Françoise Davisse : "Le divorce, c'est la liberté de s'aimer"

L'amour à la française fait-il encore rêver? D'où vient cette tradition nationale de la galanterie? Les hommes et les femmes ont-ils des comportements amoureux si différents? Françoise Davisse et Carl Aderhold abordent ces questions passionnantes dans une série documentaire à ne pas manquer, Il était une fois l'amour à la française, diffusée sur France 3, le 14 février à 21h10, qui retrace l'histoire de l'amour en France, depuis la Révolution française jusqu'à nos jours. Le livre jeunesse Histoires d'Amour, de Françoise Davisse, Carl Aderhold et Cécile Jugla est également désormais disponible aux éditions Nathan, ainsi que l'ouvrage écrit par les réalisateurs du documentaire, L'amour à la française - Une autre histoire du sentiment, du plaisir et du couple, aux éditions First. Entretien avec la réalisatrice Françoise Davisse.

Le Journal des Femmes : Comment est née l'idée de cette série-documentaire ?
Françoise Davisse : Avec Carl Aderhold, nous avions fait le documentaire Histoires d'une Nation sur l'immigration en 2018. A ce moment-là, le mouvement #MeToo commençait à bien se faire entendre. C'est là que nous avons eu l'idée de parler de quelque chose qui ne se raconte pas beaucoup: l'affaire d'Etat qu'est l'amour quand on crée une nation. Notre but était de montrer comment se créent les choses que l'on croit être de tout temps et naturelles. 

Vous donnez la parole à Claire Chazal, Cécile Bois, Jean-Pierre Darroussin, Queen Camille, ou encore Assa Sylla mais aussi à des anonymes. Comment avez-vous choisi vos intervenants ?
Françoise Davisse : Notre idée était de faire intervenir des gens de tous âges et qui, et c'est assez rare, pouvaient parler de leurs parents et grands-parents. Ce n'est pas courant de savoir comment ses grands-parents se sont rencontrés, de connaître des détails de leur histoire d'amour, puisque c'était assez tabou il y a encore quelques décennies. Ensuite, nous voulions une réelle diversité parmi les intervenants, qu'ils viennent de catégories sociales et de générations différentes, afin de pouvoir mettre en commun. On a cherché des gens avec des expériences différentes, comme Marie Gatard, qui avait l'expérience de ce que c'est que d'être une femme de la bourgeoisie ou Jean-Pierre Darroussin, qui raconte très bien le passé de son père ouvrier et artisan.

Et le documentaire est habillé de la voix d'Emmanuelle Béart…
On cherchait une voix qui soit accueillante, mais ni vindicative, ni légère. Emmanuelle Béart nous a vraiment fait un beau cadeau parce qu'elle ne fait pas vraiment de commentaires de documentaires. C'est le sujet et la démarche qui l'a vraiment intéressée. 

La tradition française de la galanterie est-elle en voie de disparition ?
J'ai découvert qu'il s'agissait encore d'un enjeu de bataille politique incroyable. C'est une vraie bagarre car la galanterie, l'amour à la française, est ce que l'on oppose aux femmes qui souhaitent que les rapports entre les sexes soient à égalité. L'histoire de la galanterie française correspond à un moment où il y avait une volonté d'asseoir un pouvoir sur les femmes. On a mis la galanterie comme un ordre entre une supériorité masculine et une faiblesse féminine. Il fallait lui donner des qualités qui disaient qu'elle aimait bien être inférieure, pour résumer. Aujourd'hui encore, il s'agit d'un véritable enjeu alors que c'est un concept du XIXe siècle. Nos représentations actuelles de l'amour sont celles de la galanterie, mais "bien enrobée".

Paris est-elle toujours la ville de l'amour ?
J'ai l'impression qu'elle l'est encore. Mais ce que nous avons découvert d'assez triste, c'est que Paris devient la ville de l'amour parce que c'est le lieu des bordels sous Napoléon III. C'est à l'époque l'endroit des plaisirs pour l'Europe, là où il y a plus de prostituées, les bordels sont organisés par l'Etat…Paris est une ville des plaisirs.
Toutefois, durant les années 30, le cinéma français, dont les films parlent beaucoup d'amour, prend une ampleur internationale. Cela influe sur la réputation de la France en tant que pays romantique. Le coup de foudre est aussi une invention française et c'est souvent le mot français qui est utilisé à l'étranger pour décrire ce phénomène. 

Il n'y a jamais eu autant de divorces qu'aujourd'hui. Pourtant, les Français croient encore à l'amour et le désir d'être en couple ne faiblit pas…
A peu près 80% des personnes sont en couple aujourd'hui. Le divorce est souvent érigé comme une preuve de dysfonctionnements. En fait, il est la preuve que le couple va bien. La première fois que l'on utilise le mot "consentement" dans la loi, c'est pour le divorce. On ne peut pas considérer que l'on choisit d'être ensemble si l'on n'a pas la possibilité de se séparer par consentement mutuel. Le divorce est donc une liberté de s'aimer.
ll y a eu un pic des mariages autour des années 2000, même s'il y en a un peu moins désormais. Il était intéressant pour nous de rencontrer des couples pour le documentaire, et voir comment ils vivaient leur amour, montrer qu'il y a des hauts et des bas. Souvent, dans les histoires, on s'arrête au moment où le couple se met ensemble. C'est dommage, car ce n'est pas le plus intéressant.

Cela renvoie à la fameuse phrase : "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants"...
Oui, d'ailleurs cette phrase n'est pas issue des contes, ni chez Grimm, ni chez Perrault, ni même de Walt Disney. Nous n'en avons pas parlé dans le film, car il était impossible de trouver son origine, même en interrogeant moult historiens! Cette phrase qui clôt un conte est d'ailleurs propre à chaque pays, les Espagnols, les Anglais en disent une autre… mais le mystère de son origine reste entier!

Pour la Saint-Valentin, ne manquez pas la passionnante série documentaire Il était une fois l'amour à la française, diffusée sur France 3 à 21h10, le 14 février.