Malika Bellaribi, la diva des quartiers : "Je n'ai jamais pensé que j'allais réussir"

Malika Bellaribi Le Moal, cantatrice d'opéra au parcours incroyable, est campée par Amel Bent dans "Les Sandales Blanches", le 25 janvier à 21h05 sur France 2. Surnommée la diva des quartiers, la mezzo-soprano d'origine algérienne a a tout fait pour s'en sortir après avoir été victime d'un gravissime accident. Elle nous raconte...

Malika Bellaribi, la diva des quartiers : "Je n'ai jamais pensé que j'allais réussir"
© Wyters Alban/ABACA

Malika Bellaribi Le Moal a défié l'impossible. Après avoir été renversée par un camion à 3 ans, la petite fille a dû se battre pour sa vie durant des années. Les médecins lui avaient assuré qu'elle ne pourrait jamais remarcher et qu'elle n'aurait pas d'enfants biologiques. Face à cet avenir sombre, elle a été soignée par des bonnes sœurs, a découvert la foi catholique et s'est réfugiée dans la musique classique. Un réconfort, une lumière dans l'obscurité. Elle rêvait aussi de devenir cantatrice, mais ses espoirs ne semblaient que chimères aux yeux de son entourage, qui n'imaginaient pas qu'une petite fille d'origine algérienne puisse se faire un nom à l'opéra. Pourtant, malgré toutes ces prédictions, Malika Bellaribi Le Moal est devenue "la diva des banlieues", une grande mezzo-soprano, une mère... et elle est parvenue à remarcher. Désormais, elle dirige l'association Voix en Développement, qui forme les habitants des quartiers les plus populaires de France au chant lyrique. Un parcours édifiant raconté dans le film Les Sandales Blanches, réalisé par Christian Faure et porté par Amel Bent, à voir le 25 janvier à 21h05 sur France 2. La cantatrice pas comme les autres nous livre ses ressentis sur le film et nous raconte son parcours sinueux, son héritage, ce qu'elle transmet à sa fille...

Le Journal des Femmes : Que ressent-on lorsque l'on voit sa vie dépeinte à l'écran ?
Malika Bellaribi Le Moal :
J'ai été bouleversée, surtout par les scènes de mon enfance. Elles m'ont replongée dans cette période que j'avais un peu oubliée. J'ai pleuré, j'ai pensé à la petite fille que j'étais. Cela a réveillé des sentiments douloureux, mêlés à une sensation de paix. J'ai pris du temps pour écrire mon livre, Les Sandales Blanches, j'ai fait de la thérapie parce qu'il était difficile de retranscrire mon passé. En revoyant ces scènes d'enfance dans le film, j'ai eu à peu près la même sensation. Heureusement que je fais toujours de la thérapie pour gérer ces émotions (rires).

Qu'avez-vous pensé du choix d'Amel Bent pour vous incarner ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Lorsque les producteurs m'ont dit qu'Amel Bent allait interpréter mon rôle, je me suis dit que c'était un bon choix. Je savais qu'elle comprendrait la culture, ma famille, puisqu'elle est d'origine algérienne, comme moi. Mais je ne suis pas intervenue pour l'aider dans la préparation du rôle. Je l'ai seulement aidée dans les postures de chant. Il était important pour moi de lui laisser sa part créative, elle m'a jouée avec sa perception, sa manière d'être. Le principal pour moi, c'est que les téléspectateurs comprennent le message du film : que dans la vie, rien n'est défini, et qu'il faut toujours garder espoir…

Quelle scène vous a particulièrement émue ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Lorsque j'ai chanté pour la scène de la mort de ma sœur que j'adore (c'est Malika Bellaribi qui chante dans le film, ndlr), j'ai pleuré, cela m'a replongée dans les souvenirs… Christian Faure m'a tenu la main pendant l'enregistrement.

Dans le film, votre mère fait preuve d'une froideur qui nous interpelle...
Malika Bellaribi Le Moal :
Je sais que ma mère est insensible parce qu'elle en a pris plein la figure. Elle a été une femme battue… Cela n'est pas forcément mis en avant dans le film, et j'aurais bien voulu que l'on explique pourquoi elle a tant souffert, mais il est compliqué de retranscrire tout une vie en une heure et demie ! Malgré tout, ma mère est venue me voir à la salle Gaveau, elle m'a écoutée chanter, a été touchée… Même si nous avons été dans des dualités, je l'aime et elle pouvait aussi avoir des élans d'amour. 

Comment a-t-elle perçu votre parcours religieux et votre chemin vers le christianisme ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Ma mère me laissait aller en cachette à l'église et mes frères me laissaient tranquilles aussi. Finalement, il n'y a jamais eu de dualité. Elle était un peu déçue que je choisisse le christianisme, mais en même temps, elle m'a dit : "Dieu t'a sauvée, Il voulait certainement que tu sois à cet endroit". 

La foi vous porte-t-elle toujours aujourd'hui ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Totalement. La foi, c'est ce qui me permet de dépasser les coups durs de la vie, de me dire que je ne maîtrise pas tout, que si les choses doivent venir, elles viendront. Sinon, ce n'est pas grave…

On vous a dit que vous ne marcheriez jamais, que vous n'auriez jamais d'enfant, que vous ne réussirez jamais dans la chanson : qu'est-ce qui vous a donné cette force de déjouer ces pronostics ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Se battre pour déjouer les pronostics demande un effort, beaucoup d'humilité, de remise en cause, de la persévérance. J'ai commencé à développer ça enfant, après mon accident. J'ai eu des interventions à risque pendant des années, à chaque fois que je repartais à l'hôpital, je ne savais pas si j'allais vivre ou pas, même si ce n'est pas dit dans le film. Cela m'a donné beaucoup d'humilité, je me dis que c'est le bon Dieu qui m'a protégée et que tout est possible dans une vie, à partir du moment où l'on a la foi et que l'on met du sens dans ce que l'on fait.
Puis, un autre malheur est devenu une "chance" pour moi : le fait d'avoir perdu ma sœur. Cela m'a donné la volonté de comprendre mon histoire familiale, de faire une thérapie. C'est comme ça qu'est venue la musique. Ma sœur m'a fait le cadeau de me dire : "Ne subis pas, avance".

Aujourd'hui, quel regard portez-vous sur votre réussite ?
Malika Bellaribi Le Moal :
Je n'ai jamais pensé que j'allais réussir. D'abord, j'ai fait des études de comptabilité pour ma fille, afin d'avoir à manger tous les jours et ne pas vivre dans la misère comme ma mère. Mais la vie m'a guidée vers la musique. J'ai avancé pas à pas, en me disant : "Je fais ce que j'aime, on verra bien". Je ne m'attendais pas du tout à ce que mon livre intéresse et encore moins qu'il intéresse les producteurs… J'ai tout vécu au jour le jour, sans me soucier de la suite. La sensation d'avoir "réussi" ne m'est venue que récemment, notamment lorsque l'on m'a proposé d'adapter mon livre à l'écran.

Comment vivez-vous la situation actuelle du secteur culturel ?
Malika Bellaribi Le Moal :
C'est un peu difficile car je fais des cours par Zoom pour les femmes des quartiers. La situation des artistes est précaire en ce moment, mais je suis plutôt optimiste, alors je continue de préparer les opéras, de donner les cours… C'est compliqué de corriger les positions des uns et des autres à distance, mais je travaille beaucoup sur l'expression des visages, dans ce cas. J'ai l'impression de faire des cours de botox (rires).

Avez-vous transmis vos talents de chanteuse à votre fille ?
Malika Bellaribi Le Moal :
J'ai essayé… en vain (rires) ! Je l'ai inscrite au conservatoire lorsqu'elle était petite, elle a fait du piano, de la flûte traversière… Mais ce n'est pas son truc, elle travaille aux ressources humaines. Mais elle aimerait que ce goût pour la musique saute une génération et que ce soit sa fille, ma petite-fille Emma, qui soit musicienne (rires) ! Qui sait ?

Ne manquez pas Les Sandales Blanches, réalisé par Christian Faure et porté par Amel Bent, le 25 janvier à 21h05 sur France 2.