Femmes confinées, femmes "surchargées" : la crise creuse les inégalités de genre

Les conséquences socio-économiques de la pandémie de la Covid-19 se font plus durement ressentir dans la population féminine. Une situation qui pourrait mettre à mal les progrès réalisés en matière d'égalité des sexes et de parité dans le monde.

Femmes confinées, femmes "surchargées" : la crise creuse les inégalités de genre
© nito500

"Au chômage, sans perspective, dans un secteur touché de plein fouet : comment vais-je m'en sortir ?", déplore, dans les colonnes du Monde, Assia, une jeune hôtesse d'accueil dont le CDD n'a pas été renouvelé. Une situation qui n'a malheureusement rien d'exceptionnel. Alors que l'assignation à domicile se poursuit, le constat est sans appel : la population féminine est plus durement touchée par les conséquences socio-économiques découlant de la crise du coronavirus. Des signaux inquiétants qui laissent présager le pire, selon Massimiliano Mascherini, de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), qui écrit dans un rapport datant de septembre: "L'impact dévastateur de la Covid-19 met en péril les progrès enregistrés en matière d'égalité des genres depuis dix ans en Europe".

Magasins, commerces, hôtellerie-restauration… Autant de secteurs économiques durement affectés par la crise où la présence des travailleuses est majoritaire. Déjà amputée d'un écart salarial de 15 %, la situation économique des femmes pourrait mettre plusieurs années à se relever des conséquences découlant des mesures de confinement. "Pour le moment, [les mesures de chômage partiel] ont évité un décrochage massif de l'emploi féminin, mais l'on peut craindre que celui-ci se produise à l'avenir", s'inquiète dans les colonnes du quotidien Brigitte Grézy, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes (HCE). 

Le télétravail, révélateur d'inégalités au sein des foyers

Et il n'y a pas que dans le porte-monnaie des femmes que les conséquences de la crise se font sentir. Dans les foyers français, aussi. "Le télétravail représente aussi une énorme gageure. Les femmes se sont libérées en sortant de la maison pour travailler", analyse Brigitte Grézy.

"Gérer nos deux enfants de 7 mois et 4 ans entre les coups de fil, les courses, le ménage : même si mon conjoint en a fait plus, l'essentiel m'est tombé sur le dos", témoigne pour nos confrères, Aurélie, une ingénieure informatique, huit mois après la fin du premier confinement. Et d'ajouter, résignée: "Même si, cette fois, l'école est maintenue, ça va recommencer".

Comme elles, les femmes sont nombreuses à avoir vécu le travail à distance comme un révélateur des inégalités qui subsistaient au sein de leur foyer. Alors que la frontière entre les tâches professionnelles et domestiques est devenue plus poreuse, elles sont nombreuses à en avoir subi les conséquences malgré le soutien de leur conjoint.

Si 45 % des parents affirment se partager cette charge à part égale selon une étude du Boston Consulting Group, la gent féminine continue d'y passer 17 % de temps supplémentaire. "En la matière, les pères négocient souvent mieux que les mères. Certains expliquent que le mercredi, ils ferment la porte à clé" ", tente d'expliquer à Télérama la sociologue du travail Frédérique Letourneux.

73 % des femmes craignent pour leur avenir

Une invasion des tâches domestiques dans leur emploi du temps professionnel qui finit par peser dans leur productivité quotidienne. 29 % d'entre elles affirment avoir des difficultés à se concentrer à la maison – soit 18 points de moins que chez les hommes.

"Le plus dur est d'avoir eu le sentiment de courir derrière mes collègues masculins, libres de travailler plus, déplore l'ingénieure. En six mois, j'ai vu l'écart se creuser." Un constat qui leur fait craindre le pire.

Selon le baromètre Women's Forum réalisés sur l'ensemble des pays du G7, 73 % des femmes ont peur de pour leur avenir. Un chiffre qui pourrait croître à mesure que le confinement dure. "Il faut faire attention à ce que les mesures anti-covid ne creusent pas davantage l'écart entre hommes et femmes", s'inquiète la présidente du HCE.

Pour l'heure pourtant, il est trop tôt pour juger des conséquences des mesures sanitaires sur l'égalité des sexes. Tout dépendra de l'efficacité des mesures décidées par les gouvernements pour répondre à la crise économique qui se profile.

Au cours des années à venir, le plan de relance européen envisage par exemple de mettre en place des "salaires minimums équitables et des mesures contraignantes en matière de transparence salariale pour aider les travailleurs vulnérables, en particulier les femmes". Une donne qui, on l'espère, pourra définitivement permettre à l'égalité des genres d'enfin durablement rayonner.