Laurent Voulzy : "J'ai été conçu sur une plage de Guadeloupe"

Laurent Voulzy a vécu une expérience unique en donnant un concert à l'abbaye du Mont-Saint-Michel, fin 2019. Une aubaine pour ce féru de mystique et de spiritualité ! Nous avons rencontré le chanteur de 71 ans, qui nous a parlé de ses craintes, son enfance, ses songes...

Laurent Voulzy : "J'ai été conçu sur une plage de Guadeloupe"
© Yann Orhan

On a tous dans l'cœur une chanson de Laurent Voulzy... qui nous colle encore et au corps. Voilà plus de 50 ans que le chanteur nous enchante de ses mélodies inoubliables et refrains entraînants. À 71 ans, l'artiste continue de se renouveler, de nourrir de nouveaux espoirs et se considère d'ailleurs encore "comme un débutant", nous confie-t-il lorsque nous le rencontrons entre les murs luxueux de l'hôtel Nolinski, près de l'Opéra Garnier à Paris. Affable, sympathique et même facétieux, Laurent Voulzy nous accueille avec un grand sourire, accepte volontiers les selfies (notre cœur de fan est aux anges), nous parle des différentes variétés de thé qui sont à disposition et se demande si le thé vert contient de la caféine (c'est le cas, nous avons vérifié).
Le chanteur a été profondément marqué par le concert qu'il a donné à l'abbaye du Mont-Saint-Michel, dont l'enregistrement est désormais disponible en DVD et 2CD dans l'album sobrement baptisé Mont Saint-Michel. Ce passionné d'ésotérique et de moyen-âge, qui prépare d'ailleurs un spectacle musical consacré à Jeanne d'Arc, se confie sur son rapport à la spiritualité, sa relation avec Alain Souchon et son enfance passée à jouer dans les flaques d'eau...

Pourquoi était-il important pour vous de jouer à l'abbaye du Mont-Saint-Michel ? 
Laurent Voulzy :
Il s'agissait du point culminant de ma tournée des églises. J'avais fais un album en 2010 qui s'appelait Lys & Love, inspiré par le moyen-âge, la France, l'Angleterre, la spiritualité, le surnaturel. Après l'enregistrement, nous avions fait trois concerts : dans la basilique Saint-Denis, à l'église Saint-Eustache à Paris et dans une église près de Westminster à Londres. L'atmosphère était vraiment particulière, je sentais quelque chose qui n'existait pas ailleurs. 

Que vous inspire le fait de jouer dans les cathédrales ?
Laurent Voulzy :
J'ai une passion pour les cathédrales, mais je ne sais pas réellement d'où elle vient. Dès l'âge de 18 ans, j'ai été attiré par l'ésotérisme, les cartes, l'astrologie, tout ce qui est mystérieux… Je me demande pourquoi l'on est sur terre. Pourquoi vit-on, rit-on, vieillit-on ? Bien des choses nous échappent. Quand il n'y a pas beaucoup de monde, j'adore aller dans les églises, mettre une bougie et observer le silence. On a l'impression que les réponses ne sont pas loin… 

"Je crains les forces maléfiques"

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Laurent Voulzy © Julien Reynaud

Avez-vous la foi ?
Laurent Voulzy :
J'aimerais avoir une foi inébranlable, mais je continue à me poser des questions. Je suis absolument certain qu'il y a quelque chose de supérieur à nous, des choses que l'on ne sait pas… Je crois aux esprits, par exemple. J'ai aussi l'impression que l'on a tous un voile devant les yeux, comme si l'on avait un moteur bridé, qu'on nous empêchait de voir la réalité. Aux Antilles, surtout dans la génération de ma mère, la magie et les esprits sont très présents. Peut-être que cela a laissé des traces dans mon esprit, puisqu'il m'arrive de craindre certaines forces maléfiques. Mais je me protège, je fais beaucoup de méditation, je fais des prières traditionnelles chrétiennes le matin et d'autres que j'ai inventées. J'essaie toujours d'être positif !

Vous avez beaucoup collaboré avec Alain Souchon, qui a un tempérament plus pessimiste que vous, comme vous le dites dans le DVD du spectacle...
Laurent Voulzy :
Alain a un fond un peu désespéré. Cela ne l'empêche pas d'être extrêmement drôle, il me fait souvent rire ! Le fait que nous ayons des personnalités opposées nous apporte beaucoup à l'un comme à l'autre. Sur la chanson Le Rêve du Pêcheur, par exemple, les paroles "Les rêves, on les empêche" étaient une idée d'Alain que j'ai voulu freiner au début. Ces mots me paraissaient trop violents, mais je me suis rendu compte qu'ils donnaient une force au morceau. Alain et moi, nous sommes complémentaires.

Avez-vous un rituel particulier avant de jouer dans les églises ?
Laurent Voulzy :
Oui, mais j'ai le même rituel avant de jouer au Zénith ou à l'Olympia. J'allume une bougie, je reste 15 minutes tout seul à écouter des chants ou musiques d'églises. Je me fabrique ma propre chapelle pour entrer dans un état de recueillement… et être prêt à donner au public. 

"Je suis né à Paris"

Quel rapport entretenez-vous avec l'onirique ?
Laurent Voulzy :
Cela fait 40 ans que je note mes rêves. Certains songes viennent de nous et sont des réponses aux questions que l'on se pose, mais d'autres viennent de l'extérieur, comme des sortes de prophétie. Dans l'un de mes rêves, j'ai déjà discuté avec un défunt que je connaissais. J'ai relevé tout ce qu'il me disait... 

Dans vos chansons, le thème de l'eau revient très souvent...
Laurent Voulzy :
J'ai grandi à Nogent-sur-marne, j'aime jouer dans les mares depuis que je suis gamin, j'avais toujours les pieds dans la rivière chez mon oncle dans l'Eure, mon studio d'enregistrement est devant la marne à Joinville-le-pont… Et ma mère m'a dit il y a quelques années, à Marie Galante, que j'avais été conçu en Guadeloupe sur une plage. C'est peut-être de là que me vient mon amour pour l'eau et la mer (rires) !

"Je me sens toujours débutant"

La mer, la mère… Finalement, les deux sont peut-être liés...
Laurent Voulzy :
J'ai effectivement beaucoup d'admiration pour celle qui m'a donnée la vie. Ma mère a d'abord été danseuse, puis a eu une vie plus difficile. Elle travaillait dans un atelier et effectuait des tâches dures et manuelles. À 19 ans, elle est tombée enceinte sans être mariée. Sa famille a été très stricte avec elle : ils lui ont dit qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant sans avoir d'époux. Ils l'ont donc mise dans un bateau, elle a accouché en France… et je suis né à Paris ! Le fait d'avoir traversé la mer dans le ventre de ma mère m'a peut-être transmis une certaine fascination pour l'eau, qui sait ? 

Et quid de transmettre votre sagesse et vos bons conseils à des artistes en herbe sur l'un des fauteuils de The Voice ?
Laurent Voulzy : On me l'avait proposé au tout début avant que l'émission ne commence, mais j'ai refusé. D'abord, parce que je ne me sentais pas d'aller juger des gens, et en plus, j'étais embarqué dans un enregistrement. Aujourd'hui encore, je refuserais. Croyez-le ou non, je me sens toujours débutant ! Moi qui culpabilise facilement, je me verrais mal dans le rôle du "prof" qui doit, au final, départager les talents. Je ne jette pas du tout la pierre aux coachs de The Voice, je regarde moi-même cette émission. Mon plus jeune fils qui est en Angleterre la regarde aussi…

Spiritualité, introspection...Vous arrive-t-il de chercher refuge dans le passé ?
Laurent Voulzy :
Non, jamais, j'essaie de vivre dans le présent. Je ressasse beaucoup cette phrase écrite par une bonne sœur : "Le présent est une frêle passerelle. Si tu le charges des regrets d'hier et des tourments de demain, la passerelle cède sous ton poids". Par exemple, je n'écoute pas mes anciennes chansons… je pense toujours aux futures !

Découvrez le nouvel album de Laurent Voulzy, Mont Saint-Michel, composé de 2 CD et un DVD, désormais dans les bacs.