LE JEUNE AHMED : 3 bonnes raisons de voir le film au cinéma 

En salles le 22 mai, "Le Jeune Ahmed" des frères Dardenne dépeint de façon glaçante l'itinéraire d'un adolescent radicalisé. Un film choc, tout en tension, qu'on vous conseille de découvrir au plus vite.

LE JEUNE AHMED : 3 bonnes raisons de voir le film au cinéma 
© Diaphana Distribution

Et de trois ? Avec l'impressionnant Le Jeune Ahmed, Jean-Pierre et Luc Dardenne pourraient remporter une troisième Palme d'Or au Festival de Cannes après Rosetta (1999) et L'Enfant (2005). Célébrés dans le monde pour leur cinéma vérité, qui va toujours cueillir les malaises sociétaux à l'os, les frères belges nous emmènent pour l'occasion à la rencontre d'un adolescent, Ahmed, qui, séduit par les prêches de son imam, emprunte la voie d'un fanatisme absolu. Le Journal des Femmes vous donne trois bonnes raisons de tenter cette expérience à la fois saisissante et importante.

Aux oubliettes les jugements

C'est bien connu. Les Dardenne ne font pas du cinéma pour juger leurs personnages ou les actions qu'ils engagent. Au contraire, ils préfèrent les filmer dans leur littéralité et laisser l'espace nécessaire aux spectateurs pour en soupeser les trajectoires. Une fois n'est pas coutume, cette méthode s'applique au Jeune Ahmed, un adolescent taciturne et renfermé qui répond soudainement aux sirènes du fanatisme sans que sa famille –sa maman en tête– ne puisse le raisonner. Dans un geste d'épure permanent, qui congédie de facto toute tentative moralisatrice, les cinéastes dissèquent, comme s'ils étaient dans un bloc opératoire, les multiples agissements et sautes d'humeur de leur protagoniste. Un petit être en perdition qu'ils ont autant de mal à comprendre que le public. Et c'est là toute la force du propos : il est en effet impossible de savoir ce qui se trame dans son esprit, d'anticiper ses réactions. Au final, Ahmed est un mur glissant, sans aucune prise où s'accrocher. Une espèce d'énigme glaçante qui mute constamment face à la société, aux autres et à lui-même.

Des rôles féminins magnifiques

Plus décisives que jamais, trois femmes ponctuent la destinée chaotique d'Ahmed. Chacune, comme elle le peut, tente d'éteindre les ténèbres de ses pensées, de le ramener à la raison, lui qui s'est mué en automate au dessein létal. Il y a bien sûr son éducatrice (brillante Myriem Akheddiou), qui le suit comme un fils depuis des années et à qui, du jour au lendemain, il refuse de serrer la main. Pis, c'est contre elle qu'il commet l'irréparable, ce geste qui le conduit tout droit dans un centre de détention pour mineurs. Comment ne pas rester également insensible à la tristesse qui ravage sa mère, impuissante, pantelante devant le visage impassible d'un rejeton égaré ? La comédienne Claire Bodson, aperçue dans Elève libre de Joachim Lafosse, se révèle troublante dans sa douleur. Il y a aussi Victoria Bluck qui trouve ici un premier rôle de cinéma mémorable sous les traits d'une jeune fille qui va faire découvrir à Ahmed la vie à la ferme tout en tombant amoureuse de lui. Sa candeur se fond dans une magnifique force de caractère.    

Une mise en scène impériale

Sans musique, sans effet, sans fioriture. Toujours. Les frères Dardenne soignent leur écriture pour que chaque mot compte et pour que chaque geste parle. Il n'y a jamais rien de superflu. Toutes les répliques et les souffles sont exemplaires de subtilité et conduisent ce brillant long-métrage vers un crescendo éprouvant. La brièveté du film et le désossage constant qui accompagne chaque séquence participent dans la réussite de l'entreprise. On reconnait bien là le passé documentaire des deux réalisateurs, avec cette volonté d'être toujours dans le témoignage et jamais dans la démonstration. Comme d'habitude, ils font de leur œuvre une expérience viscérale, parvenant toujours à capter, à cueillir et à rendre cinégénique la trivialité du quotidien. Si la tension et le malaise sont d'ailleurs aussi prégnants, c'est parce que la radicalisation d'Ahmed s'opère dans des lieux en apparence sûrs : la maison, l'école… Des situations qui, pour beaucoup, ne sont pas le symbole de dangers immédiats. Soyez en tout cas préparés à un final d'une tension puissante et d'une sobriété désarmante.    

"Le jeune Ahmed"