Pussy Riot libérées, mais Pussy Riot utilisées

Vladimir Poutine a gracié les Pussy Riot. "Une opération de communication", selon Maria Alekhina, qui a pu sortir du camp de travail où elle était retenue dans des conditions épouvantables.

Les deux membres emprisonnées du groupe contestataire Pussy Riot ont été libérées. Nadejda Tolokonnikovade 24 ans, qui avait été transférée à Krasnoïarsk, en Sibérie orientale, après avoir vivement critiqué ses conditions de détention, a fustigé, dès sa sortie, le fait que la Russie soit "construite sur le modèle d'une colonie pénitentiaire""C'est la raison pour laquelle il est si important de changer les colonies pour changer la Russie de l'intérieur", a-t-elle déclaré.
Maria Alekhina, âgée de 25 ans, est sortie de son camp à Nijni Novgorod dans une voiture de l'administration pénitentiaire sans que les journalistes qui attendaient à la sortie de la colonie aient pu l'apercevoir. Maria Alekhina  est ensuite réapparue au Comité contre les tortures de la ville, où elle avait l'intention d'évoquer le sort de ses codétenues. "Le plus dur en prison était de voir comment ils cassent les gens", a-t-elle annoncé à la chaîne de télévision câblée Dojd depuis le siège du comité.

La jeune femme a fustigé la loi qui a permis sa libération, un texte approuvé mercredi dernier par le Parlement russe, qui prévoit d'amnistier entre autres les personnes condamnées pour "hooliganisme" et mères d'enfants mineurs. "Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un geste d'humanisme", a asséné cette maman d'un petit Philippe. "C'est une profanation", a-t-elle estimé. "Si j'avais eu le choix, j'aurais refusé", a-t-elle ajouté, disant ne pas avoir changé d'avis sur le président Vladimir Poutine. Elle a raconté avoir été "sous le choc" estimant que sa sortie, orchestrée dans le plus grand secret, l'avait été pour éviter des "adieux bruyants" avec ses codétenues et un tapage médiatique.

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Les Pussy Riot lors de leur condamnation. © Alexander Zemlianichenko / AP / Sipa

La peine de Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova devait prendre fin en mars 2014. Tous leurs recours avaient jusqu'à présent été rejetés par la justice russe, les prisonnières ayant refusé de reconnaître leur culpabilité.

Une "émeute de chattes"... peu orthodoxe ?
Groupe de punk-rock féministe russe formé en 2011, les Pussy Riot (littéralement "émeute des chattes") ont fait écho publiquement de leur action à travers une performance pour le moins remarquée. Le 21 février 2012, elles ont pénétré encagoulées dans la Cathédrale de Moscou et prié la Mère de Dieu de chasser Vladimir Poutine du pouvoir. Cette "prière punk" jugée profanatoire leur a valu d'être arrêtées puis condamnées à deux ans en détention en camp.

De Paris à Moscou, de la scène politique à la scène artistique, ce verdict a suscité un immense tollé. De nombreuses personnalités comme Paul McCartney, Madonna, Yoko Ono ou encore Jeanne Cherhal ont manifesté leur soutien aux Pussy Riot.
Alors que l'Eglise orthodoxe a pardonné aux punkettes et les a appelées à se repentir, Vladimir Poutine s'est jusque-là montré intransigeant, estimant que les jeunes femmes s'étaient livrées à un "véritable sabbat", et que "l'Etat avait le devoir de défendre les croyants". Les Etats-Unis se sont inquiétés pour la liberté d'expression en Russie et les dirigeants européens –Angela Merkel en tête- ont dénoncé un jugement disproportionné  et "pas en harmonie avec la démocratie".

 Pourquoi gracier les Pussy aujourd'hui ?
Cette clémence intervient trois jours après la grâce de l'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, un geste interprété comme une volonté d'améliorer l'image de la Russie à l'approche des Jeux olympiques qui doivent se tenir à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, en février.

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La Pussy Riot Maria Alekhina a pu sortir du camp de travail où elle était retenue dans des conditions déplorables. © Pavel Golovkin/AP/SIPA