Restriction des sites pornos : 74% des Français favorables au nouveau filtre de vérification de l'âge

35% des garçons et 20% des filles ont déjà surfé sur un site X avant l'âge de 12 ans, selon un sondage Ifop. Un accès de plus en plus jeune que veut combattre le gouvernement avec la mise en place d'un nouveau filtre.

Restriction des sites pornos : 74% des Français favorables au nouveau filtre de vérification de l'âge
© 123rf

Quinze ans après l'apparition des premiers sites pornographiques en France, "force est de constater que ni les Français, ni les amateurs de ce type de contenu semblent vent debout contre une potentielle atteinte à la "liberté du Net", constate François Kraus, directeur du pôle "Genre, sexualités et santé sexuelle" à l'Ifop. La mise en place d'un dispositif de filtre dit de "double anonymat" permettant de restreindre l'accès des mineurs aux sites pornographiques a été annoncée pour septembre 2023. Ainsi, pour accéder au site pornographique, la majorité de l'internaute devra être confirmée par un prestataire tel qu'une banque ou un opérateur télécom par exemple. En avril dernier, cinq sites – Pornhub, Tukif, XHamster, Xvideos et Xnxx- s'étaient opposés à cette demande qu'ils estiment trop "technique". La justice doit rendre sa décision ce vendredi 7 juillet. Elle pourrait bloquer ces cinq sites si elle estime que la législation visant à protéger les mineurs n'est pas suffisamment bien appliquée.

L'âge moyen du premier porn en ligne : 15 ans

Mais du côté des Français, l'annonce de ce dispositif, mettant davantage en difficulté leur accès aux contenus pornographiques, semble rencontrer un assentiment massif. Selon une enquête Ifop réalisée auprès d'un échantillon de 2006 personnes pour le site 01.net, 74% des Français sont favorables à la mise en place du filtre envisagé par le gouvernement. Les amateurs réguliers de pornographie sont également en accord avec cette idée : près des deux tiers (63%) personnes consultant actuellement (3 derniers mois) des sites pornographiques soutiennent une telle mesure. Des mesures nécessaires à l'heure où l'accès à la pornographie a lieu de plus en plus jeune : aujourd'hui, plus d'un jeune garçon sur trois (35%) déclare avoir déjà surfé sur un site X avant l'âge de 12 ans, soit une proportion qui a triplé en une dizaine d'années (+23 points depuis 2013). Chez les jeunes femmes, la tendance est moins forte mais pas moins préoccupante avec un nombre de filles ayant surfé sur un site pour adulte avant 12 ans qui a doublé entre 2013 (9%) et 2023 (19%). Au total, chez les jeunes de moins 25 ans, l'âge moyen du premier porn en ligne est donc passé à 15,3 ans (contre 15,7 ans il y a dix ans), notamment à cause d'une baisse sensible chez les jeunes hommes où il est tombé à 14,4 ans (contre 15,5 ans il y a dix ans).

Recourir à des alternatives pour contourner le filtre ?

De telles restrictions pourraient avoir un réel impact sur le comportement des amateurs de pornographie. Selon l'étude, seul un amateur sur six (18%) envisagerait sérieusement de souscrire un certificat de majorité pour continuer à consulter les sites pour adultes et plus d'un quart des amateurs (27%) envisageraient de cesser de consulter ces sites dans de telles conditions. Cependant, nombreux sont les visiteurs de sites pornographiques à déjà songer à recourir à des alternatives (30%). 21% d'entre eux pensent à chercher d'autres sites non bloqués quand d'autres envisagent d'avoir recours à des solutions techniques comme des VPN (11%) ou DNS (9%). Enfin, 8% pensent utiliser l'identité et ainsi les données personnelles d'une personne majeure en se procurant ces informations sur internet. François Kraus reste malgré tout optimiste : "On pourrait même parler de "petite révolution" au regard du nombre d'amateurs qui envisagent sérieusement soit de cesser de consulter les sites en question (un sur quatre), soit de contourner le système (un sur trois), soit de se plier aux nouvelles règles afin de continuer à visionner leurs contenus légalement (un sur six)."

L'essoufflement des sites pornographiques

Les restrictions d'accès à ces sites ont en réalité lieu dans un "un contexte d'essoufflement de la fréquentation des sites pornographiques classiques", assure François Kraus. Ceux-ci sont en effet victimes de la concurrence de certaines alternatives telles que les sites de webcam (17%) ou de sex show payants à la OnlyFan (13%). Chez les jeunes hommes de moins de 35 ans par exemple, la proportion de personnes ayant regardé un sex show en live sur un site de webcam a doublé entre 2018 (21%) et 2023 (38%). "Certes, il est encore trop tôt pour dire que "OnlyFan a tué Pornhub" mais l'engouement pour ce type de sites, situés à l'interface entre le dating et le porn, est évident (…) Quant aux jeunes femmes, au rapport plus distant aux sites X ou aux sites de webcam, elles trouvent dans des livres ou les podcasts érotiques des modes de stimulation plus adaptés à leur imaginaire sexuel, probablement parce qu'elles n'y sont pas soumises aux images souvent dégradantes de la femme que renvoie le porno meanstream."

Source :  Étude Ifop pour 01.net réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 17 avril 2023 auprès d'un échantillon de 2 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus