GREAT FREEDOM : Brève histoire de la pénalisation de l'homosexualité en France

Dans "Great Freedom", le réalisateur Sebastian Meise filme l'injustice vécue par les homosexuels allemands au moment de la Libération. Puisque leur orientation sexuelle était considérée comme une infraction à la loi, des dizaines de milliers d'entre eux ont passé leur vie à faire des allers-retours entre les barreaux. Et en France ?

GREAT FREEDOM : Brève histoire de la pénalisation de l'homosexualité en France
© "Great Freedom" de Sebastian Meise - Paname Distribution

"Un homme qui commet un acte sexuel avec un autre homme est puni de prison." Le paragraphe 175 du Code pénal allemand, décrété en 1871, sert de base à Great Freedom, en salles le 9 février. Dans ce film signé Sebastian Meise, on découvre le sort réservé aux homosexuels dans l'Allemagne d'après-guerre. Traqués, observés par des caméras planquées derrières les miroirs des toilettes publiques, les gays étaient jugés, emprisonnés, souvent torturés au passage, pour le simple fait d'aimer les hommes. Ces persécutions ont continué jusqu'à la fin de l'interdiction totale de l'homosexualité, en 1969. Le fameux paragraphe, lui, est resté dans le Code pénal allemand jusqu'en 1994. Le parcours de Hans Hoffmann, sublime personnage principal de ce drame acclamé par la critique, nous a amené à nous interroger sur la France.

Bûcher et discriminations

L'histoire du pays des Droits de l'Homme avec les droits LGBTQIA+ n'est pas beaucoup plus glorieuse. Dès le VIe siècle, l'homosexualité, considérée comme contraire à la morale, peut mener jusqu'au bûcher. Jusqu'en 1791, le "crime de sodomie" reste une infraction passible de la peine de mort, bien que toléré dans la sphère privée. En 1750, Jean Diot et Bruno Lenoir sont les derniers homosexuels exécutés au nom de leur préférence sexuelle. Avec l'entrée en vigueur du Code pénal, la sodomie (à vrai dire, tout acte sexuel hors procréation) n'est plus interdite par la loi, mais les "outrage public à la pudeur" et "attentat à la pudeur" visent particulièrement les gays. Homosexuels et travestis sont alors fichés dans le "registre des pédérastes". Ce contrôle ne prendra fin qu'en 1981... année où le registre sera détruit et où l'homosexualité cessera d'être considérée comme une maladie mentale.

Entre temps, le régime de Vichy fait reculer un peu plus encore les avancées. En 1942, Pétain met en place une majorité sexuelle spécifique aux personnes de même sexe : 21 ans, contre 13 ans, puis 15 ans dès 1945 pour les hétérosexuels. Comme dans Great Freedom avec le paragraphe 175 allemand, cette loi discriminante ne sera pas abrogée au moment de la Libération. Elle sera modifiée en 1974 pour passer à 18 ans. Ce n'est qu'en 1982, sous François Mitterrand, que cet article sera supprimé, mettant définitivement fin à une distinction de majorité sexuelle pour les homosexuels. 

Egalité des droits ?

Depuis, la loi française fait progresser lentement l'égalité des droits pour les personnes LGBTQIA+. Si le PACS offre une possibilité d'union civile aux gays et lesbiennes depuis 1999, ils et elles sont légalement autorisés à se marier depuis 2013. La loi du "mariage pour tous" rend au passage possible l'adoption pour les partenaires homosexuels mariés, conjointement ou pour l'(es) enfant(s) du partenaire.

Depuis 2021, la PMA est autorisée pour toutes les femmes, dont les couples lesbiens, mais reste interdite pour les hommes transgenres disposant encore d'un appareil génital féminin. La GPA, elle, est toujours illégale sur le territoire français, sans distinguo pour les couples hétérosexuels ou homosexuels.

2022 signe un nouveau pas vers l'égalité des droits pour les hommes gays. Depuis 1983 et l'apparition de l'épidémie du SIDA, ils n'ont pas le même accès que les autres citoyens concernant le don du sang. Totalement mis à l'écart de ce droit jusqu'en 2016, ils devaient répondre d'une abstinence de 6 mois jusqu'en 2020. Aujourd'hui réduit à 4 mois, ce délai sera bientôt totalement supprimé. Entrée en vigueur prévue pour le 16 mars.

Si les nouvelles sont plutôt bonnes, les mouvements réactionnaires et conservateurs menacent sans cesse les avancées sociales. Great Freedom, au cinéma le 9 février, est un très beau moyen de se souvenir que des temps plus sombres ne sont jamais bien loin.