Rapport sexuel et performance : les hommes ont-ils la pression ?

Dans le monde impitoyable des étiquettes, les hommes aiment le sexe, les hommes ont toujours envie, les hommes sont accros à la performance et les meilleurs d'entre eux font jouir les femmes. De quoi vivre sa sexualité sous pression ? Nous avons interrogé les principaux intéressés.

Rapport sexuel et performance : les hommes ont-ils la pression ?
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Au commencement était la question suivante : tu crois que les hommes se sentent obligés d'être parfaits au lit ? Nous étions plutôt d'accord sur la réponse : oui, et cela doit être terrible pour eux. Car les stéréotypes sont tenaces en matière de sexualité. Les hommes ne pensent qu'à ça, ils ont toujours envie de faire l'amour, ils se doivent d'être doués (bonne érection et éjaculation tardive) et pire, l'orgasme féminin pèse sur eux. Fréquemment décrété comme obscur (il faut reconnaître qu'il est bien moins étudié que l'orgasme masculin) et difficile à atteindre, il apparaît comme un vrai défi pour la gent masculine. Comme si un bon amant pouvait procurer un orgasme (le fameux "alors, heureuse ?"), tandis qu'un mauvais coup allait priver sa partenaire.
C'est avec toutes ces idées en tête que nous avons décidé d'interroger plusieurs hommes. Nous voulions leur donner parole, mieux la libérer : qu'ils disent enfin stop, qu'ils disent combien c'est lourd, qu'ils confient leur ras-le-bol quant à ce devoir de performance. A force de pression (je dois gérer, je dois la faire jouir, je dois avoir un corps de rêve et je dois avoir envie), le plaisir sexuel n'est plus qu'une option. Comment kiffer alors même qu'on a la tête à décrocher une médaille ?

Sexe : les premiers pas sont les plus difficiles

Nos témoins ont tous un point commun. Oui, ils sont d'accord, beaucoup d'étiquettes sont accolées aux hommes. Mais (il y a évidemment un mais), ils ne se sentent pas – ou plus, concernés. Ils nous ont raconté combien la pression avait pu envahir leur vie sexuelle il y a quelques années. Julien, 30 ans aujourd'hui, vivait très mal la capote : à chaque fois qu'il l'enfilait, il perdait son érection. Pendant des années, "l'instant préservatif" était source d'angoisse : "Il a fallu qu'un plan d'un soir me la mette pour que je comprenne que je n'avais pas à porter seul la responsabilité d'un rapport qui se passe bien (ou pas)", nous dit-il. Antoine, 31 ans, reconnaît avoir appris le sexe via les pornos : "Mon objectif était de tenir le plus longtemps possible sinon j'allais passer pour un nul, je ne pensais qu'à ça". Désormais, Antoine s'en fiche pas mal d'être un bon coup. Il désire simplement être un bon partenaire. Où est la nuance ? Il a compris que tout était question de connexion entre les protagonistes. Un bon coup donne tout pour briller et satisfaire son ego, un bon partenaire est à l'écoute.

Quentin, 24 ans, rejoint ses aînés : quand il a rencontré sa copine, il y a six ans, sa maigre expérience le faisait trembler. Allait-il lui plaire ? Aujourd'hui, son couple a quelques années, et l'habitude apaise ses craintes. Si demain il devait coucher avec quelqu'un d'autre, il aurait quelques appréhensions mais rien de bien méchant (fierté ou vérité ?) : "Quand on connait autant quelqu'un, on réalise qu'il faut du temps pour s'apprivoiser. Les premières fois ne sont jamais extraordinaires, enfin je pense", avance-t-il.

Ces différents avis masculins nous ont poussées à remettre en question notre idée de départ. Cette pression des premières années ne nous semblent pas tant masculine, mais simplement une question de vie sexuelle qui débute. Qui n'a pas peur au début, face à l'inconnu, de passer pour un bras cassé ?

Faire l'amour : si une femme ne jouit pas, il n'y a pas péril en la demeure

Quelques années plus tard, avec de l'expérience au compteur, Antoine et Julien avancent tous les deux que l'âge et les rencontres permettent de relâcher la pression. La seule question que Julien se pose lorsqu'il s'apprête à faire l'amour pour la première fois avec une fille, c'est : "Tendre ou bestial ?". Il vise entre les deux, une valeur sûre, et s'aventure à tâtons en restant attentif aux réactions de sa partenaire. Pour autant, si elle ne jouit pas, il n'y a pas péril en la demeure : "Peut-être qu'elle ne connaît pas bien son corps, qu'elle n'est pas à l'aise, je ne sais pas… Je ne rejette pas la faute sur ma partenaire mais je ne me sens pas atteint dans ma masculinité non plus", confie-t-il avant d'ajouter (c'est cadeau) : "Il y a encore récemment, un collègue m'a dit Si tu n'arrives pas à rendre ta copine femme fontaine c'est que tu n'es pas bon… c'est quand même dingue ! Bien sûr on a envie d'assurer, mais on n'en est pas à se dire que nous sommes à l'origine des femmes fontaines, des orgasmes multiples… Ce serait chiant, et même prétentieux."

Pour Antoine, l'orgasme féminin demeure un défi : "Si elle jouit, ça me fait du bien à l'ego, ça me fait plaisir de faire plaisir, et de sentir que ma partenaire est excitée et relaxée avec moi". Mais le jeune homme a observé avec le temps que l'orgasme féminin n'était pas automatique et que beaucoup de paramètres entraient en compte : la détente, le cadre, les liens tissés… "Par contre, une partenaire qui a un orgasme une fois tous les trois rapports, ça me rendrait probablement triste. Est-ce que je l'excite vraiment ? Parvient-elle à se laisser aller ? Est-elle à l'aise à mes côtés ? Comme une femme s'inquiéterait si son compagnon ne jouit pas", poursuit-il. A  bien y regarder, ces interrogations ne reflètent une pression d'exceller mais s'inscrivent dans le partage. Jouir est une question de circonstances mais aussi d'être deux. L'homme pourra toujours tout faire pour nous offrir un orgasme, comment le rencontrer si nous n'avons pas la tête à ça ? Pas confiance ? Si nous connaissons mal nos zones érogènes et nos clés du plaisir ? On peut aussi savoir comment jouir en deux minutes et être disposée : si l'homme en face nous refroidit, on va bloquer. L'orgasme est une conversation sexuelle, de soi à l'autre, de l'autre à soi.

Bien-être, amour et détente ne sont pas des trucs de nanas

"J'ai besoin de ressentir de l'affection, du moins de la confiance et une certaine complicité pour faire l'amour", révèle Antoine sans gêne aucune. Julien et Quentin sont d'accord. Le trentenaire n'aime pas le sexe pour le sexe, il n'y voit aucun intérêt, seulement de l'ennui et un manque de fusion : "J'ai une image du couple assez classique, je crois aussi que ça vient de mes parents qui s'aiment depuis toujours. Du coup, entre ce que la société rabâche (les mecs enchainent les coups sur Tinder) et mon idéal (trouver la bonne et m'investir), il y a un vrai fossé que j'assume assez facilement aujourd'hui", confie-t-il. Si à une époque, il roulait des mécaniques devant ses potes pour ne pas passer pour un futur vieux garçon, aujourd'hui, ça lui est égal. Quant à Quentin, en couple depuis des années, il avoue ne pas être frustré de n'avoir jamais connu les coups d'un soir alors même qu'on lui demande si ça ne le tente pas. Les hommes sont sentimentaux, ce n'est pas un scoop. Et ils ne sentent pas obligés de faire semblant.

"Selon moi, les hommes et les femmes fonctionnent pareil : nous aussi, il me semble, nous avons besoin d'être détendu pour faire l'amour… Nous ne sommes pas des machines !", poursuit Antoine. Concernant la question du désir sexuel masculin toujours au top de sa forme, on sait que ce n'est pas le cas, et les hommes ne s'en cachent pas. Hors de question pour eux de se forcer. Il y a des jours avec et des jours sans. Mauvaise humeur, pensées négatives, contrariétés… Voilà qui les bloque et c'est humain.

Morale de l'histoire ? Si une série d'étiquettes est accrochée à ces messieurs - fausses, chiantes et étroites - les hommes s'en détachent et le disent sans complexe : ils ne sont pas des machines de sexe, ils ont des sentiments, des doutes, et ne sentent pas obligés d'être les meilleurs au risque de passer à côté du plus important : le partage et la découverte de l'autre.