DSK à la barre: le tribunal a rendu son verdict

Avec le procès Bettencourt, l'affaire du Carlton de Lille était l'autre grand dossier de cette première moitié de l'année judiciaire 2015. Le tribunal correctionnel a rendu son jugement ce vendredi 12 juin. Un seul des 14 prévenus a finalement été condamné. Dominique Strauss-Kahn a été relaxé. Retour sur le procès, ses protagonistes et ses implications politiques.

Lieu du scandale : l'hôtel Carlton de Lille. Au coeur de ce scandale : Dominique Strauss-Kahn, économiste et homme politique français à la libido insatiable. Zoom sur les principales informations à connaître sur ce dossier tout droit sorti d'un téléfilm. 

Pourquoi ce procès ?  

Le procès du "Carlton de Lille", qui s’est ouvert le 2 février, visait à établir les responsabilités d’un réseau ayant organisé des "soirées libertines" à Paris, Washington, Vienne et Madrid. Des soirées qui impliquaient des prostituées rémunérées par le patron d’une filiale du groupe de construction Eiffage et le dirigeant d’une société de matériel médical. 
Quatorze personnes, dont trois femmes, étaient poursuivies devant le tribunal correctionnel de Lille. Au terme de la procédure, seule une condamnation a été prononcée ce vendredi 12 juin : René Kojfer, ancien responsable des relations publiques de l'établissement, a été condamné à un an de prison avec sursis. Hervé Franchois, le propriétaire du Carlton, Francis Henrion, son ancien directeur, Béatrice Legrain, compagne de Dodo la Saumure, Emmanuel Riglaire, avocat accusé d'avoir défendu une prostituée en échange d'une faveur sexuelle, David Roquet et Patrice Pazskowski, les deux organisateurs des parties fines, et le commissaire de police Jean-Christophe Lagarde ont tous été relaxés. Surtout, les deux figures emblématiques du procès, le proxénète Dominique Alderweireld, plus connu sous le surnom de "Dodo la Saumure", et Dominique Strauss-Kahn ont également été relaxés. L'ancien président du FMI encourait jusqu'à 10 ans de prison. 

Combien de temps a duré le procès en février ? Trois semaines. 

L’affaire du Carlton : accélération dans la chute d’un homme politique :

Le 14 mai 2011, Dominique Strauss-Kahn est accusé d’agression sexuelle envers une femme de chambre dans une suite de l’hôtel Sofitel de Manhattan, à New-York. Près d’un an plus tard, le 29 novembre 2012, le célèbre New York Times  annonce qu’un accord amiable a été trouvé entre l’ancien patron du FMI et son accusatrice, Nafissatou Diallot.Dix jours plus tard, la procédure contre Dominique Strauss-Kahn est abandonnée.
Entre temps, en février 2012, DSK est interrogé pour la première fois par la police française dans le cadre d’une investigation sur un réseau de prostitution. C’est l’affaire du Carlton de Lille.
Une enquête journalistique réalisée par Vanina Kanban tendrait à démontrer que la présence de Dominique Strauss-Kahn dans le dossier du Carlton était déjà connue avant 2011. Connue entre autres par les plus hautes autorités de l’Etat : Nicolas Sarkozy et François Fillon, à l’époque respectivement Président et Premier ministre.
L’affaire du Sofitel et celle du Carlton anéantiront l’ambition du directeur du Fonds monétaire international de se présenter pour la présidentielle.
Pourtant, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien réalisé le 30 janvier 2015, près de 8 Français sur 10 estiment qu’il aurait fait un meilleur président que François Hollande. 

Qui sont les protagonistes ? 

  • Dominique Strauss-Kahn, le «roi de la fête»: l’ancien directeur du Fonds monétaire international  était accusé d’être le principal bénéficiaire des soirées qui se seraient tenues dans les différentes villes. DSK affirmait ignorer que les participantes étaient des prostituées rémunérées. Or, les magistrats considèraient que l’ancien patron du FMI n’ignorait pas que les filles qui participaient aux soirées étaient des prostituées. Une escort dira de lui devant les enquêteurs qu'il était le "roi de la fête". 
    Pourquoi comparaissait-il ? Dominique Strauss-Kahn comparaissait pour "proxénétisme aggravé".
    Que risquait-il ? DSK encourait une peine de dix ans de prison et 1,5 million d’euros d’amende. 
  • René Kojfer, l’entremetteur : il s’agit de l’ancien chargé des relations publiques du Carlton de Lille. René Kojfer était la première personne poursuivie dans cette affaire. Il était soupçonné d’avoir mis en relation des prostituées avec des entrepreneurs du Pas-de-Calais. En juillet 2013, il a brièvement été écroué pour violation de son contrôle judiciaire.
    Pour quoi comparaissait-il ? René Kojfer devait répondre de proxénétisme aggravé.
  • Dominique Alderweireld, ou  «Dodo la Saumure»: tenancier d’un salon de massage et de prostitution en Belgique, Dominique Alderweireld, plus connu sous le nom de «Dodo la Saumure», est un ami de longue date de René Kojfer. Il était accusé d’avoir envoyé depuis la Belgique des prostituées dans la région lilloise mais aussi à Paris et aux Etats-Unis.
    Pourquoi comparaissait-il ? Dominique Alderweireld comparaissait pour proxénétisme aggravé.
  • Béatrice Legrain, la compagne : il s’agit de la compagne de Dominique Alderweireld. Partenaire en affaires de Dodo la Saumure, elle était accusée des mêmes faits que son mari. Selon ses propres aveux, elle aurait accompagné une prostituée à un rendez-vous libertin auquel participait Dominique Strauss-Kahn.
    Pourquoi comparaissait-elle ? Comme son compagnon, Béatrice Legrain comparaissait pour proxénétisme aggravé.
  • Francis Henrion : c’est le directeur du Carlton de Lille. Il était soupçonné d’avoir aidé des clients à trouver des prostituées.
  • Hervé Franchoix : le propriétaire de l’hôtel. Il était également soupçonné d’avoir aidé des clients à trouver des prostituées.
    Pourquoi comparaissaient-ils ?  Francis Henrion et Hervé Franchoix devaient tous deux répondre de proxénétisme aggravé.
  • Jean-Christophe Lagarde : commissaire divisionnaire en chef de la sûreté départementale du Nord (muté depuis) il était soupçonné d’avoir participé à la mise en relation de prostituées avec l’ancien directeur du FMI, dont il espérait des faveurs après la présidentielle.
    Pourquoi comparaissait-il ?  Jean-Christophe Lagarde devait répondre des chefs de proxénétisme aggravé et recel d’escroquerie.
  • David Roquet : ex-directeur de la société de Matériaux enrobés du Nord, une filiale du groupe de BTP Eiffage dans le Pas-de-Calais, David Roquet était accusé d’avoir réglé des dépenses liées aux soirées au titre de frais professionnels.  
  • Pourquoi comparaissait-il ?  David Roquet était accusé par le groupe de BTP d’abus de biens sociaux et escroquerie. Il comparaissait également pour proxénétisme aggravé.
  • Jean-Luc Vergin : il s’agit de l’ancien supérieur hiérarchique de David Roquet.
    Pour quoi comparaissait-il ?  Jean-Luc Vergin était attendu à la barre pour répondre de proxénétisme aggravé.
  • Fabrice Paszkowski : responsable d’une société de matériel médical dans le Pas-de-Calais et proche de Dominique Strauss-Kahn, Fabrice Paszkowski était soupçonné d’avoir co-organisé et participé à des soirées avec l’ancien directeur du FMI.
    Pour quoi comparaissait-il ?  Fabrice Paszkowski était, comme David Roquet, poursuivi pour proxénétisme aggravé, abus de biens sociaux et escroquerie.
  • Virginie Dufour : ex-compagne de Fabrice Pazskowski et dirigeante d’une société d’événementiel, Virginie Dufour était soupçonnée d'avoir organisé et payé des voyages de prostituées aux Etats-Unis pour des rencontres avec Dominique Strauss-Kahn.
    Pour quoi comparaissait-elle ?  Virginie Dufour était accusée de proxénétisme aggravé et escroquerie.
  • Emmanuel Riglaire : avocat, Emmanuel Riglaire était accusé d’avoir présenté une call-girl à René Kojfer.
  • La partie civile : elle était composée de deux prostituées. Deux autres souhaitaient les rejoindre à la barre. Toutes les jeunes femmes se qualifiaient "d’escort girls".

Le proxénétisme, c'est quoi exactement ? 

Le proxénétisme est un crime: il s'agit du fait  soit "d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ; soit de tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ; soit d'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire". La personne qui "fait office d'intermédiaire entre deux personnes dont l'une se livre à la prostitution et l'autre exploite ou rémunère la prostitution d'autrui" est passible des mêmes sanctions.
Le fait de faciliter l'exercice de la prostitution par la fourniture de locaux relève quant à lui du proxénétisme aggravé, ce dont sont inculpés la plupart des protagonistes de cette affaire. 

Quelle était la stratégie de défense des accusés ? 

Les avocats des accusés ont plaidé pour le libertinage et le libre choix de pratiques sexuelles entre adultes consentants, droits reconnus par la Cour européenne des droits de l'homme.