Damien Abad, évincé du gouvernement après les accusations de viols : Elisabeth Borne s'explique

Damien Abad est accusé de viol par des femmes qui témoignent de pratiques sordides, selon les informations de Mediapart. L'ancien ministre a finalement été évincé du gouvernement. La Première ministre Elisabeth Borne s'est exprimée...

Damien Abad, évincé du gouvernement après les accusations de viols : Elisabeth Borne s'explique
© Jacques Witt / Sipa Press/SIPA

Damien Abad a finalement été évincé du gouvernement lors du remaniement ministériel. L'ex-ministre des Solidarités, accusé de viols par plusieurs femmes et visé par une enquête pour "tentative de viol", a, lui, dénoncé des "calomnies ignobles". C'est le directeur général de la Croix-Rouge, Jean-Christophe Combe, qui le remplace aux Solidarités. Elisabeth Borne a expliqué sa décision auprès du magazine ELLE: "Il est essentiel que la parole des femmes se libère, et qu'elles portent plainte. Il est aussi essentiel que la définition et la recherche des responsabilités soient le travail de la justice. Il y a un devoir d'exemplarité des responsables politiques".

Marlène Schiappa salue la décision

Marlène Schiappa, de retour au gouvernement en tant que secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, a estimé que l'éviction de Damien Abad était une "bonne décision". "Je respecte la présomption d'innocence. Mais quand plusieurs femmes accusent la même personne avec le même mode opératoire, il y a le risque d'avoir un ministre empêché dans son action", a-t-elle déclaré.

Une autre femme porte plainte, ce que Damien Abad juge "troublant"

Alors qu'une nouvelle plainte pour tentative de viol a été déposée le 27 juin contre Damien Abad, l'ex-ministre des Solidarités a assuré qu'il ne connaissait "absolument pas" la plaignante, selon les propos de son avocat Me Benoît Chabert, sur BFMTV. "Il ne voit pas de qui il s'agit. Les faits qui sont évoqués dans un article de presse sont faux et il les conteste de manière ferme", a déclaré l'homme de loi. Celui-ci a trouvé "troublant" que cette plainte soit déposée "dans les jours qui précèdent le renouvellement du gouvernement". La plaignante, elle, accuse l'ancien ministre des Solidarités d'avoir essayé de la violer un soir, alors qu'une fête était organisée chez lui à Paris, en 2010.

Damien Abad, accusé de viols : une 3e femme raconte

Cette femme avait pris la parole dans Mediapart, à la mi-juin. Il s'agit d'une élue centriste qui a tenu à conserver l'anonymat. "Aujourd'hui je ne peux plus me taire. Si je parle, c'est pour que ça s'arrête, qu'il ne puisse pas recommencer", a-t-elle indiqué au média. "Ma culture n'est pas d'aller m'exprimer dans la presse", a-t-elle ajouté. Mais depuis "plus de dix ans", l'élue tente, selon ses dires, de tourner la page, en vain.

Sans détailler les faits, l'avocate auprès de laquelle l'élue a pris conseil, Me Raphaële Bialkiewicz, a expliqué: "Les faits dont je suis saisie sont très graves. À ce stade, nous analysons le dossier et procédons à la récolte et aux recoupements d'éléments, en vue d'y apporter toutes les suites utiles. Nous avons notamment fait effectuer un constat d'huissier concernant certains éléments".

Elle aurait été "frappée dans le ventre" par Damien Abad 

Selon l'avocate, sa cliente se serait rendue chez Damien Abad un soir, à l'occasion d'une fête organisée à son domicile. Celui-ci aurait alors "offert un verre" à l'élue, mais elle aurait vu "quelque chose" dans le récipient. Inquiète, elle aurait recraché la boisson dans les toilettes, mais Damien Abad l'aurait attendu devant la porte. L'élue se serait alors "débattue" et l'aurait "frappé dans le ventre". Quant au principal intéressé, il a démenti avec ardeur les allégations: "Elles me révoltent et je les réfute catégoriquement".

Damien Abad, accusé de viol par deux autres femmes

Elisabeth Borne pensait avoir réussi un tour de force en intégrant au gouvernement Damien Abad, ex-président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale. Mais l'ancien ministre des Solidarités est au cœur d'un scandale dévoilé par Mediapart le 21 mai, alors qu'il venait d'entrer au gouvernement.

En plus de l'élue centriste susmentionnée, Damien Abad est accusé de viol par deux femmes. La première, une ancienne militante centriste, désormais âgée de 35 ans, l'aurait rencontré en août 2010 à un mariage d'amis. Ils auraient ensuite échangé à plusieurs reprises. S'il était "intéressant professionnellement", elle l'a surtout décrit comme "lourd" et insistant. Quelques semaines après le mariage, ils se seraient retrouvés dans un bar parisien. "Il propose du champagne, j'ai bu une coupe. Et là, black-out, jusqu'au lendemain matin. Ça ne m'était jamais arrivé, surtout pas après un seul verre", a-t-elle raconté.

Damian Abad, accusé de viol : une femme raconte le "choc" et le "dégoût"

Cette matinée, elle se serait réveillée "dans une chambre d'hôtel proche du bar", en sous-vêtements, "en état de choc et de dégoût profond"... avec Damien Abad. "Je me sentais cotonneuse, mon corps était groggy, courbaturé et douloureux, je savais qu'il s'était passé quelque chose de pas normal", a-t-elle expliqué.

Elle s'est ensuite tournée vers l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, créé en février 2022 par des membres du collectif #MeTooPolitique, afin de "témoigner des faits de viol concernant Damien Abad, député LR de l'Ain, pressenti pour rejoindre le gouvernement, et investi par Renaissance dans l'Ain", a-t-elle écrit dans un courrier. L'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique a alors émis un signalement aux partis LREM et LR... qui est resté sans réponse.

La plaignante ne supportait plus de le voir "omniprésent dans les médias"

Quant à la seconde victime présumée, il s'agit de l'ancienne vice-présidente des Jeunes démocrates à Paris, âgée de 22 ans à l'époque, en 2009. Les faits présumés remonteraient à 2011. Elle avait porté plainte en 2012, mais celle-ci a été classée sans suite "du fait de la carence de la plaignante", selon les informations de FranceInfo

Elle avait de nouveau dénoncé les faits présumés en 2017. Sa plainte a également été classée sans suite "faute d'infraction suffisamment caractérisée". "J'ai porté plainte au commissariat un an après les faits, mais je n'ai pas réussi à signer et aller jusqu'au bout. Si j'ai réussi à le faire six ans plus tard, c'est parce que Damien Abad était omniprésent dans les médias et que je ne pouvais plus supporter de le voir, d'en souffrir et que lui ne soit inquiété en rien", a-t-elle expliqué à FranceInfo.

"Pénétration anale", "fellation", "irrespect" et "insistance"

Lors de leur rencontre, Damien Abad présidait les Jeunes Centristes-Nouveau Centre et a fait la connaissance de la jeune femme lors d'une réunion politique. Selon le témoignage de la jeune femme, celui-ci l'aurait alors "draguée" par SMS... jusqu'à lui demander de lui envoyer des photos suggestives. "Allez, j'attends ta photo. Ton visage et ta poitrine réunis", aurait-il écrit.

En janvier 2011, elle aurait eu avec lui une relation sexuelle pleine "d'irrespect, d'injonction et d'insistance" à laquelle elle aurait tenté de mettre un terme avec, entre autres, des "sous-entendus". Puis, elle aurait subi une pénétration anale imposée qu'elle avait pourtant refusée clairement et "à plusieurs reprises". En outre, il lui aurait "réclamé une fellation".

Damien Abad, atteint d'une maladie rare

Entendu par les policiers une première fois en 2012, Damien Abad nie catégoriquement les faits. Il assure que la maladie rare dont il est atteint, l'arthrogrypose (une maladie congénitale caractérisée par une raideur des articulations), l'aurait empêché d'agir de la sorte. "J'ai toujours été discret sur ce handicap, sur les contraintes qu'il m'impose, sur la façon dont il limite mes mouvements et mes gestes du quotidien", assure-t-il alors dans un communiqué, avant d'expliquer qu'un acte sexuel ne pouvait se produire "qu'avec l'assistance et la bienveillance de ma partenaire".

Elisabeth Borne réagit au scandale

Près d'une décennie plus tard, la plaignante est "soulagée" que ces allégations soient désormais mis en lumière. "J'avais tapé à pas mal de portes pour que quelqu'un fasse quelque chose après le classement de la plainte, que j'ai trouvé injuste", a-t-elle déploré à l'AFP.

Quant à Elisabeth Borne, elle promet qu'elle n'était guère au courant de ces accusations avant de nommer Damien Abada ministre des Solidarités. "Je peux vous assurer que s'il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on en tirera toutes les conséquences", avait-elle ajouté.