Dumbo, Boy Erased, C'est ça l'Amour: nos coups de cœur ciné du 27 mars 

C'est ça l'Amour de Claire Burger

Cinq ans après avoir fait l'événement au Festival de Cannes, en remportant la prestigieuse Caméra d'Or pour Party Girl, la scénariste et réalisatrice Claire Burger confirme les espoirs placés en elle avec une seconde réalisation maîtrisée : C'est ça l'Amour. Un titre qui prend ici la forme d'un laboratoire de sentiments, lesquels gravitent et convergent vers le héros : Mario. Depuis que sa femme a quitté le domicile conjugal, ce papa-courage élève du mieux qu'il peut ses deux filles. La première, 14 ans, lui met le départ de sa maman sur le dos. La seconde, 17 ans, n'aspire qu'à plus de liberté et d'indépendance. Pris en étau par la vie, le travail, la famille, et attendant fébrilement le retour hypothétique de sa bien-aimée, ce personnage –incarné à merveille par un Bouli Lanners à fleur de peau– va marcher sur le fil bringuebalant de la vie, sous le regard tendre et lucide de la cinéaste. C'est ça l'Amour raconte les combats sourds et quotidiens de l'arène familiale et investit délicatement les non-dits, l'incommunicabilité, sans gros sabots mièvres. Personne n'est plaint. La larme n'est pas gratuite. Et l'honnêteté suinte tout au long de ces quatre-vingt-dix minutes durant lesquelles Burger se raconte aussi, en filigrane, mélangeant sa réalité d'enfance –le film est librement inspiré de la séparation de ses parents et a été tourné dans sa maison de Forbach– et cette fiction qu'elle épouse avec tant d'engagement. Mehdi Omaïs            

Avec Bouli Lanners, Justine Lacroix, Sarah Henochsberg (1h38)

DUMBO de Tim Burton

Bienvenue dans le film d'aventure le plus réussi de la décennie ! Freaks fantastiques, artistes de charme, bestiaire fascinant… quelle féerie sous le chapiteau de Tim Burton. Quelle magie, quelle fantaisie, quelle intelligence dans la réalisation ! Disney nous enchante et nous fait retomber en enfance.
Dans la famille sentiments : je demande l'adorable éléphanteau doux de la feuille mais risée du public, sa maman animée bluffante de réalisme et une envolée d'animaux plus attachants les uns que les autres !
Dans celle des talents ? Le vétéran du divertissement Danny DeVito, le cavalier estropié Colin Farrel, le sombre businessman Michael Keaton et bien sûr la sublime voltigeuse Eva Green !
Comment ne pas s'émouvoir devant ces bêtes de foire qui paradent entre cirque de la faiblesse humaine et Amérique des années folles. On tremble, on se suspend, on murmure aux oreilles du pachyderme... magistral Dumbo aux esgourdes aussi grandes que sa noblesse de cœur. Justine Boivin

Avec Colin Farrell, Danny DeVito, Michael Keaton (1h52)

Boy Erased de Joel Edgerton

Un peu moins d'un an après la sortie de Come as you are de Desiree Akhavan, avec notamment Chloe Grace-Moretz, le cinéma américain s'empare de nouveau du douloureux sujet des thérapies de conversion par la voix de l'acteur Joel Edgerton, qui signe avec Boy Erased son premier long-métrage en qualité de réalisateur. Pour l'occasion, il porte à l'écran l'histoire vraie de Garrard Conley –d'après ses mémoires Boy Erased : A Memoir of Identity, Faith and Family, publiées en 2016–, un fils de pasteur d'une commune rurale des Etats-Unis envoyé, en raison de son homosexualité, dans un centre de réorientation sexuelle. Dans ce type d'établissement, on apprend, dans l'effroi, à des jeunes filles et garçons de réprimer leurs propres désirs, de changer leur body-language et d'évacuer les pulsions supposément malsaines qui les habitent. Une honte qui continue d'avoir pignon sur rue dans plusieurs états américains, sans qu'on ne s'en offusque. Porté par les prestations remarquables de Lucas Hedges, sous les traits du jeune héros, et de Nicole Kidman et Russell Crowe, qui campent les parents, ce drame vient dès lors éveiller/alerter les esprits sur un problème de société grave qui touche et anéantit tant de gays, tout en brisant certains liens familiaux. Si cette transposition cinématographique s'avère toutefois trop classique, voire sage dans sa forme, l'utilité publique du message qu'elle envoie devrait saisir durablement l'attention du spectateur. Mehdi Omaïs      

Avec Lucas Hedges, Nicole Kidman, Russell Crowe (1h55)

Mon Meilleur Ami de Martin Deus

L'adolescence est un puits d'inspiration sans fond pour tant d'artistes ; à l'instar du cinéaste argentin Martin Deus qui en a fait le mantra de sa filmographie. Dans Mon Meilleur Ami, ce cinéaste à suivre –dont les courts-métrages ont été montrés à Sundance, Seattle, Los Angeles, Biarritz, Clermont Ferrand, aux Rencontres du Cinéma d'Amérique Latine de Toulouse– se raconte en creux, au cœur d'une Patagonie qui lui tient tant à cœur. C'est dans cette région magnifique que vit Lorenzo, son héros : un ado sensible et discret qui coule des jours (plutôt) heureux aux côtés de ses parents aimants. Quand son papa accueille à la maison Caíto, le fils d'un ami, le jeune homme va graduellement apprendre à se connaître et à dompter ses désirs naissants. Il faut dire que l'invité, pour lequel il ressent une attraction immédiate, est à des années-lumière de lui : plus frondeur, plus bad boy, moins timide. Entre eux naît alors une relation tendre dont les frontières ne cesseront de se brouiller sous le regard touchant de Deus. Si ce récit d'apprentissage ne révolutionnera pas la thématique de l'éveil à la sexualité et de la quête identitaire –propre à l'adolescence–, il comporte suffisamment de chaleur, de réconfort et de jolis moments pour accompagner ce duo jusqu'à son émouvante issue. Une découverte recommandable ! Mehdi Omaïs  

Avec Angelo Mutti Spinetta, Lautaro Rodríguez, Mariana Anghileri (1h30)