Jérémie Renier : "J'ai l'impression de savoir qui je suis"

Dans AMOUR FOU, un magnifique thriller domestique en 3 épisodes à découvrir sur Arte, Jérémie Renier est le mari discret et dominé de Rebecca (Clotilde Hesme), une médecin généraliste qui va révéler ses blessures intimes et mettre en oeuvre une machination diabolique... Entre traumatisme d'enfance, engrenage psychologique et passion ravageuse, l'acteur joue avec justesse l'époux au coeur d'une terrible vengeance. Rencontre.

Jérémie Renier : "J'ai l'impression de savoir qui je suis"
© Caroline Dubois

Jérémie Renier, pourquoi vous dans Amour Fou ?
Je ne sais pas pourquoi ils sont venus me chercher. Pour de bonnes raisons, j'espère... Pour moi, Romain est différent des rôles que j'ai pu jouer avant. C'est un anti-héros masculin, le personnage le plus sensible, le plus fragile, un homme écrasé par l'amour et son désir d'enfant. J'avais très envie d'aller vers cette interprétation, avec des codes originaux, une dimension féminine... et je trouvais le scénario assez pointu.

Que faut-il garder à l'esprit quand on joue dans un thriller ?
L'écriture, mordante, fonctionnait à merveille. Il fallait juste respecter l'angoisse, le manque d'informations, puis leur découverte.

Comment avez-vous abordé, incarné, Romain ?
Romain est un déraciné qui a fait table rase de son passé pour construire une famille. Il s'écrase face à l'autorité, il est effacé, pas à l'aise avec son corps. J'ai travaillé sur son physique, c'est un vrai plaisir de me transformer. Romain a une forme de bonhomie et à la fois quelque chose d'un peu ingrat : il cache son regard derrière des lunettes qui font écran, porte une petite moustache… Il se protège parce qu'il n'est pas très à l'aise, fait ce qu'il peut dans son métier, mais ne prend pas sa vie en main. 

"Je cherche une part de rêve et de magie"

Vous étiez un psy viril dans L'Amant Double de François Ozon, là vous êtes un homme qui perd pied sous l'emprise d'une femme...
J'ai toujours voulu découvrir d'autres facettes de moi. Je ne sais pas si c'est une mise en danger. J'aime aller dans les extrêmes, côtoyer des univers que je ne connais pas. L'inverse m'angoisserait. J'aurais un sentiment de monotonie.

On ne vous retrouvera pas dans "Inspecteur Renier" pendant  350 épisodes ?
Il faut que ce métier reste ludique. Je cherche une part de rêve et de magie quand je me projette.

La magie est ici assez noire, menaçante… et la folie, omniprésente. Basculer, sombrer est-ce quelque chose que vous redoutez ?
Non, je suis assez solide sur mes gambettes, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas souffrir ou vriller. Quand je répète une scène dans le Thalys, on me regarde parfois comme "le dingue qui parle à la vitre".  L'acte de la folie est très intéressant à traverser en tant qu'acteur... Interpréter un personnage border, aller toucher des sentiments ou des vibrations, cela peut être apparenté à une forme de folie maîtrisée. Que se passe-t-il lorsqu'on bascule dans l'atrocité ? Dans Amour Fou, ma femme m'amène vers ça, elle me fait perdre pied.

Comment cela s'est-il passé avec Clotilde Hesme, votre épouse dans Amour Fou ?
Nous avons appris à nous connaître sur le film et cela a été un régal. Clotilde est très généreuse, très vraie, elle a beaucoup d'humour. Malgré les contraintes de temps sur le tournage, nous nous sommes vraiment amusés. 

Vous racontez apprendre vos dialogues dans le train entre la Belgique et la France… Votre choix de cadre de vie, c'est de ne pas habiter Paris...
L'espace comme le trajet, le transport me sont nécessaires. Je ne pourrais pas faire ce métier depuis aussi longtemps, avec autant de ferveur, de désir, de passion si je n'avais pas de moments où je suis loin de tout ça, du showbiz, des plateaux. La Belgique et l'Espagne, où je vis la moitié de l'année, me permettent cette mise à distance. Ces endroits sans frénésie me reconnectent à mes émotions.

"Le cinéma m'est primordial, mais reste un travail"

Avez-vous identifié pourquoi vous aviez besoin de ce recul ?
C'est un sentiment que l'on retrouve quand on voyage. On ne regarde pas avec les mêmes yeux, on n'écoute pas les sons de la même manière. Chaque déplacement est intéressant.. Le cinéma m'est primordial, mais reste un travail. M'en éloigner me fait du bien, encore plus avec l'âge...

Vous qui avez incarné l'austérité chez les frères Dardenne comme les paillettes de Claude François, est-ce que le temps a oeuvré pour savoir qui vous êtes ?
A l'approche de la quarantaine, j'ai l'impression de savoir qui je suis et mon identité est empreinte des rôles, des films. C'est une chance d'avoir eu accès à ces expériences. Le but ultime pour moi, c'est l'humain, la rencontre humaine.

Quelles sont les perspectives qui vont se concrétiser pour vous prochainement ?
Vous me verrez dans Slalom de Charlène Favier avec Noée Abita. Je viens de finir le film de Xavier Beauvois sur le quotidien d'un gendarme en Normandie et j'attaque mon prochain film en tant que réalisateur !

AMOUR FOU, une mini-série en trois épisodes signée Mathias Gokalp, avec Clotilde Hesme, Jérémie Rénier, Majda Abdelmalek et Finnegan Oldfield...
A retrouver sur Arte jeudi 20 février à 20h50 et disponible sur arte.tv du 13 février au 20 mars.