Sorry We Missed You de Ken Loach, un drame déchirant sur l'ubérisation

Après Le vent se lève (2006) et Moi, Daniel Blake (2016), Ken Loach nous transporte avec Sorry We Missed You, en salles le 23 octobre. Dans cette chronique sociale puissante, il expose les ravages de l'ubérisation sur une famille de la classe moyenne.

Sorry We Missed You de Ken Loach, un drame déchirant sur l'ubérisation
© Le Pacte

Ricky n'est pas du genre à vivre sur le dos de l'Etat. Toucher le chômage ? Une disgrâce à laquelle il ne se frottera jamais, lui qui a tout fait pour tenir la baraque : de la menuiserie à la plomberie en passant par la peinture. Pourtant, l'homme est dans la panade. Dos au mur, avec une femme qui trime en dévouant sa vie aux personnes âgées en qualité d'aide à domicile et deux enfants à charge, ce père de famille de la classe moyenne de Newcastle espère mieux respirer. Dans son horizon ? La concrétisation d'un rêve : devenir chauffeur-livreur à son compte. Après avoir vendu la voiture familiale, il rachète ainsi une camionnette pour assurer les nombreuses livraisons quotidiennes qui reposent sur ses épaules. Et prie pour que le rendement en vaille la peine. 

Travail enchaîné

Avec son regard d'une humanité folle et si précieuse, Ken Loach expose ici, sans effets misérabilistes, les sacrifices vains et déshumanisants déployés par les travailleurs ubérisés. Ceux qui, à l'instar de Ricky, multiplient les heures de labeur jusqu'à épuisement, négligeant leurs familles, leur santé physique et psychologique, au profit de sociétés sans scrupules qui les exploitent et les emportent vers une forme de mort éveillée. Après avoir conté le calvaire d'un homme qui perd son emploi dans Moi, Daniel Blake, Palme d'or en 2016, le cinéaste britannique persiste et signe avec Sorry We Missed You dans sa brillante auscultation des fractures sociétales. Et ce, toujours en compagnie de son brillant scénariste Paul Laverty. 
Alors oui, ses détracteurs pourraient lui reprocher de jouer sur la même note -le drame social. Mais, tout en restant fidèle à un style qui a fait de lui un grand auteur, Loach a le mérite de s'emparer des conséquences de l'ubérisation, dont on ne cesse de parler, pour les transformer en un sujet de cinéma qui rend ce mot plus concret. Et qui, aussi, en expurge au grand jour toute la violence. Le nouvel emploi de Ricky s'apparent ainsi à un virus, à une maladie incurable qui vient gangréner tout sur son passage. Outre la justesse du texte, cette descente aux enfers est également rendue particulièrement éprouvante par les interprétations magistrales des quatre acteurs qui composent la famille : Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone et Katie Proctor. On leur tire notre chapeau !

Sorry We Missed You de Ken Loach, au cinéma le 23 octobre 2019

"Sorry We Missed You // VOST"