Régine Deforges, auteure de "La Bicyclette bleue" : le décès d'une femme de lettres

L'écrivaine et éditrice Régine Deforges est morte ce jeudi 3 avril à 78 ans à l'hôpital parisien Cochin des suites d'une crise cardiaque. Portrait d'une femme de lettres passionnée.

"Pourquoi une jolie femme comme vous publie-t-elle de telles saletés ?", diront un jour les juges à Régine Deforges lors d'un de ses procès pour "outrage aux bonnes mœurs". Cet "Enfant du 15 août", (qui est le titre de ses mémoires sorties à l'automne dernier), n'a en effet de saint que la date de sa naissance. Son goût affirmé pour des écrivains tel que Laclos ou Sade ont sans doute inspiré sa propre plume. Elle sera condamnée et privée de ses droits civiques en pleine année 68, époque où il faisait bon de crier "Jouissez sans entraves !".
D'un ton libre voire libertin, ses écrits sont souvent des plaidoyers féministes visant à défendre le droit des femmes à s'assumer seules ainsi qu'à assumer leur sexualité.

Ado, elle se retrouve devant les gendarmes puis est renvoyée de son école après qu'un garçon a volé son journal intime dans lequel elle faisait part de son amour pour "Manon", ce qui fût considéré comme une preuve de "dépravation".  Elle s'inspirera de cette expérience pour écrire Le Cahier volé en 1978.
 

À Paris pour étudier aux cours Simon, elle découvre le monde de l'édition, par lequel elle entre en s'occupant du rayon livres du drugstore des Champs-Elysées.
Régine Deforges fut une éditrice remarquable mais souvent considérée comme sulfureuse. Elle a connu la célébrité  avec La Bicyclette bleue, l'un des plus grands succès de l'édition française, adapté à la télévision avec Laetitia Casta. Cette saga de dix romans commencée en 1983 avec 101, avenue Henri Martin et achevée en 2007 avec Et quand vient la fin du voyage  s'est vendue à plus de dix millions d'exemplaires et a été traduite en 22 langues.  Une saga qui lui aura coûté des démêlés judiciaires avec les héritiers de l'auteur d'Autant en emporte le vent, Margaret Mitchell. Toutefois, ils ne parvinrent pas à convaincre les juges que la romancière française avait plagié l'Américaine et Régine Deforges remporta le procès, après une longue bataille.
Elle a longtemps été libraire avant d'être la première femme à fonder sa propre maison d'édition, "L'or du temps", qu'elle créé aux côtés de Jean-Jacques Pauvert. Parmi ses ouvrages édités, beaucoup ont par ailleurs fait l'objet d'interdictions diverses et de poursuites pour outrages aux bonnes mœurs. 

Touche-à-tout en ce qui concerne l'univers de la littérature et de l'écriture, Régine Deforges a également tenu une chronique au sein du journal L'Humanité et a par la suite été présidente de la Société des gens de lettres et membre du jury du prix Femina. Elle démissionnera en 2006 par solidarité avec Madeleine Chapsal qui venait d'être exclue.

Elle était l'épouse de Pierre Wiazemski, dessinateur du Nouvel Observateur et petit-fils de François Mauriac.
Cette mère de trois enfants avait aussi signé des livres pour enfants ainsi qu'un recueil de recettes de cuisine.

La disparition de Régine Deforges a été annoncée par son fils Franck Spengler.
Aurélie Filippetti, nouvelle ministre de la culture, a écrit dans un communiqué : "Plus qu'une écrivaine, Régine Deforges était une amoureuse des livres et des métiers du livre ; elle a ainsi été tour à tour libraire passionnée, relieuse, éditrice convaincue ou encore scénariste". Ces écrits "ont été pour beaucoup de femmes vécus comme des plaidoyers défendant le droit à s'assumer seules", a-t-elle ajouté.

reginedeforges
Régine Deforges © Sipa