Un Beau Voyou : une toile à voir, voilà pourquoi...

Voguant entre la comédie et le film policier, "Un beau voyou" suit le parcours acrobatique d'un voleur de tableaux troussé jusque sur les toits de Paris par un flic décidé à finir sa carrière sur un gros coup. Esquisse du milieu de l'art et de la police, composition parfaite des acteurs, Paris dépeint avec brio... Focus sur ce qui nous a plu !

Un Beau Voyou : une toile à voir, voilà pourquoi...
© Pyramide Distribution

Avec Un Beau Voyou, en salles le 2 janvier, Lucas Bernard nous embarque dans la poursuite d'un habile voleur de tableaux par un flic chevronné que l'idée de la retraite imminente n'excite pas beaucoup. Le réalisateur revisite le genre de la comédie policière et déjoue les attentes pour épingler à son CV filmographique un premier film réjouissant où arnaques, faux-semblants et réels sentiments s'entre-chassent. On a aimé, et voilà pourquoi :

  • Sans être poussif le scénario réussit à surprendre grâce à l'intrigue principale de la poursuite du voleur par le commissaire, mais aussi en se concentrant sur les histoires personnelles, familiales et sentimentales de ces deux personnages. Le réalisateur se joue des jugements de valeur traditionnels, entre le bien et le mal, floutant la frontière entre ce qui est acceptable et ne l'est pas.
  • Les dialogues, aiguisés et ciselés, tapent juste : le côté doucement réac' du commissaire Beffrois qui se dit "très à droite" -et l'est !- régale de quelques perles politiquement incorrect ("Quand on fauche, faut avoir l'intelligence d'être blanc") ; un voleur plutôt taiseux mais qui sait l'ouvrir ; une amoureuse qui raille son compagnon et "refuse de coucher avec un mec qui a une télévision de cette taille" ou qui est prête à vous "casser en deux si vous dites qu'art moderne et contemporain c'est pareil".
  • Charles Berling incarne un policier tout en désillusion, veuf franchement perdu à l'idée de partir en retraite se retrouvant ainsi seul et avec une idée toute personnelle des règles de déontologie. Un régal que de voir un personnage aux antipodes de la caricature du flic ripou ou bourru.
  • Swann Arlaud qu'on avait laissé bouleversant dans Petit Paysan -auréolé d'un César du meilleur acteur- nous revient sous les traits espiègles et malicieux de Bertrand (ou est-ce François ? Antoine ?). Le genre de la comédie sied parfaitement à cette gueule de cinéma, qui se fait convaincante en voleur de tableaux... et de cœur. 
  • Pensionnaire de la Comédie-Française depuis 2011, Jennifer Decker fait une incartade aux planches pour un rôle -seul personnage féminin notable du film- parfaitement choisi et incarné. Justine est une amoureuse incrédule, pas bégueule et loin de la femme de voyou traditionnellement présentée dans les polars. Une forte tête au franc-parler à l'origine des séquences les plus délicieuses du film, notamment celle du diner chez son père. 
  • Père incarné par Jean-Quentin Châtelain, acteur de théâtre suisse, rare au cinéma ces derniers années. Dans la scène d'un diner désorganisé, Charles, le père de Justine, dézingue le petit milieu du cinéma, de l'art, le "mirage pavillonnaire" de ceux vivant en banlieue, détermine la probabilité d'alcoolisme de quelqu'un en fonction de son département de résidence et clame haut et fort qu'"il ne faut pas laisser les pauvres s'enrichir" tout en louant le fessier du petit ami de sa fille. L'acteur braque le film en une scène ! 
  • En choisissant de faire de Bertrand un voleur de tableaux peu connus, vendus à des prix intermédiaires, le réalisateur interroge sur les notions de beau et de laid, de qu'est-ce que l'art ou de la légitimité de chacun à juger un tableau. Tout le monde s'accorde sur le talent révolutionnaire d'un Picasso ou de la maitrise d'une Joconde, mais que penser d'un tableau moderne dont on ne connait pas l'artiste ? 
  • Si le personnage de Charles Berling s'éloigne du flic traditionnel, il n'en demeure pas moins "très à droite" comme il le dit et gratifie de quelques clichés inoffensifs mais politiquement incorrects qui sont rafraichissants dans une époque qui parfois s'auto-censure.
  • Des quartiers populaires de la capitale à la carte postale qu'est Montmartre en passant par les très beaux quartiers de la ville, les toits en zinc de Paris volent la vedette. Magnifiquement filmés lors des scènes de vol la nuit ou de poursuite, ils sont un des personnages clés du film.
  • L'originalité et la modernité du film (le mélange des genres, le rapport de force tendre et particulier entre le voleur et le flic, le personnage féminin...) n'empêchent pas un charme suranné de s'échapper d'Un Beau Voyou, que l'on doit autant au vocabulaire employé par le Commissaire Beffrois qu'à ses chemises rétro, véritable défilé nineties.