Noces, Fences, Lion, Chez nous... les sorties ciné du 22 février 2017
CINEMA - Mercredi 22 février, émotion et questions s'invitent dans les salles obscures. On pleure avec "Lion" et "Fences", on s'interroge face à "Noces" et "Chez Nous", on tremble devant "Split" et on choisit quoi aller voir grâce au Journal des Femmes.
Bienvenue Chez Nous, dixième opus du cinéaste belge Lucas Belvaux, et drame social réussi qui décrit le parcours de Pauline, infirmière à domicile et maman solo qui se laisse séduire par un parti populiste, Ce film inscrit dans un décor du Nord, sensible, par sa justesse, par l'émulation émotionnelle, fictionnelle, tend un miroir qui nous montre ce qu'il y a autour de nous, nous met en perspective et face à nous même. Aux côtés d'Emilie Dequenne, ingénue et coriace à la fois, parfaite dans le rôle, Guillaume Gouix incarne avec justesse un amant facho, André Dussolier jubile en notable de la ville et Catherine Jacob, blonde carrée à voix grave, est aussi crédible que désarmante dans la peau de la dirigeante du Bloc patriotique.
Si le cadre de l'intrigue est une ville fictive du Pas-de-Calais à l'image d'Hénin-Beaumont, fief du FN, Chez Nous n'est pas pour autant un film militant ou une analyse politique. C'est une chronique affûtée. Un portrait de femme, soignante, mère de famille, qui veille sur ses proches, fréquente ses amis, à bonne distance de l'entre-soi. Une femme faite de contradictions, d'attentes, d'espoirs, de besoins, d'amour… Une femme qui a envie de comprendre la complexité du monde, de notre époque et qui se retrouve tour à tour interpellée, fascinée, puis désenchantée face au discours racoleur et séduisant de l'extrême-droite. Justine Boivin
Chez Nous, de Lucas Belvaux. 1h58
L'intensité du jeu des acteurs (le tandem amoureux comme les seconds rôles remarquables), les dialogues ciselés et la réalisation de Denzel Washington offrent 2h20 d'un cinéma intimiste et sincère, entre sentiments exacerbés et psychologie imagée. Bouleversant. J.B
Fences, de et avec Denzel Washington et Viola Davies. 2h19
Dans Lion, Dev Patel incarne un jeune Indien adopté par un couple d'Australiens, à l'âge de 5 ans, après un dramatique concours de circonstances. Hanté par ses origines dont il ne sait rien, il se met en tête de retrouver ses parents. Garth Davis nous offre un voyage initiatique intense et bouleversant dans lequel le comédien livre une superbe prestation. Avec lui, on vit les doutes, la culpabilité, l'espoir, le vide, jusqu'au final, déchirant.
Lion, de Garth Davis. Avec Dev Patel, Nicole Kidman et Rooney Mara. 1h58.
Pour leur premier film, Hamé et Ekoué, rappeurs du groupe La Rumeur, nous emmènent en virée dans les rues singulières de Pigalle et en immersion dans la vie de ses habitants. On se plaît à suivre Nas (formidable Reda Kateb), ex-taulard en probation qui veut se refaire un nom dans son quartier en pleine mutation. Les Derniers Parisiens est d'une extrême justesse que ce soit au niveau du jeu des acteurs, dans l'écriture sans fioriture, dans la manière de filmer "à même le bitume". Un hommage à Pigalle réel et universel, qui nous offre des tranches de vie, sans jugement aucun, sinon une critique en creux de la gentrification.
Les Derniers Parisiens, de Hamé & Ekoué. Avec Reda Kateb et Mélanie Laurent. 1h45.
Explosif, le nouveau film du prodige des années 2000, l'est tant dans son scénario que le choix de son acteur titre. Quoi de plus fascinant qu'une histoire reposant sur le thème des troubles dissociatifs de l'identité permettant à son acteur principal d'interpréter une palette de personnalités extraordinaires. Complètement habité, James McAvoy donne vie à chacune d'elles sans jamais tomber dans la caricature. L'observer switcher de personnages en un haussement de sourcil est aussi jouissif que flippant et prouve que l'acteur de théâtre et de cinéma est l'un des meilleurs de sa génération. Aussi soignée qu'est méticuleux son personnage principal, l'ambiance "huis clos" de Split plonge le spectateur dans un mélange de terreur et de suspense. Malgré un léger essoufflement en course de route, le final quasi surnaturel, laisse complètement hagard.
Split, de M. Night Syamalan, avec James McAvoy. 1h57. Interdit aux moins de 12 ans.
Noces parvient à transformer un sujet de société passionnant – le mariage forcé – en œuvre cinématographique poignante. Une jeune fille bien dans son temps peut-elle se rebeller contre les traditions ? Comment revendiquer sa liberté de femme face à un héritage culturel ostracisant ? Quel en est le prix à payer ? Dans une famille belgo-pakistanaise unie, Zahira est priée d'épouser un inconnu resté au pays. L'approche est moderne, sans jamais céder à la facilité des clichés. Sur la forme, Stephan Streker prouve que film engagé peut rimer avec réalisation léchée. Quant à la jeune Lina El Arabi, elle n'est pas sans rappeler le talent d'une certaine Leïla Bekhti... Forte tête, sensible et déterminée, elle nous mène jusqu'à une fin qu'on n'aurait soupçonnée. Terriblement efficace.
Noces, de Stephan Streker. 1h38.