Le droit à l'avortement menacé aux USA... et en France ?

Une vague d'indignation a atteint les Etats-Unis (et une grande partie du monde). La Cour suprême a annulé l'arrêt Roe V. Wade, qui garantissait aux Américaines le droit à l'avortement. Des Etats prévoient déjà des lois anti IVG. Ce retour d'un demi-siècle en arrière pourrait-il se produire en France ?

Le droit à l'avortement menacé aux USA... et en France ?
© Manifestation contre la décision de la Cour Suprême, au Texas, le 26 juin par Suzanne Cordeiro//SIPA

L'annonce a fait l'effet d'une bombe. Le 24 juin, la Cour suprême des États-Unis a annulé l'arrêt Roe V. Wade, qui datait de 1973 et garantissait aux Américaines le droit à l'IVG, laissant ainsi les Etats libres de légiférer sur le sujet. Près de la moitié du pays pourrait voir ce droit retiré ou fortement restreint d'ici peu. Environ 25 Etats prévoient de passer des lois anti-avortement, tels que le Missouri, l'Ohio, l'Arkansas, l'Idaho ou encore le Texas. La plupart du temps, aucune exception ne serait faite en cas de viol ou d'inceste, voire pour raison de santé.

Au Tennessee, le procureur général a déposé une motion d'urgence afin de déclarer l'avortement illégal immédiatement, sans même laisser un délai de 30 jours entre la publication de l'arrêt et l'entrée en vigueur de l'interdit de l'IVG. Dans le Missouri, le ministre de la Justice de l'Etat s'est réjoui de devenir "le premier" à interdire totalement l'avortement, selon Newsweek.

Avortement aux Etats-Unis : "Je suis terrifiée"... Les stars expriment leur choc

Face à cette nouvelle, les célébrités ont réagi en masse, bien souvent pour s'indigner de la décision, sur les réseaux sociaux. "Je suis absolument terrifiée que nous en soyons là, qu'après tant de décennies où des gens se sont battus pour les droits des femmes de disposer de leur corps, la décision prise aujourd'hui nous retire cela", a notamment fustigé la chanteuse Taylor Swift.

Mariah Carey, elle, a déclaré sur Twitter: "C'est vraiment incompréhensible et démoralisant de devoir expliquer à ma fille de 11 ans pourquoi nous vivons dans un monde où les droits des femmes se désintègrent sous nos yeux".

Le droit à l'avortement est-il menacé en France ?

Mais cette vague de retour en arrière pourrait-elle contaminer la France? Dans notre pays, la loi Veil qui légalise l'IVG fêtera en 2025 ses 50 ans. Au début de l'année 2022, l'Assemblée nationale a voté en faveur de l'allongement du délai légal de recours à l'IVG, porté de 12 à 14 semaines de grossesse

Les choses vont dans le bon sens. Mais est-on réellement à l'abri d'un renversement de la situation? Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, a tiré la sonnette d'alarme, auprès de l'AFP: "Il suffirait qu'on ait un Parlement avec une majorité conservatrice et l'avortement pourrait être interdit".

Le droit à l'IVG, bientôt inscrit dans notre Constitution ?

Le droit à l'avortement est inscrit dans le Code de Santé publique, à l'article L2212-1, selon lequel "la femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la quatorzième semaine de grossesse". Mais ce droit n'est pas inscrit dans notre Constitution. Du moins, pas encore.

Le 25 juin, soit le lendemain de l'annonce de l'annulation de l'arrêt Roe V. Wade, Aurore Bergé, Présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, a déposé une proposition de loi pour faire inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Une façon de garantir ce droit pour les femmes en France, puisque, comme l'a rappelé Aurore Bergé auprès de l'AFP, "on ne change pas la Constitution comme on change la loi".

"A ma connaissance, aucun courant politique ne remet en cause la loi Veil"

La Première ministre Elisabeth Borne a réagi favorablement, sur Twitter: "Le gouvernement soutiendra avec force cette proposition de loi. Pour toutes les femmes, pour les droits de l'Homme, nous devons graver cet acquis dans le marbre. Le Parlement doit pouvoir se retrouver très largement autour de ce texte".

Si une grande partie des députés semble soutenir cette proposition, des voix dissidentes se font entendre. François Bayrou, a, lui, évoqué une perte de temps auprès de BFMTV: "Est-ce qu'il est bon, est-ce qu'il est utile de faire ça, alors même que, à ma connaissance, aucun courant politique ne remet en cause la loi Veil".

Quant au porte-parole du Rassemblement National, Laurent Jacobelli, il a assuré qu'il ne "remettait pas en cause l'avortement", mais a précisé, sur Franceinfo: "Ce n'est pas une question de Constitution. N'attirons pas l'attention sur des faux problèmes".

Dans l'absolu, le droit à l'IVG n'est donc pas totalement intouchable (pour l'instant), mais dans les faits, il ne semble pas menacé en France, affirme Gwénaële Calvès, professeure de droit public et constitutionnel, qui a expliqué à BFMTV: "En France, il y a des problèmes d'accès à l'IVG et des difficultés pour le rendre effectif. Mais nous ne sommes pas menacés par une abrogation de la loi Veil". Et d'expliquer: "Pour cela, il faudrait qu'une majorité se prononce dans ce sens, et j'ai de gros doutes sur ça".