Droit de Retrait : Qui peut l'exercer ? Comment ? Que dit la loi ?

Trois syndicats exhortent les chauffeurs routiers à exercer leur droit de retrait, alors que leurs conditions de travail peuvent être considérées comme dangereuses en crise sanitaire du coronavirus. Mais concrètement, qu'est-ce que le droit de retrait ? Qui peut l'invoquer ? Des sanctions sont-elles envisageables pour l'employé qui a recours à ce procédé ?

Droit de Retrait : Qui peut l'exercer ? Comment ? Que dit la loi ?
© Boris Grdanoski/AP/SIPA

Des conditions de travail dangereuses en pleine pandémie Covid-19 : c'est ce que reprochent une partie des chauffeurs routiers qui continuent à besogner alors que la plupart des Français sont en confinement et bénéficient du chômage partiel ou sont en télétravail. Certains dénoncent l'absence de protection, tels que des gants, masques ou gel hydro-alcoolique. D'autres fustigent la fermeture d'une partie des aires de repos, ainsi que le manque de douches et de moyens de restauration accessibles pour ces employés qui travaillent souvent jour et nuit.
"Nous ne pouvons malheureusement que constater que les conditions de travail des salariés en matière de sécurité sanitaire ne sont pas au rendez-vous", ont déploré les syndicats CFDT, FO et CFTC dans un communiqué. Dès lors, ceux-ci appellent les chauffeurs routiers à exercer leur droit de retrait individuel, dès ce 30 mars.

Au début du mois, alors que le confinement n'avait pas encore été mis en place en France, les employés du Louvre et certains chauffeurs de bus avaient déjà invoqué leur droit de retrait, afin de ne pas être contraints à se rendre sur leur lieu de travail, dans un contexte où le coronavirus faisait déjà rage.

Le 17 mars, pas moins de 200 salariés du site de l'entreprise Amazon, près de Douai (Nord), avaient dénoncé leurs conditions de travail et exercé leur droit de retrait.

Le droit de retrait : qu'est-ce que c'est ?

Définition du droit de retrait. ​​​​​​Théoriquement, la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 permet à tout salarié (du privé comme du public) de "se retirer d'une situation s'il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection".

À titre d'exemples, le Code du travail numérique cite plusieurs cas pour lesquels l'exercice du droit de retrait est légitime : "Un véhicule ou équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité, l'absence d'équipements de protection collective ou individuelle (par exemple face au risque lié à l'amiante ou à une alerte canicule ou grand froid), un processus de fabrication dangereux, un risque d'agression".

Le danger face au coronavirus est-il suffisant pour exercer son droit de retrait ?

Dans le contexte précis de la propagation du coronavirus, un employé peut considérer que ses conditions de travail sont risquées dès lors qu'il constate l'absence de masques de protection, de gants, ou de gel hydro-alcoolique ou encore le non-respect de la distanciation sociale.

Caissiers, livreurs, agents, commerçants essentiels, préparateurs de commandes... peuvent s'interroger. Dans le cas des chauffeurs routiers, Florence Berthelot, déléguée générale de la fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), rappelle par exemple à France Info : "Nous avons élaboré un certain nombre de recommandations mais il faut reconnaître que, parfois, lorsqu'un chauffeur arrive chez les clients pour charger ou décharger, un certain nombre de ces recommandations ne sont pas correctement appliquées, notamment la distanciation sociale".

Comment exercer son droit de retrait ?

Concrètement, un salarié, qui considère que ses conditions de travail sont inhabituellement dangereuses, doit d'abord en alerter son employeur, conformément aux articles L4131-1 et L4131-2 du Code du travail. 

Une fois que ce dernier a été prévenu, de manière orale ou à l'écrit, l'employé n'a pas besoin d'une quelconque autorisation pour exercer son droit de retrait et quitter temporairement son poste, le temps que tout soit mis en œuvre pour écarter le danger supposé.

L'employeur doit s'assurer qu'un salarié qui invoque son droit de retrait puisse être en mesure de le faire en toute sécurité, comme le rappelle l'article L4132-5 du Code du travail. Quant à l'employé, l'exercice de son droit de retrait ne doit pas constituer un danger supplémentaire pour ses collègues

Le salarié qui invoque le droit de retrait risque-t-il des sanctions ?

Dès lors, (uniquement) si le danger est avéré, aucune sanction ni retenue sur le salaire ne peut être effectuée, indique l'article L4131-3 du Code du travail.

Malgré tout, si l'employeur considère que l'invocation du droit de retrait de son salarié est illégitime, il peut avoir recours à une sanction disciplinaire et saisir les Prud'hommes : un juge règlera alors le contentieux en déterminant si le danger pour l'employé est avéré ou non. Si ce n'est pas le cas, le salarié risque un avertissement, une sanction, une retenue de salaire, une mise à pied voire un licenciement.