Le tabou des sous

Alors que le ministère des Familles, de l'Enfance et des Droits des Femmes appelle à un élan citoyen pour lutter contre le sexisme, plusieurs structures nationales s'interrogent : où est l'argent alloué à l'égalité des sexes ? Rapport cinglant et constat navrant.

Le tabou des sous
© Piotr Marcinski - 123RF

Les droits des femmes sont une priorité pour le gouvernement. Vraiment ? À en croire un rapport à l'initiative de la Fondation des Femmes et rendu public jeudi 15 septembre 2016, l'argent octroyé à l'égalité réelle entre les sexes n'est pas proportionnel aux annonces de l'Etat.
Cette première analyse, en partenariat avec le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et hommes (HCEfh), ONU Femmes France, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée et W4, a pour objectif de devenir annuelle, afin de marteler aux politiques que l'argent manque pour atteindre l'égalité. Si ces institutions s'affolent, c'est que la situation est alarmante.
En 2016, l'Etat a seulement consacré 27 millions d'euros à l'égalité entre les sexes, soit 0,0066 % de son budget total, soit (bis) le plus petit budget, soit (ter) 0,33 euros par Français. De quoi rire jaune quand le ministère des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes se félicite de l'augmentation de 8,5 % de son portefeuille pour l'année à venir. En comparaison, le coût des violences faites au femmes s'élève à 2,5 milliards d'euros par an, l'équivalent de 38 euros par habitant.

Comment, avec si peu de moyens, parvenir à enrayer l'égalité salariale, à soutenir une justice neutre, à bouleverser les mentalités grâce à d'énormes campagnes de communication ? La mission se révèle difficile, voire impossible. Alors les acteurs de terrain, associations en tête, cherchent d'autres financements. Quelques fondations privées, appartenant à des entreprises, œuvrent pour débloquer des fonds dans le but de venir en aide aux femmes dans le besoin. Mais sur les 10 millions et quelques récoltés par an, seuls 10% seraient concrètement reversés à des associations spécialistes de la question féminine, le reste allant à des structures généralistes (qui bénéficient davantage aux hommes).

Où sont les solutions ?

Les associations sont en péril, suffoquent face aux demandes qui ne peuvent aboutir, s'épuisent de se heurter aux refus d'aides officielles. Dans le rapport, il est mentionné plusieurs solutions, que les acteurs aimeraient voir apparaître dans certains programmes pour 2017. Entre autres, réinjecter l'argent retenu en cas de non-parité des partis, à hauteur de 5,1 millions d'euros en 2016, directement dans le milieu associatif. Plutôt que de le reverser dans le budget global de l'Etat.

L'alarme est d'autant plus urgente à enclencher que la France fait office de mauvais élève occidental. En Espagne, le budget alloué à la lutte contre les violences de genre est de 0,54 euros par an par habitant, soit 40% de plus que dans notre pays... alors que leur budget a chuté de 26 % depuis 2010. "Avant, les féministes se faisaient entendre pour leurs revendications. Maintenant que ces combats semblent validés, on va les entendre demander des moyens", a déclaré Danielle Bousquet, présidente du HCEfh, au moment de la présentation du rapport. Ironie du genre, elle est la seule présidente de haut conseil français bénévole... et féminine. CQFD ? 

Lire le rapport Où est l'argent pour les droits des femmes ? dans son intégralité.

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