Céline Sciamma : pourquoi son cinéma nous enchante ?

En salles le 18 septembre, "Portrait de la Jeune Fille en Feu", prix du scénario au dernier Festival de Cannes, marque la quatrième réalisation d'une artiste au talent monstre : Céline Sciamma. On a tant de raisons de l'adorer !

Céline Sciamma : pourquoi son cinéma nous enchante ?
© GUILLAUME COLLET/SIPA

En seulement quatre films, Céline Sciamma, 40 ans, a atteint les cimes du cinéma français, devenant l'une de ses plus éclatantes ambassadrices. En atteste notamment sa participation cette année en compétition cannoise avec Portrait de la Jeune Fille en Feu, pour lequel elle a remporté le prix du scénario.
De manière incandescente, elle y étudie avec une précision chirurgicale la naissance d'un amour surpuissant, en 1770, entre Marianne (Noémie Merlant) et Héloïse (Adèle Haenel, une de ses muses). La première est peintre et doit réaliser le portrait de la seconde, qui vient de quitter le couvent en refusant son destin d'épouse tout tracé. Comme à son habitude, Sciamma se distingue par les atours et les caractéristiques d'un cinéma reconnaissable. Une auteure, en somme. Une vraie. 

Céline Sciamma, dénicheuse de talent 

A l'instar d'Abdellatif Kechiche, connu pour débusquer des talents bruts (Hafsia Herzi, Sara Forestier, Adèle Exarchopoulos…), Céline Sciamma sait tout autant s'entourer de nouveaux visages marquants. A commencer par celui d'Adèle Haenel, dont elle partagea la vie et qui étincela dans son premier long-métrage Naissance des Pieuvres. Dans Tomboy, c'est Zoé Héran qui crève l'écran sous les traits de Laure, une fille de 10 ans qui est un garçon manqué et fait croire à ses amis qu'elle est un garçon. Pour les besoins de Bande de Filles, elle s'est reposée sur un casting sauvage, découvrant notamment l'épatante Karidja Touré dans un formidable rôle d'apprentissage. Quant à Portrait de la Jeune Fille en Feu, elle y permet à Noémie Merlant, déjà révélée par Le Ciel Attendra, d'atteindre une autre sphère.    

Céline Sciamma ou la prouesse dans la mise en scène

Céline Sciamma a d'abord suivi une formation de scénariste à la FEMIS. Outre ses scénarios, qu'elle a tous écrits, on lui doit aussi les trames de Ma Vie de Courgette de Claude Barras (pour lequel elle a reçu le César de la meilleure adaptation) ou de Quand on a 17 ans d'André Téchiné. Sa précision d'écriture, saluée à Cannes pour Portrait de la Jeune Fille en Feu, s'accompagne par ailleurs d'un incroyable sens de l'épure et de la sobriété. Chez Sciamma, il n'y a jamais de gras, d'emphase, d'émotions sur-appuyées. Tout passe par un sens du cadre minutieux, par une économie de mouvements et de gestes qui, dans sa dernière réalisation, frôle avec un ascétisme jamais plombant, car toujours lumineux. Le style s'affine, se précise et sa patte d'auteur est là, bien présente.  

Céline Sciamma, experte dans la naissance du désir

Dans Naissance des Pieuvres, qui marqua son entrée dans la réalisation et qui fut couronné par le prix Louis-Delluc du premier long-métrage, elle sonda avec élégance et profondeur les éveils, les désirs, les hésitations et les éclats de trois adolescentes : Marie, Anne, Floriane. Une exploration de la sexualité qui devint un des leitmotivs de sa filmographie. Ses quatre longs-métrages nous interrogent profondément et intimement, surtout dans leur manière de figurer la volonté d'émancipation des personnages, leurs rapports au corps et l'irrésistible émergence d'un désir qui, in fine, achève de constituer la signature de ses travaux. Car c'est surtout de ça dont il est question : comment nait-on dans le regard d'un autre et comment grandit-on en harmonie avec ses envies, ses souhaits ? En cela, le cinéma de Sciamma brille par une approche socio-psychologique assez imparable.