Syrie : les femmes tirent la sonnette d'alarme

Viols, pillages, bombardements. La situation en Syrie est critique pour l'ensemble de la population, mais particulièrement pour les femmes. Najat Vallaud-Belkacem a interpellé la communauté internationale lors de l'Union Pour la Méditerranée.

"Il est impératif que Justice soit rendue aux victimes", a rappelé Najat Vallaud-Belkacem. "Ecouter celles en première ligne pour que les femmes trouvent leur place dans l'après-transition démocratique".
La Ministre des Droits des Femmes a reçu des militantes féministes syriennes et des médecins d'organisations syriennes de secours médicaux quelques heures avant le dîner d'ouvertures de l'Union pour la Méditerranée.
Alors que le conflit syrien a redoublé de violence après l'attaque à la bombe chimique, les femmes syriennes tirent la sonnette d'alarme afin que la communauté internationale ouvre enfin les yeux sur la condition désastreuse de la société civile.
La représentante de la vice-présidente de la coalition nationale syrienne Souheïr Al Atassi crie à l'aide. "Nous avons l'impression que c'est du luxe de parler des souffrances des femmes. Alors que leurs souffrances sont exposées au vu et au su du monde entier. C'est un pays dont les droits des femmes sont violés depuis quatre décennies. Les Syriennes ont perdu espoir". Beaucoup de ces femmes ont tout perdu : des maris, des fils tombés au combat, mais surtout, elles souffrent du déséquilibre économique. Par ailleurs, les femmes ne sont guère représentées dans les instances de la coalition. 

Censure et propagande
Contre ce régime, ces femmes ont besoin de soutien. Pilotes de la révolution syrienne, les comités révolutionnaires sont en majorité créés et conduits par des femmes. Des organisations de secours et notamment des groupes d'information comme radio Rozana créée par Lina Chawaf, journaliste exilée au Canada condamnée à mort dans son pays. "En Syrie, on me demandait de faire de la propagande pour le régime. J'ai refusé, alors ils ont menacé ma famille de façon indirecte, mais évidente. Les informations qui n'ont d'autre choix que de sortir sur Youtube sont le fait de journalistes citoyens et sont souvent malheureusement truffées d'erreurs. J'ai décidé de créer Radio Rozana basée à Paris pour faire entendre la voix civile et contrer un langage des armes devenu bien plus fort. Nos 30 correspondants en Syrie mettent leur vie en danger chaque jour. Ils nous disent "adieu" avant de rejoindre leurs affectations quotidiennes, n'étant jamais certains de nous revoir un jour"

Ils prennent des risques, à l'instar de ces organisations de la société civile pour identifier et satisfaire au mieux les besoins de la population. Bassma Kodmani, chercheuse active de l'opposition, rappelle que la société civile et a fortiori les femmes, doivent pouvoir établir une relation avec la communauté internationale. Mais ces organisations se heurtent à des obstacles et restent pour l'instant sans interlocuteur : "Les réseaux locaux sont orphelins de partenaires", dénonce-t-elle sombrement.

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Syrie : les femmes tirent la sonnette d'alarme © Manu Brabo/AP/SIPA

"Les femmes sont en train de disparaître de l'espace public"
Il est crucial de faire lumière sur le peuple syrien. Le pays connaît un cas d'extrémiste très nouveau, car la Syrie avait jusque récemment, l'habitude d'un islam modéré.
Pour Samar Yazbek, écrivaine et journaliste militante, la situation dans le nord de la Syrie notamment est dramatique. "Les femmes sont en train de disparaître de l'espace public", s'inquiète-t-elle. Elles sont confrontées à une nouvelle "peste" syrienne : des groupes djihadistes obligent les femmes à se marier à des combattants moudjahidines, moyen adopté par le djihad pour s'infiltrer dans la société syrienne. De plus, 60% des enfants ne sont pas scolarisés alors que leur scolarisation est la demande numéro un des mères syriennes.

"Une tragédie hors-norme"
M. Oubaida Al Moufti, médecin et porte-parole de l'UOSSM (la plus importante organisation syrienne de secours médicaux) dresse un portrait désolant de la situation: "C'est une tragédie hors-norme". 68 000 femmes sont mortes depuis le début du conflit, 42 000 personnes sont blessées graves. Pour Oubaida Al Moufti, "une génération d'handicapés hommes et femme est à venir".
Sur les 1 400 morts qu'a occasionnés l'attaque chimique du 21 août 2013, 67% sont des femmes et des enfants.
En faisant leur devoir, 140 médecins ont perdu la vie à cause des bombardements. Dans les prisons, les viols sont de plus en plus fréquents : bien souvent, les geôliers violent les familles des prisonniers sous leurs yeux pour les forcer à dévoiler des informations. Sept millions de personnes ont besoin de soins en Syrie. La majorité des enfants ne sont pas vaccinés depuis deux ans, le manque de lait se fait sentir, et 80% des accouchements se font à domicile avec le lot de risques que cela comporte. "C'est un véritable désastre humanitaire et médical", déplore le médecin. Les installations médicales sont dans un état lamentable car pas assez de médecins. Peu de spécialités sont couvertes, beaucoup d'interventions chirurgicales doivent être exécutées à l'extérieur de la Syrie.

Rejetées car violées
Les agressions sexuelles sont de plus en plus fréquentes et peuvent avoir un sens communautaire pour les services de sécurité et de renseignements. Mariages forcés et viols sont des armes de guerre et des menaces contre le camp adverse. La plupart des femmes n'osent pas en parler et développent des problèmes psychologiques, en particulier les plus jeunes. Le traumatisme ne se limitent pas seulement au moment où le viol a été commis. Ses conséquences s'étendent lorsqu'elles sortent de prison et retrouvent le milieux social (en cas de grossesses notamment).

À la communauté internationale, ces femmes, qui se font le porte-voix de toute la société civile syrienne, demandent plus d'écoute, moins d'ignorance et de promesses.