Ce détail improbable empêche les habitants de Majorque de se marier
Une triste réalité ayant le don d'exaspérer au plus haut point les Majorquins.
Majorque est devenue une capitale mondiale du mariage. Dans ses villages de pierre, ses fincas centenaires et ses criques turquoise, des couples venus de Paris, New York, Berlin ou Londres viennent célébrer leur union comme dans un décor de cinéma. Les cérémonies s'enchaînent, les agences spécialisées se multiplient et l'île vit au rythme des "mariages à destination".
En effet, le principe a conquis le monde entier : plutôt que de se marier chez soi, pourquoi ne pas profiter d'un cadre exotique, d'un climat ensoleillé et d'une logistique professionnelle ? Majorque coche toutes les cases. Les vols directs se sont multipliés, les propriétaires de domaines ont rénové leurs bâtisses, les traiteurs se sont adaptés à une clientèle internationale. Le résultat est spectaculaire : certains lieux affirment aujourd'hui que plus de 95 % des mariages qu'ils accueillent concernent des couples étrangers.
Les images parlent d'elles-mêmes. Un autel de marbre dressé au milieu d'un jardin méditerranéen, une arche fleurie inspirée de Pinterest, un gâteau monumental coupé sous un feu d'artifice. Les cérémonies se prolongent sur plusieurs jours : croisière dans la baie de Palma, fête en tongs sur un yacht, excursion en train historique à Sóller. Les mariages se transforment en véritables séjours, avec des dizaines d'invités logés dans des villas louées pour l'occasion.
Pour les organisateurs, l'argument économique est décisif. "Ils cherchent à économiser de l'argent et à Majorque, ils peuvent organiser le même mariage avec la même qualité qu'en France ou aux États-Unis, mais à moindre coût", explique Yessi Morel, organisatrice chez Marry Me Mallorca. Les couples étrangers réservent longtemps à l'avance et n'hésitent pas à caler leur cérémonie un jeudi ou un dimanche. Peu importe le jour, pourvu que le lieu corresponde à leurs attentes. Et c'est là que le paradoxe se referme : les locaux, eux, ne disposent plus d'aucune date pour pouvoir se dire oui. Tous les jours sont bookés des années auparavant.
Beaucoup d'habitants dénoncent alors un système qui profite aux étrangers tout en les excluant de leurs propres traditions. Les prix flambent, les restaurants se tournent vers une clientèle internationale et certains Majorquins parlent d'une île qui ne vit plus pour eux. La frustration monte, portée par le sentiment d'être devenus simples figurants dans le décor de leur propre territoire.