Témoignage. "J'ai choisi l'abstinence sexuelle, ça m'a sauvé la vie"

À longueur de journée, j'entendais : "Deva, quand est-ce que tu passes à l'acte ?"

Témoignage. "J'ai choisi l'abstinence sexuelle, ça m'a sauvé la vie"
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J'ai attendu mes 19 ans pour faire ma première fois. Je n'étais pas en couple avec ce jeune homme. C'était une personne que l'on appellerait aujourd'hui un pervers narcissique. Il m'a manipulée, et c'était facile pour lui : à 19 ans, j'étais encore immature. Je venais d'entrer dans un monde à part : une école de commerce. Dans cet environnement, on ressent une forte pression pour tout : faire la fête, boire, fréquenter des gens. Quand j'ai expliqué que je n'avais encore jamais eu de relations sexuelles, j'ai été pressurisée. Pas une soirée ne se passait sans qu'on me rappelle ma virginité, qui semblait être perçue comme un échec. À longueur de journée, j'entendais : "Deva, quand est-ce que tu passes à l'acte ?"

J'ai ressenti une honte que je n'avais jamais connue auparavant. Honte de n'avoir jamais cédé aux plaisirs charnels. Plutôt que de me sentir bien avec ce choix, je suis tombée dans les bras du premier venu, ce pervers narcissique. Cette première fois a été terrible, pleine de violence. Rien à voir avec ce que j'avais imaginé. J'étais face à un homme expérimenté alors que je n'y connaissais rien. Il ne m'a pas protégée et a complètement ignoré mes angoisses, cherchant seulement son propre plaisir. Après le rapport, j'ai eu des saignements pendant plusieurs jours. Après une consultation chez le gynécologue, il s'est avéré que j'avais une déchirure, expliquant ces saignements.

La bascule dans l'horreur

Deux semaines plus tard, je l'ai revu à une soirée. Je n'avais plus eu de ses nouvelles et j'ai appris qu'il avait une copine entre-temps. De mon côté, je souffrais encore et continuais à saigner. J'ai cherché à avoir une discussion avec lui, car la manière dont il m'avait laissée après ma première fois me laissait un goût amer. Je pensais naïvement qu'il allait me rassurer. Mais ça a été la porte ouverte vers l'enfer. Il m'a traînée vers les toilettes et m'a violée pendant 45 minutes. Après cet épisode traumatique, j'ai consulté plusieurs psychologues, tout en restant dans le déni. Je refusais de reconnaître ce qui m'était arrivé. Entre des rendez-vous infructueux, je me suis laissé aller à une autre relation sexuelle, pensant que ce serait un moyen de tourner la page. Ça s'est bien passé avec un garçon gentil, mais je n'ai rien ressenti. Impossible de prendre du plaisir. J'ai poursuivi la thérapie, en vain.

À ce moment de ma vie, j'étais complètement perdue. Je ne savais pas à qui me confier, ni comment garder la tête hors de l'eau. Pour échapper à mes idées noires, je me réfugiais souvent chez une amie, mais aussi dans le sexe. Je me répétais sans cesse qu'un jour, une expérience positive me réconcilierait avec mon corps et avec le sexe. Un soir, on décide de sortir pour se changer les idées. À 20 ans, on n'a jamais vraiment besoin de raison pour sortir. Durant la soirée, je rencontre un garçon et, sans surprise, je rentre avec lui. Si tout se passe bien au début, l'alcool le fait rapidement changer d'attitude. Il a essayé de m'étouffer. Je pense que j'aurais dû mourir. Pendant quarante longues secondes, je me suis débattue pour qu'il me laisse respirer. J'ai souvent entendu dire que les personnes victimes de viol ou d'agression sexuelle sont plus à risque d'être agressées à nouveau. Je fais sans doute partie de ces statistiques.

Le plaisir solitaire puis l'abstinence totale

Après ce traumatisme, j'ai souffert de vaginisme. Le vaginisme est caractérisé par des contractions involontaires des muscles du plancher pelvien entourant le vagin, rendant la pénétration impossible. Cela a mis un frein forcé à ma sexualité. J'ai pris le temps de réfléchir à ce que je souhaitais pour mon corps. J'ai alors commencé à me faire plaisir seule, ce qui a été le premier pas vers une abstinence totale, afin de me reconnecter avec moi-même. Je voulais être capable de reprendre une sexualité à un moment où je le désirerais vraiment, et non pas sous la contrainte.

Pendant deux ans, je me suis coupée de toute relation avec le corps masculin, et même avec mon propre corps. L'abstinence, au début, était une forme de rébellion. C'était une manière de reprendre le contrôle, de me recentrer sur moi-même et de prouver que je pouvais exister sans être définie par le regard ou le désir des autres. Au fil des mois, quelque chose de plus profond s'est installé. C'était comme si je redécouvrais ma propre valeur, non plus liée à la séduction ou à la conquête sexuelle, mais à mon être, à ma présence. Il y a eu des moments de frustration, bien sûr. Mon corps réclamait parfois une tendresse qu'il ne recevait plus. Mais c'était aussi un apprentissage du contrôle, de la patience et surtout du respect envers moi-même. Ce corps que j'avais donné trop vite, j'apprenais à l'écouter, à le respecter, à le chérir.

Retour à une sexualité choisie et affirmée

Revenir vers un homme, après près de deux ans d'abstinence, était à la fois effrayant et libérateur. Effrayant parce que j'avais peur de ne plus savoir comment faire, de ne plus être "à la hauteur". Est-ce que mon corps saurait encore réagir ? Est-ce que je pouvais encore être désirable ? Mais c'était aussi libérateur. J'avais appris à m'affirmer, à dire "non" quand je ne voulais pas, à poser des limites claires, à écouter mes désirs et non plus à simplement répondre à ceux des autres. Le sexe devenait enfin un choix, un acte conscient, et non plus une simple réponse à une attente implicite.

"En m'affirmant, j'ai attiré des hommes différents"

Et là, quelque chose de magique s'est produit. En m'affirmant, j'ai attiré des hommes différents. Des hommes prêts à attendre, à comprendre que la connexion ne passe pas nécessairement par le corps, mais aussi par l'esprit, par l'échange. J'ai découvert des formes de tendresse que je n'avais jamais explorées auparavant. Des caresses sans intention, des mots doux qui n'appelaient pas à plus, des moments partagés où la simple présence de l'autre suffisait. J'étais dans la peau d'une femme plus consciente d'elle-même, plus respectueuse de ses limites et de ses besoins. Le plaisir était plus profond, plus authentique, car il ne reposait plus sur l'instantané, mais sur une réelle intimité construite au fil des échanges, des regards, des silences.

J'ai appris que le sexe pouvait être un langage, mais qu'il n'était pas le seul. Parfois, l'attente et la retenue amplifiaient l'intensité de l'échange. Le désir, bien accueilli, se nourrit de ces moments de pause, où l'on se redécouvre sans se toucher. Aujourd'hui, je sais que je peux dire non, que je peux attendre, et que je peux désirer sans me sentir obligée de céder. Cette force que j'ai acquise, je la porte en moi dans chaque relation. Elle me permet de choisir les hommes avec lesquels je veux être, non pas ceux qui attendent quelque chose de moi, mais ceux qui sont prêts à vraiment me connaître, avec ou sans le sexe.