Mort de Frank Horvat, photographe amoureux des femmes

Ses clichés de mode ont révolutionné le genre. Ce 21 octobre, Frank Horvat, photographe de génie, s'est éteint à l'âge de 92 ans.

Mort de Frank Horvat, photographe amoureux des femmes
© GINIES/SIPA

Choisir le bon moment plutôt que mitrailler à tout bout de champ. C'était le mantra de Frank Horvat, photographe de mode qui a sublimé la beauté féminine pendant près de 70 ans. Le 21 octobre 2020, l'auteur du célèbre cliché Chaussures et Tour Eiffel a tiré sa révérence à l'âge de 92 ans.
C'est la galerie parisienne Lelong qui a annoncé cette terrible nouvelle. Jusqu'à très récemment, Frank Horvat y était mis à l'honneur à travers une série de portraits sensuels et colorés de femmes. Une thématique qui a jalonné la carrière de ce grand homme. Décolletés plongeant plus bas que le nombril, yeux de biches si grands que l'on en oubliait le reste du sujet… Tout au long de sa longue carrière, Franck Horvat a eu à cœur d'immortaliser l'insaisissable beauté de ses sujets féminins.

Il révolutionne la photographie de mode  

Pour ce fils d'un médecin et d'une psychiatre, c'est à partir des années 50 que tout s'accélère. À cette période-là, il fait la rencontre déterminante d'un homme : Henri Cartier-Bresson.

"Il a regardé mes photos à l'endroit, puis à l'envers avant de me déclarer que ce que je faisais n'avait aucun intérêt. Il avait l'air de savoir ce qu'il disait et j'ai senti qu'il avait raison. Il m'a fallu ensuite pas mal de temps pour comprendre qu'une œuvre, pour être bonne, doit être juste sur plusieurs plans en même temps", confiait Frank Horvat à propos de ce dernier.

Poussé par son influence indicible, le photographe se décide à entreprendre un voyage en Asie en tant que photojournaliste indépendant.

Il en revient avec une vision. A partir de 1957, il applique son expérience de reporter à la photographie de mode. Au programme ? Saut de cabris, danses et rires immortalisés sur le papier glacé….

Des clichés mêlant réalisme et sensualité réalisées dans la rue, bien loin des photos guindées qui caractérisaient alors le genre. "Pour éviter les sourires stéréotypés des magazines, je leur disais : "Please don't smile"", racontait-t-il au Nouvel Observateur.

Un éternel amoureux

Un renouvellement profond pourtant né d'une insatisfaction. À propos de ses choix esthétiques, il confiait : "J'avais honte de travailler pour la mode. Alors que je m'étais donné tant de mal pour photographier ces vêtements plutôt moches : ils m'ont permis d'approcher ces belles femmes qui m'attiraient – et dont j'ai découvert, souvent, la profondeur".

Son secret ? "C'est d'être toujours amoureux", confiait sa fille, Fiammetta, au Figaro en 2018. Amoureux des femmes peut-être, mais aussi de la vie. Même si elle n'a, pour lui, pas toujours été simple.

Sa famille, éprouvée par la guerre

Né en Europe Centrale en 1928, Frank Horvat a longtemps été obligé de fuir, avec sa famille d'origine juive, en passant par la Suisse, l'Italie, le Pakistan, l'Angleterre ou encore l'Inde. Dans les années 1930, sa mère se remarie en Suisse afin d'obtenir un visa tandis que son père continue de fuir en traversant l'Italie sur des trains de marchandises. À la libération, tous se retrouvent, mais séparés par des barbelés. "J'avais 17 ans, je n'oublierai pas", disait-il à ce sujet.

Une meurtrissure qui a influé sur son choix de carrière : "Je n'ai pas fait des photos de guerre, de misère, de souffrance ou de folie : non pas par indifférence à ces malheurs, mais parce que je ne me sens ni la justification morale, ni le courage physique pour affronter de telles situations en tant que photographe".

Et pourtant, cela ne l'a pas empêché de nous laisser une image impérissable. Celle d'un photographe de mode impertinent et à l'immense talent.