La championne de patinage Sarah Abitbol accuse son entraîneur : "Vous m'avez violée"

Sarah Abitbol, dix fois championne de France de patinage en couple artistique et multimédaillée aux championnats d'Europe et du monde, révèle dans son ouvrage qu'elle aurait été violée à plusieurs reprises par son entraîneur...

La championne de patinage Sarah Abitbol accuse son entraîneur : "Vous m'avez violée"
© LAURENT BENHAMOU/SIPA

Une révélation choquante. Dans son livre Un si long silence, qui sort en librairie le 30 janvier, Sarah Abitbol, grande championne de patinage artistique, lève le silence sur les atrocités qu'elle aurait vécues pendant son adolescence. Elle y raconte avoir été violée à plusieurs reprises par son entraîneur entre 1990 et 1992, alors qu'elle n'avait que 15 ans. La patineuse, dix fois championne de France et multimédaillée aux championnats d'Europe et du monde, a décidé de raconter sa douleur, après s'être tue pendant trente ans : "Ce n'est pas facile de dire à 44 ans qu'on a été violée à 15 ans. Je n'ai d'ailleurs jamais prononcé ce mot, sauf une fois devant ma psy, quatorze ans après. Aujourd'hui encore, j'ai beaucoup de mal".

Sarah Abitbol : "Je suis une handicapée de la vie, murée dans l'angoisse"

La patineuse a expliqué avoir encore des séquelles de ces agressions, qui se répercutaient encore sur des gestes du quotidien.

"Je suis une handicapée de la vie, murée dans l'angoisse. Dans ma tête, je suis une proie. A 15 ans, j'ai dormi en dehors de chez moi, j'ai été vulnérable et vous en avez profité. Aujourd'hui encore, dès que je sors de chez moi, j'ai peur. J'ai horreur d'aller dans les lieux que je ne connais pas. L'inconnu est forcément synonyme de danger. Je ne peux pas voyager seule. Conduire une voiture sans quelqu'un à mes côtés m'a longtemps été impossible. Prendre l'avion est une torture", lit-on dans son ouvrage.

A travers cette épreuve, ses proches ont été présents et notamment son mari, l'ancien patineur Jean-Louis Lacaille, qu'elle a épousé en 2009 et avec qui elle élève une petite Stella, née en 2011. Pour ce dernier, la révélation n'a pas été facileSarah a révélé dans son ouvrage : "Mon mari est hésitant. Il craint des répercussions. Il me dit : 'Tu ne devrais peut-être pas faire ce livre. Que vont-ils dire de toi ? Et de moi ? Le fait même d'être étiqueté 'mari de celle qui a été violée le dérange'";

Sarah Abitbol  : "Vous m'avez violée"

Dans l'ouvrage qui lui sert de porte-voix, Sarah Abitbol s'est adressée directement à celui qu'elle accuse : "Vous m'avez violée (...) J'ai gardé le secret, monsieur O. Pendant deux ans, vous dites régulièrement à ma mère : 'Ce soir, je garde Sarah pour l'entraîner'. Et vous me violez dans le parking, les vestiaires et dans des recoins de la patinoire dont je ne soupçonnais même pas l'existence" , a-t-elle écrit.

Elle a ensuite ajouté : "Il est d'autant plus difficile de parler, monsieur O., que nous avons en face de nous un véritable système. Plus j'avance dans mes recherches, plus j'en suis convaincue. Si vous avez tenu si longtemps, monsieur O., c'est parce que tout, autour de vous, l'a permis", a écrit Sarah à son agresseur.

Une omerta dans le monde du sport

En prenant la parole, elle essaye également de dénoncer le manque d'action envers celui qu'elle accuse, Gilles Beyer, et l'omerta qui règne dans l'univers du sport. Alors qu'elle tentait d'alerter le ministère des sports sur les agissements de son entraîneur, elle aurait reçu la réponse suivante, recueillie par Gala : "Écoute Sarah, effectivement, il y a un dossier mais on va fermer les yeux".

L'ancienne médaillée de bronze n'est malheureusement pas la seule victime d'un système lacunaire. Une enquête menée par L'Equipe sur le milieu du patinage artistique a révélé que la championne Hélène Godard, avait également été victime de violences sexuelles de la part de son entraîneur, dans les années 70.

Le patron de la Fédérations des sports de glace convoqué par la ministre des Sports

Alors que le 31 janvier, Gilles Beyer a concédé avoir eu des "relations intimes" et "inappropriées" avec la jeune patineuse, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu recevait ce lundi 3 février le patron de la Fédération française des sports de glace Didier Gailhaguet.

L'homme tient les rênes de la Fédération depuis plus de vingt ans. Il avait notamment choisi le silence, alors qu'un entraîneur avait été condamné à dix ans de prisons pour plusieurs vols en 2003. Ce 3 février,  Didier Gailhaguet devra rendre des comptes à la ministre sur la présence de Gilles Beyer dans l'organisme alors que le ministère des sports avait recommandé son éloignement.

L'ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports, Marie-George Buffet, a déclaré à France Info sur les faits attribués à Gilles Beyer :"Oui, nous avions été alertés par une famille et j'avais immédiatement diligenté une enquête administrative qui concluait de façon très nette qu'il fallait écarter cet entraîneur des jeunes athlètes et donc on l'a suspendu immédiatement pour six mois".

L'ancienne secrétaire du PCF espère également que la ministre des Sports actuelle saura prendre les bonnes décisions pour "faire le grand ménage dans la Fédération". Elle ajoute: "Le président Gailhaguet devrait présenter sa démission parce que ce sont des personnes qui sont membres de sa direction, avec qui il travaille depuis des années. Il ne pouvait pas ignorer tous ces faits."