. De nombreuses militantes ont ainsi signé le manifeste des 343, une pétition parue le 5 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur. Rédigé par Simone de Beauvoir, le texte réclame un avortement libre et gratuit et la dépénalisation de l’IVG. En signant ce manifeste, 343 Françaises reconnaissent s’être fait avorter, un acte passible à l’époque de poursuites pénales. 
Deux ans plus tard, le manifeste des 331 fera écho à cet acte militant. Publiée là encore dans Le Nouvel Observateur, la pétition est cette fois signée par 331 médecins qui revendiquent avoir pratiqué des avortements malgré l’interdiction. Ces appels successifs seront entendus par Simone Veil. Ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, elle fait voter une loi le 17 janvier 1975, relative à l’interruption volontaire de grossesse. Cette loi, dite loi Veil, légalise l’IVG, mais il faudra attendre 1982 pour que cet acte soit remboursé par la Sécurité sociale. C’est également sous la présidence de VGE que sera créé le tout premier secrétariat d’Etat à la condition féminine, en 1974. Le poste sera confié à Françoise Giroud, emblématique fondatrice de L’Express.         
Si le chemin parcouru depuis les années 40 est considérable, il reste encore beaucoup de combats à mener. La possibilité d'avorter librement en France est entravée par la fermeture de certains services et les réticences affichées par de nombreux médecins. Le gouvernement de Mariano Rajoy a tenté de pénaliser l'IVG en Espagne en 2013. Idem en Italie, où un député de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, avait déposé une motion en ce sens en 2008. Et que dire de l'Irlande, où l'avortement est encore illégal, sauf si la mère est en danger de mort, et passible de 14 ans de prison. La parité est également loin d'être acquise. En France, la rémunération d’une salariée reste inférieure en moyenne de 15,4% à celle de son homologue masculin et l'ascension professionnelle des femmes se heurte souvent au plafond de verre. Certains partis politiques rechignent toujours à présenter des candidates et dans les médias, la grande majorité des experts et intervenants sont des hommes. Au sein du foyer enfin, les tâches ménagères sont encore à 93% l'apanage des femmes. Comme le dit le collectif féministe qui s’est donné pour mission de dénoncer la sous-représentation des femmes dans les instances de pouvoir : La Barbe !