"C'était le mari idéal jusqu'à ce que je découvre son vrai visage" : la descente aux enfers d'Eloïse
Eloïse à 19 ans lorsqu'elle rencontre Justin. Attentionné, bel homme, stable… Il a tout pour lui plaire et séduit tout autant sa famille et ses amis.
J'ai rencontré Justin quand j'avais 19 ans. Dès le début, tout mon entourage l'a trouvé absolument génial. C'est vrai qu'en apparence, il l'était… Pour mes parents, il incarnait le gendre parfait : âgé de 5 ans de plus que moi, il avait une bonne situation, il était attentionné, poli, intéressant. Mes amis l'aimaient tout autant, ils le trouvaient drôle, gentil et chaleureux. Très vite, c'est devenu une habitude d'entendre à quel point j'étais chanceuse d'être avec un homme pareil. Très amoureuse de Justin, je me sentais reconnaissante de vivre une relation aussi belle.
Au bout d'une petite année, nous avons emménagé ensemble et c'est là que les choses ont changé. Mais comme la transformation de Justin a été très progressif, j'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte de son vrai visage. Alors qu'il avait toujours été plutôt calme, il a commencé à se mettre dans des colères noires. Au début, ça concernait des choses qui n'avaient rien à voir avec notre relation : un collègue désagréable au travail, des gens qui conduisaient mal, le pain qui n'était pas assez cuit… Comme ça restait assez rare, je mettais ça sur le compte d'une mauvaise humeur passagère.
Nous nous sommes mariés et tous mes proches étaient aux anges
Nous nous sommes mariés et tous mes proches étaient aux anges. Moi aussi, j'avais l'impression de vivre un rêve éveillé. Mais petit à petit, il est devenu très jaloux. Sans que je m'en rende compte, il s'arrangeait pour tout le temps savoir où j'étais et ce que je faisais. Et lorsque j'avais le malheur d'être trop occupée pour répondre à ses sollicitations, il m'appelait des dizaines de fois d'affilée et m'envoyait des messages incendiaires. Lorsque je décrochais enfin, il s'énervait, me disait que je n'avais pas de cœur pour l'avoir laissé sans nouvelle pendant si longtemps. Comme je ne voulais pas l'inquiéter, j'ai fait en sorte d'être tout le temps joignable.
La descente aux enfers
Pourtant, ça ne suffisait pas à l'apaiser. A la maison, il multipliait les remarques désobligeantes et les actes violents. Je n'avais rien changé à mes habitudes vestimentaires, mais il me disait que j'étais mal habillée, que je ne prenais plus soin de moi. Il me regardait avec un air de dégoût. Alors, j'essayais de me faire encore plus belle pour lui, de porter des vêtements qu'il aimait et de me maquiller pour qu'il me trouve à son goût. Mais ce n'était jamais assez. Au contraire, j'avais l'impression que plus je multipliais les efforts, plus sa méchanceté augmentait. Après le physique, il s'est mis à attaquer mon intellect. Au début, c'était de petites réflexions ironiques puis il m'a traitée d'idiote ou de folle. C'est à cette période qu'il s'est mis à agir de façon violente physiquement. Il ne me tapait pas dessus, mais sur tout ce qui lui passait sous la main. Un jour, il a défoncé mon ordinateur parce qu'il est tombé sur une conversation amicale avec un collègue. Une autre fois, il a cassé son téléphone parce que j'avais eu le malheur de ne pas décrocher dès son premier appel. A chaque fois, il me reprochait de le mettre dans de tels états. Pour lui, c'était moi la fautive.
De mon côté, je n'arrivais pas à voir ça comme de la violence conjugale. Il ne me tapait pas, il était souvent très gentil, il me disait qu'il m'aimait. Et dans ma tête, un mari violent, c'était un homme qui battait sa femme. Je n'avais pas conscience que ma perte de confiance en moi venait de lui et que je vivais dans la peur constante qu'il s'énerve à nouveau. Je mettais aussi de côté toutes ces fois où je n'avais pas envie de faire l'amour et où il me forçait. Jusqu'au jour où je suis rentrée du travail avec 10 minutes de retard. J'avais mis mon téléphone sur silencieux, je n'avais pas vu qu'il m'avait appelée 54 fois. Lorsque j'ai franchi le seuil de notre appartement, il m'a sauté dessus, m'a secouée et a ouvert mon sac pour y sortir mon téléphone. Il a commencé à lire mes messages, me demandant avec qui j'étais, me traitant de trainée. Sous le choc, je me suis excusée, mais ça ne lui suffisait pas. Il a fini par me jeter le téléphone en plein visage, me laissant un gros bleu sur la joue. J'ai foncé dans la salle de bain et j'ai fermé la porte à clef. J'avais peur qu'il aille plus loin, tout mon corps tremblait et je n'arrivais pas à arrêter de pleurer. J'ai cru qu'il allait démolir la porte, il criait qu'il allait me défoncer la gueule si je n'ouvrais pas. Et puis, le silence. C'était presque pire : je me demandais où il était parti, s'il cherchait quelque chose pour ouvrir la porte, s'il allait revenir encore plus énervé. Mais quelques minutes plus tard – qui semblaient être une éternité – il a collé son visage contre la porte et m'a présenté ses excuses. Il m'a dit qu'il ne savait pas ce qui lui était arrivé, que ça ne se reproduirait plus.
La prise de conscience
C'est seulement à cet instant que j'ai compris que quelque chose n'allait pas. En cachette, j'ai commencé des recherches internet sur les violences conjugales. C'est comme ça que j'ai découvert le baromètre des violences : le violentomètre. Ça m'a fait un électrochoc, j'ai pris conscience que ça faisait bien longtemps que Justin était violent et que ce n'était pas normal. Il cochait toutes les cases de la violence : me rabaisser, me faire du chantage, être jaloux, contrôler mes faits et gestes, fouiller mon téléphone et mon ordinateur, me traiter de folle, me forcer à faire l'amour, péter les plombs, me violenter… J'ai réalisé qu'il fallait que je me protège.
Une fois cette prise de conscience, je voulais fuir, mais je ne savais pas par où commencer. J'avais tout caché à mon entourage, j'avais peur qu'ils ne me croient pas. J'avais honte, aussi. Comment ça avait pu m'arriver, à moi qui avais un si fort caractère ? Au bout de deux semaines, j'ai fini par tout raconter à ma meilleure amie. Elle est tombée des nues : elle adorait Justin et n'aurait jamais pensé qu'il puisse être une telle ordure. Mais sa réaction m'a rassurée, elle m'a tout de suite crue et soutenue. Au contraire, elle s'est excusée de ne rien avoir vu. Mais c'était normal, puisque j'avais tout caché... Elle m'a dit que j'avais besoin d'aide, qu'elle pouvait m'héberger et qu'il fallait que j'en parle à mes parents. Je savais que je ne pourrais pas quitter mon appartement, que Justin ne me laisserait pas partir. J'étais terrifiée à l'idée de rentrer chez moi et qu'il se montre encore plus violent.
"J'ai pris mon courage à deux mains"
J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai tout raconté à mes parents. Sous le choc, ils se sont d'abord excusés, eux aussi. Ils m'ont ensuite dit que si je le souhaitais, je n'avais pas besoin de retourner dans l'appartement. Ils m'ont accompagnée au commissariat pour porter plainte contre Justin, puis j'ai fait une liste de toutes les affaires que je voulais garder et ils sont directement allé les chercher. Ils ont passé l'après-midi à vider l'appartement. En début de soirée, Justin est rentré du travail. Mes parents lui ont expliqué que j'avais porté plainte et qu'il n'avait pas intérêt à m'approcher ou à me contacter, car il risquait de lourdes peines juridiques. Le pire, c'est que devant eux, Justin a joué les innocents et a fait semblant de ne pas comprendre. Heureusement que mes parents n'ont pas douté de moi… Je ne sais pas comment j'aurais pu m'en sortir sinon.
Les jours suivants, Justin m'a harcelée d'appels et de messages d'injures, auxquels je ne répondais jamais. Au bout d'une semaine, j'ai changé de numéro de téléphone et je l'ai bloqué de tous les réseaux sociaux. Chez mes parents, je me sentais soulagée, comme si j'avais été enfermée pendant des années et que j'étais à nouveau libre. Je ne peux pas dire que ça a été simple : j'ai vécu dans la peur pendant des mois. Mais mon entourage a été d'une aide précieuse. Je suis restée chez mes parents le temps qu'il me fallait pour être remise sur pied et j'ai passé beaucoup de temps avec mes amis, dont je m'étais éloignée à cause de ma relation avec Justin. En parallèle, je suis allée voir une psychologue spécialisée dans les violences conjugales qui m'a apporté un soutien incroyable. J'ai aussi intégré une association qui lutte contre les violences conjugales. Cela m'a permis de parler de ce que j'avais vécu avec des femmes qui, elles aussi, étaient passées par là. J'y ai trouvé une véritable famille de cœur.
Aujourd'hui, ça va faire cinq ans que j'ai quitté Justin. Cette histoire m'a laissé des traces, mais si je peux donner un conseil aux femmes victimes de violences conjugales, c'est d'abord d'en parler à votre entourage. Car à partir du moment où on cache des choses à ses proches par honte ou par peur, c'est qu'il y a un problème. Si votre entourage ne se montre pas assez présent, que vous n'arrivez pas à lui parler ou que vous avez besoin de plus de soutien, n'hésitez pas à contacter des associations, des numéros d'urgence spécialisés ou des psychologues. N'oubliez pas que vous pouvez vous en sortir et qu'il y a beaucoup de gens qui sont là pour vous aider.