Margaret Milan, une femme entrepreneure à la volonté de fer

Curieuse de tout, mais réaliste et déterminée. Courageuse, mais discrète et attentionnée. Forte de son succès, mais généreuse et pédagogue, Margaret Milan dédramatise le monde de l'entreprise, partage son expérience et nous donne goût à la réalisation de grands projets. Rencontre.

Fondatrice de Fnac Eveil & Jeux, première enseigne française de vente à distance de jouets, cette Ecossaise se voyait ingénieure sur les plateformes pétrolières... une activité "réservée aux hommes" à laquelle elle a dû renoncer. Diplômée de Harvard, éprise d'un beau businessman français, Margaret Milan s'installe en région parisienne, son rêve de réussite à l'américaine chevillé au corps. Embauchée chez Procter & Gamble, cette jeune maman décide bientôt de voler de ses propres ailes et de concilier passion des enfants et désir de se réaliser, individuellement.
Elle lance Eveil & Jeux, une petite structure indépendante. Seule, chez elle, cette grande blonde crée son propre catalogue de jouets éducatifs et se constitue un fichier client avec les moyens du bord. Les parents sont séduits par son offre. Résultat : 100 % de croissance pendant six ans. Conquis aussi, son mari quitte son poste de vice-président d'un cabinet de conseil pour s'associer. En 2001, PPR (anciennement Pinault-Printemps-Redoute) rachète la totalité du capital de sa société... avant de confier à Margaret Milan la vente en ligne. Entre temps, cette aventurière, toujours prête à s'impliquer dans de grandes causes, participe à la création de l'European Professional Woman's Network (EPWN), un réseau dont l'objectif est de promouvoir les femmes dans les organisations et de les accompagner dans les différentes étapes de leur carrière.


Vous portez le premier réseau de femmes cadres supérieurs. Pour qui ? Pourquoi ? Je suis présidente honoraire du réseau féminin EPWN car je pense qu'il est très difficile de rester isolée. Je me sentais un peu perdue il y a 20 ans. Il n'y avait pas encore Internet, pas de service informatique pour m'épauler. C'était système "D". Heureusement, mon mari m'a énormément soutenue. Rien ne remplace les avis extérieurs, les conseils d'experts, le partage d'idées. Il faut savoir marier les compétences complémentaires. Par ailleurs, il y a des spécificités féminines. Si l'envie de devenir son propre patron est la même pour les deux sexes, les femmes ont une approche différente du temps, de l'organisation, elles ont un vrai sens de l'écoute. J'encourage sincèrement les femmes entrepreneures à entrer dans ce réseau d'entraide extraordinaire. C'est la promesse de bons moments.


Vous êtes aussi marraine du Prix Entrepreneure Responsable 2013 (dont le Journal des Femmes est partenaires) ? Les femmes jouent un rôle moteur dans le renouveau économique de la France. Elles travaillent davantage que leurs mères, et commencent à s'imposer doucement dans les postes à haute-responsabilité. Ce prix récompense l'audace d'entreprendre et valorise la responsabilisation de chacun face aux grands enjeux de société. La sélection est professionnelle. Il ne faut pas hésiter à participer, ne pas faire d'autocensure. La dotation est un accompagnement personnalisé. Ce sont les lauréates qui expriment leurs besoins qui peuvent être du ressort du juridique, du marketing, du financier...

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Margaret Milan, une femme entrepreneure à la volonté de fer © EPWN


Quelles sont les motivations principales des femmes qui "entreprennent" ?
- gagner de la maîtrise sur leur vie, ne pas subir une organisation
- créer, améliorer les choses
- créer de la valeur à long terme

Dans votre carrière, avez-vous parfois considéré votre féminité comme un "handicap" ? Je suis ravie d'être une femme..., mais nous subissons des siècles de stéréotypes. Dans l'entreprise, nous sommes toujours regardées en tant que femmes, puis seulement après comme personnes compétentes. Il y a un réel problème de crédibilité. Lorsque je veux être considérée, lorsque je veux outrepasser les a priori, je sors mon C.V et ma Légion d'Honneur. Il faut sans cesse "prouver" quelque chose, "mériter" sa place.


Avez-vous déjà ressenti des injustices, des preuves de "déconsidération" au quotidien ? Lorsque mon commerce commençait à se développer, mon mari m'a rejointe, et c'était toujours lui qui contactait les banques. Un interlocuteur masculin avait immédiatement plus de "crédit" lorsqu'il s'agissait de négocier l'aspect financier.
Quelle mesure concrète pourrait, en France, améliorer la condition de la femme ? Je suis et je me revendique féministe. L'égalité des salaires est importante. Les métiers dits féminins sont moins bien payés. Les grandes entreprises doivent évoluer. Les syndicats doivent se saisir de la cause de l'égale rémunération entre hommes et femmes.


Et de façon plus personnelle, plus intime, qu'est-ce qui vous donne le sourire ? J'ai la chance d'avoir un mari très investi dans le quotidien, le " domestique", mais les tâches ménagères appartiennent à la sphère privée. Les hommes de la génération "Y" sont plus impliqués. Il y a un réel progrès. C'est aussi aux femmes de lâcher la maîtrise de leur foyer.


Que pensent vos filles de cet investissement sans faille ?
Mes filles ont 27 et 24 ans, elles démarrent dans la vie active et ont tout le temps de tenter l'aventure entrepreunariale. Il y a selon mois trois moteurs de décision et trois grands moments pour se lancer :
A 30 ans (et des enfants), on désire davantage de maîtrise sur son temps
A 40 ans, on est au top de son épanouissement et de son énergie
A 50 ans, on a envie de se réaliser personnellement


Peut-on être pour l'égalité des sexes, mais jouer les séductrices ? Il faut garder le côté délicieux des relations agréables, comme la galanterie, et apaiser les comportements détestables. Dans les pays latins (beaucoup plus que chez les Anglo-saxons), les commentaires sexistes, le harcèlement ne sont pas réprimés par la culture d'entreprise. Pour un quotidien plus léger, il est important que les hommes cessent leurs remarques désobligeantes.

Y a-t-il une actualité que vous souhaitez aborder ? Ce qui me réjouit c'est que beaucoup de jeunes créent leur entreprise. Leur esprit d'initiative est remarquable. Je regrette en revanche le manque de clarté fiscale. Le climat en France est tel que les plus volontaires fuient aux Etats-Unis.

Portrait chinois :

Si vous étiez...
un mot : entrepreneure
un végétal : à la fois le chêne et le roseau, solide, mais souple
un film : Le Bonheur est dans le Pré
une recette : un plat de légumes
un animal : un chat (je suis indépendante, mais casanière)
une drogue :  la nature
un vêtement : m'habiller n'est pas une passion, je suis incompétente dans la mode
un parfum : j'aime les gens qui par respect, prennent soin d'eux, mais impossible pour moi de vous citer une marque
Si vous étiez un homme : Je n'aurais pas osé "entreprendre". Je serais restée dans le monde de l'entreprise et j'aurais grimpé les échelons.

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