Marthe Richard à la Huchette : qui était cette prostituée devenue politicienne ?

Imposture ou besoin de briller ? Comment démêler le faux du vrai dans la vie fantaisiste de Marthe Richard ? Entre espionnage, politique et mensonge, cette intrigante de la Belle Epoque a vécu mille vies jusqu'à 92 ans. Elle est à l'honneur au Théâtre de la Huchette du 17 septembre au 4 octobre 2019 dans la pièce "La Veuve Champagne".

Marthe Richard à la Huchette : qui était cette prostituée devenue politicienne ?
©  ECLAIR MONDIAL/SIPA

Presque un siècle de vie, plusieurs mémoires à son actif mais surtout une loi qui porte encore son nom : Marthe Richard est passée de fille de joie à celle qui a fermé les maisons closes en 1946. Tour à tour prostituée, aviatrice, espionne et femme politique, cette intrigante est un personnage rocambolesque, fascinant. Pour dépeindre son portrait, le Théâtre de la Huchette présente La Veuve Champagne, un spectacle musical signé Dominique Scheer-Hazemann, avec Yvette Caldas, Milena Marinelli et Stéphanie Mathieu. A voir du 17 septembre au 4 octobre 2019.

Marthe Richard, prostituée et aviatrice

Née en 1889, issue d'une famille modeste, Marthe Richard est d'abord pré-destinée à être couturière. Le métier ne lui plait pas, elle choisi de fuguer du foyer à 16 ans et se retrouve à Nancy. L'adolescente tombe amoureuse d'un Italien prétendu sculpteur qui se révèle être un proxénète : elle tombe dans la prostitution et travaille dans un "bordel à soldats" où elle doit réaliser 50 passes par jour. Marthe Richard contracte rapidement la syphilis et se fait renvoyer de la maison d'abattage.

De retour dans la capitale, elle s'intègre dans un "établissement de bains", maison close de "classe supérieure". Elle rencontre son premier mari en 1907. Elle épouse Henri Richer, riche industriel français, le 13 avril 1915, peu de temps après le début de la première Guerre Mondiale. Ensemble, ils deviennent un couple bourgeois : Marthe demande à faire rayer son nom du fichier national de la prostitution, chose qui lui est refusée.

En parallèle, elle se découvre une passion pour l'aviation. Marthe Richard obtient son brevet de pilote le 23 juin 1913, c'est la sixième Française à recevoir ce diplôme. Elle est également membre de Stella, aéroclub féminin. La presse la surnomme alors "l'alouette" de part son petit gabarit. C'est ici que démarre les premiers mensonges de la bourgeoise : elle se vante d'avoir battu le record féminin de distance en volant depuis Le Crotoy jusqu'à Zurich en Suisse. En réalité, elle est accompagnée d'un autre aviateur et atterrissent dans une prairie après plusieurs pannes. Ils rejoignent la ville jusqu'en train.

Marthe Richard : espionnage, mensonges et résistance

Henri Richer, mobilisé en soldat de train, décède en mai 1916. Marthe Richard se retrouve rapidement veuve de guerre. Elle se reconvertit en espionne (grâce à Jean Violan, un de ses amants ) sous les ordres du capitaine Ladoux. Elle part pour Madrid où elle devient la maîtresse de Hans Von Krohn, l'attaché naval de l’ambassade allemande. Lorsqu'elle revient en France, son statut est révélé par la presse, elle apprend que Ladoux a été arrêté pour faits d'espionnage au profit de l'ennemi. Elle se remarie un peu plus tard, en 1926, avec Thomas Crompton, directeur financier de la fondation Rockfeller et mécène de la restauration du Petit Trianon. Ce dernier meurt en 1928 d'une crise subite d'urémie. 

Au même moment, le capitaine Ladoux, libéré, s'attelle à ses mémoires qu'il publie en 1930. Il romance, dénature, amplifie...  Le volume consacré à la jeune femme, Marthe Richard espionne au service de la France, n'est qu'affabulations. Cette dernière choisi alors d'écrire les siennes : Ma vie d'espionne au service de la France sort peu de temps après. Marthe Richard s'invente héroïne française, raconte des missions, décrit le danger au péril de sa vie. Un autre de ses amants, Edouard Herriot, alors chef du gouvernement, lui obtient même la légion d'honneur pour Services signalés rendus aux intérêts français en 1933. Le mythe de l'espionne est forgé dans l'esprit populaire : elle est inscrite dans les mœurs comme une véritable femme courage. Puis, lorsque la seconde guerre mondiale éclate, elle se fait passer pour une grande résistante. Mais certains ne sont pourtant pas dupes...

Les historiens et journalistes relèvent de nombreuses incohérences entre chaque ouvrage écrit par Marthe Richard. Celle-ci écrit le dernier chapitre de sa vie en 1974. Elle publie Mon Destin de Femme en réponses aux sceptiques, sans pour autant parvenir à convaincre l'opinion publique.

Marthe Richard, de femme de petite vertu à femme politique

Marthe Richard s'intègre à la vie politique française à 56 ans. Elle est élue conseillère dans le 4e arrondissement de Paris, inscrite sur la liste de la Résistance Unifiée. Le 13 décembre 1645, seulement quelques mois après la fin officielle de la guerre, elle dépose devant le Conseil municipal un projet de loi en faveur de la fermeture des maisons closes. Celui-ci est voté le 20 décembre 1945 et mis en application le 13 avril 1946. On la surnomme "veuve qui clôt" en référence au champagne veuve clicquotAu total, ce sont 1 400 établissements qui ferment leurs portes, dont 195 à Paris. 

Usée par les deux guerres et son combat politique, constamment obligée de se justifier à force de propos confus, Marthe Richard s'éteint chez elle en 1982, âgée de 92 ans.

  • La Veuve Champagne, de Dominique Scheer-Hazemann, du 17 septembre au 4 octobre 2019 au Théâtre de la Huchette, 23 Rue de la Huchette, 75005 Paris