Amour et Sexe au Maghreb : une femme lève le voile sur les tabous

Homosexualité, sexe hors mariage, mères célibataires : où en sont les pays d'Afrique du Nord en terme de liberté sexuelle ? Entre hypocrisie politique, modernité et religion, Michaëlle Gagnet a suivi ces jeunes qui subissent les diktats d'une société entre traditions et occidentalisme, pour son reportage "Amour et sexe au Maghreb", diffusé sur M6.

Amour et Sexe au Maghreb : une femme lève le voile sur les tabous
© : pixinoo

Les amoureux peuvent-ils s'embrasser librement dans les rues tunisiennes ? Qu'arrive-t-il aux mères célibataires du Maroc ? La journaliste Michaëlle Gagnet a passé trois ans en Tunisie et au Maroc pour répondre à ces questions dans son reportage Amour et sexe au Maghreb, diffusé le 31 janvier dans l'émission Enquête exclusive, sur M6. Alors que le sexe est un véritable tabou dans les pays nord-africains, la réalisatrice lève le voile sur les plaies cachées des sociétés marocaine et tunisienne. Un livre sur le même sujet est en préparation. 

Amour et sexe au Maghreb : l'hypocrisie de la société pointée du doigt

Si ces deux pays semblent plutôt tolérants face à la modernité, l'homosexualité et les élans amoureux en public sont sévèrement punis par la loi. En octobre 2017, Nassim, franco-algérien parti en vacances en Tunisie, et Selima, son amie tunisienne, écopent respectivement de quatre mois et demi de prison pour "atteinte à la pudeur". D'après les autorités, ils auraient simplement... échangé des baisers sur la voie publique.

L'"affaire du bisou", comme on l'appelle, a fait bondir les associations des droits de l'Homme et des libertés individuelles. Des marches ont été organisées ainsi qu'une "Journée du bisou", en soutien aux deux condamnés. Toutefois, ces initiatives n'ont été que peu suivies par les Tunisiens, par crainte des représailles policières. Raouf el May, député tunisien, a pointé du doigt l'absurdité de cette histoire, en publiant sur Facebook une photo où il embrasse son épouse. Et de légender :"Dans quel commissariat dois-je me rendre pour aller en prison ?"

Pourtant, quelques mois avant cette polémique, le président Essebsi avait annoncé que les femmes tunisiennes pourraient désormais se marier avec un étranger non-musulman, revenant ainsi sur une loi de 1973. Le chef de l'État a également promis des avancées en matière d'égalité hommes-femmes dans son pays. Comment expliquer que la justice fasse volte-face pour une simple affaire de baisers, alors que la modernité tend (lentement) les bras à la Tunisie ?

Amour et sexe au Maghreb : les femmes, premières victimes d'un système patriarcal 

En plus d'être souvent archaïques, la plupart des lois marocaines et tunisiennes protègent davantage les hommes. Au royaume de Mohamed VI, Michaëlle Gagnet et son équipe sont allées à la rencontre de l'association INSAF, (Institution Nationale de Solidarité Avec les Femmes en détresse), qui vient en aide aux mères célibataires et à leurs enfants. Beaucoup d'entre elles sont rejetées par leur famille pour avoir eu des rapports sexuels hors mariage. D'après une étude menée par l'association, sur 4 605 000 naissances, plus de 500 000  ont eu lieu hors du mariage en 2009, ce qui équivaut à près de 11 %. Considérées comme des parias, ces femmes se retrouvent parfois à la rue avec leur bébé, lorsqu'elles ne décident pas de s'en séparer.

Au Maroc, des nouveaux-nés abandonnés sont retrouvés presque chaque jour au bord des routes ou dans des poubelles. De surcroît, les enfants nés sous X ou de parents inconnus hors mariage ne jouissent pas des mêmes droits que les autres. D'où la nécessité pour ces femmes de faire reconnaître leur bébé au père ou l'acte de mariage à la justice (certaines ne sont mariées que religieusement ou ont été violées puis rejetées du foyer familial). Sans ces reconnaissances et sans ressources, ces enfants finissent le plus souvent dans les rues ou à l'orphelinat. Les mères célibataires, empêtrées dans la précarité, ne peuvent pas compter sur l'aide juridique car, aux yeux de la loi, elles sont coupables d'adultère et risquent une peine d'un mois à un an de prison, selon l'article 490 du code pénal marocain. 

Viol, pédophilie, prostitution : tous ces problèmes sociaux sont liés, de près ou de loin, aux lois sur les libertés individuelles et aux traditions musulmanes qui empêchent la population maghrébine de prendre possession de son corps comme elle le désire. Malgré l'ouverture de ces pays sur l'Occident, il reste d'énormes progrès à faire pour lever le tabou sur le sexe, en Afrique du Nord.