Interview - Nicole Ferroni : "Fouf-washing", patriarcat, Piquantes... on a parlé féminisme avec l'humoriste (EXCLU)

La présentatrice de "Piquantes", talk-show 100% féminin, Nicole Ferroni, nous parle de féminisme pour la Journée Internationale des Droits des Femmes. Émission spéciale en prime time sur Téva, "fouf-washing", nouveau rôle... l'humoriste se livre. Interview exclusive.

Interview - Nicole Ferroni : "Fouf-washing", patriarcat, Piquantes... on a parlé féminisme avec l'humoriste (EXCLU)
© Niviere David/ABACAPRESS.COM

Afin de mettre à l'honneur la Journée Internationale des Droits des Femmes, le 8 mars, le talk-show 100% féminin Piquantes s'invite en prime time sur Téva. Pour l'occasion, son animatrice, Nicole Ferroni, nous parle de ce numéro spécial et de ses invités, tout en abordant des sujets féministes qui lui tiennent à cœur. L'actrice, humoriste et chroniqueuse de 40 ans se livre aussi au Journal des Femmes sur son rôle dans la série Aspergirl, bientôt sur OCS et sur les difficultés d'incarner ce personnage.

Journal des Femmes : Piquantes est un talk-show entièrement féminin, pourquoi est-il important qu'il n'y ait que des femmes dans l'émission ? 

Nicole Ferroni : Au départ, ce n'est pas mon idée. J'ai été recrutée au même titre que les chroniqueuses. Mais je pense qu'il était important, parce que dans le paysage audiovisuel, le fameux PAF, pour l'instant, la parole des femmes est encore très déficitaire. L'idée d'avoir une émission entièrement féminine, je trouve qu'elle nous permet d'aborder des sujets par un prisme peut-être plus expert. C'est bien aussi que les femmes puissent parler de leur vécu sans avoir les jugements d'hommes qui pourraient, peut-être, ne pas comprendre, ne pas connaître ce qu'on vit, que ça soit l'avortement, discrimination au travail… sur plein de sujets.

Et après, je trouve que ça permet un peu de grandir, de tordre le cou à cette image comme quoi c'est dur de travailler entre femmes. Je sais que depuis que je fais Piquantes, tout le monde me dit : "Alors ça va Nicole ?", entre guillemets : "Tu tiens le coup ?" Et en fait, on est très loin du crêpage de chignon. Je trouve que c'est bien de le vivre et c'est bien de le montrer.

Le talk-show Piquantes est d'ordinaire en deuxième partie de soirée, mais pour la Journée internationale des droits des femmes, il sera diffusé en prime time, que cela représente pour vous?

Pour nous, c'est une opportunité. On le voit comme une reconnaissance du programme. Il faut savoir que les programmes en prime time sont ceux dans lesquels on fait confiance. Donc on est très contentes d'avoir cette chance là. Être en prime time, et accessible ensuite sur 6play, c'est-à-dire aux personnes qui ne sont pas forcément abonnées à Téva, c'est aussi pour nous la possibilité de faire connaître ce programme qui est un peu atypique, dans lequel on a beaucoup de liberté de parole et d'action. Et pour nous, c'est important. Après, évidemment que si la chaîne voulait nous mettre en prime time les autres jours, en dehors du 8 mars, on serait d'accord !

En général dans l'émission, il n'y a pas de politiquement correct et vous avez une grande liberté sur la façon de s'exprimer. Le prime time va-t-il influer sur le ton ? Les sujets ? Est-ce que vous allez avoir autant de liberté ?

Sur le contenu oui, on fait une émission spéciale liée aux droits des femmes et au féminisme et sur les questions qu'on peut avoir, qu'on nous pose ou sur les remarques. On a choisi comme titre d'émission : Est-ce que trop de féminisme tue le féminisme ? Parce que c'est une question à laquelle on a toute eu affaire en tant qu'humoriste, parfois féministe. Et j'espère que ce contenu sera accessible à un plus grand nombre que d'habitude.

J'espère qu'on ne va pas se laisser piéger par une pression de dire : "Comme on est en prime, faut faire mieux" et qu'on ne tombe pas dans l'ennemi du bien. Mais a priori, vu ce qu'on a prévu de faire et la façon dont on s'amuse en écriture, je dirais que non. En terme de ton, on aura toujours cette liberté de parole. En tout cas, les idées que j'ai proposé sont passées.

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les deux invités très spéciaux de l'épisode du 8 mars ? Et comment ont-ils/elles été choisi(e)s ?

Les deux invités sont Anne de Petrini et Arnaud Tsamere. Alors Anne de Petrini, elle a été choisie notamment parce que c'est une femme qui est très très active dans le paysage audiovisuel. C'est quelqu'un qui a beaucoup de cordes à son arc, à la fois réalisatrice, autrice, comédienne, actrice. Tout ça fait, je pense, que dans son parcours, elle a expérimenté un peu toutes les discriminations ou les difficultés d'être une femme dans le milieu de l'audiovisuel. Son regard est intéressant sur cette question en particulier. 

Et ensuite, on avait envie dans le cadre de cette émission spéciale d'avoir quand même un invité de la gent masculine, notamment Arnaud Tsamere. Déjà pour offrir une parité, puisqu'on la demande, autant la pratiquer aussi. Arnaud Tsamere, je pense, c'est quelqu'un qui, de par sa sensibilité, peut avoir un bon point de vue à nous offrir en tant qu'homme sur le féminisme et sur le droit des femmes. Voilà c'est un homme sensible.

Vous avez inventé le terme de "fouf-washing", est-ce que vous pouvez le définir pour nos lectrices ?

Ah le "fouf-washing" ! (rires) Je connaissais bien le greenwashing, que j'expérimente et je vois en tant que consommatrice. Je sais que des fois il y a des cas de greenwashing qui sont assez explicites et maintenant, on sait bien les reconnaître. Puisque l'écologie est quand même passée par là, par cette nécessité d'abord de militer. Puis, il y a toujours une dérive au militantisme, qui peut-être utilisé à des fins marketing. Donc ce qui existe pour le greenwashing, je trouve que ça existe vraiment pour les femmes, c'est ce que j'ai appelé le "fouf-washing". C'est-à-dire le fait d'utiliser le féminisme ou le droit des femmes et leur combat à des fins de communication et de marketing.

Je vais prendre un exemple assez simple et parlant. L'année dernière, j'étais dans une enseigne de magasins de vêtements, qui vendait de beaux t-shirts avec écrit : "Liberté, égalité, féminité" ou "Girl Power", pour que les femmes puissent afficher leur féminisme sur leur t-shirt. Puis quand on regardait l'étiquette, il y avait écrit : "Créé en France" et en plus petit, en dessous, il y avait écrit : "Fabriqué au Bangladesh". La vente de ses t-shirts n'était pas, du moins pas explicitement, corrélée au fait qu'ils allaient financer une association de femmes. C'était juste un féminisme de façade. Ça c'est du "fouf-washing", quand on utilise le féminisme pour vendre des choses, pour faire de la communication, au détriment des actes qu'on attend derrière.

Vous êtes le personnage principal de la série Aspergirl qui sortira en avril sur OCS et qui parle d'Asperger. Au micro d'Europe 1, vous parliez de votre culpabilité à interpréter un personnage autiste sans l'être et de votre légitimé, avez-vous hésité à accepter le rôle ?

                     Je sais pas si je peux dire que j'ai hésité, j'étais tellement contente d'avoir la chance d'incarner ce personnage. Mais c'est le tournage qui m'a posé le plus de questions intérieures sur ma légitimité à pouvoir incarner un personnage en particulier. Parce que je sais qu'il y a beaucoup d'associations, de personnes qui présentent des troubles du spectre autistique qui militent aussi pour avoir une visibilité. Et je comprends que ça puisse leur apparaître comme une appropriation, le fait que ça soit une comédienne neurotypique parce que moi je n'ai pas de trouble du spectre autistique.

Sincèrement, j'espère que je n'ai pas donné une image trop caricaturale. C'est quand même une comédie, on joue beaucoup sur des ressorts comiques. Mais ce qui m'a quand même rassuré pendant le tournage, c'est que j'ai beaucoup été guidée. L'écriture a été passée en relecture par des personnes qui sont elles-mêmes autistes, pour s'assurer que déjà dans les textes, il n'y ait pas de choses qui puissent heurter par maladresse et par méconnaissance. Et après l'autre point était très intéressant et assez rassurant, c'est que parmi les comédiens choisis, il y en a qui sont autistes dans la vie. J'ai passé des journées de tournage très chouettes avec eux, ils ne m'ont pas jugée et m'ont accompagnée.

Comment avez-vous préparé le rôle ? 

C'est assez délicat parce qu'à la fois je voulais avoir un jeu qui soit assez réaliste et justement pas caricatural et en même temps je ne voulais pas mimer quelqu'un. Je ne voulais pas me retrouver dans la posture de prendre une personne en exemple et de dire que je vais être ce prototype là. Donc je me suis plus renseignée sur l'autisme que vraiment aller chercher des mimiques ou des phrasés particuliers. J'ai fait confiance à la réalisatrice, qui s'appelle Lola Roqueplo. Elle m'a beaucoup guidée pendant le tournage, elle me disait : "Là peut-être que tu en fais un peu trop", "Là peut-être pas assez", "Là ça serait bien que tu amènes telle couleur dans ton jeu". J'ai fait beaucoup confiance à l'instinct et à l'œil de Lola. 

Pour terminer, selon vous, est-ce que trop de féminisme peut tuer le féminisme ? 

Ah c'était une question piège (rires) ! Non, j'avoue que c'est une question piège. Je me suis dit que trop de féminisme tuerait le féminisme, le jour où le machisme et le patriarcat tueraient moins de femmes. Mais tant que le patriarcat et le machisme tuent des femmes, on peut dire que le féminisme peut avoir la totale liberté de s'exprimer, qu'il ne se tuera pas lui-même.

Interview exclusive ne pouvant être reprise sans la mention du Journal des Femmes.