Immunité collective et laisser-aller : le Royaume-Uni en danger face au coronavirus

Danger - Alors que la plupart des Européens restent cloîtrés chez eux pour se protéger du coronavirus, le Royaume-Uni adopte une stratégie différente. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, pense limiter les dégâts en laissant sa population au contact du Covid-19... Une stratégie très risquée.

Immunité collective et laisser-aller : le Royaume-Uni en danger face au coronavirus
© Claire Doherty/Sipa USA/SIPA

Décidément, le Royaume-Uni ne fait rien comme ses voisins européens. Alors que la France, l'Espagne, l'Italie, la Belgique ou encore l'Autriche exhortent leur population à rester confinée et limite (voire interdit) les rassemblements, le Premier ministre de Grande-Bretagne, Boris Johnson, mise sur une autre stratégie... pour le moins risquée. Au lieu d'instaurer des mesures de confinement, telles que la fermeture des écoles, commerces ou restaurants, pour contrer l'épidémie du coronavirus, le Royaume-Uni parie sur la méthode de "herd immunity" (soit l'immunité collective). Concrètement, il s'agit de laisser la population au contact du Covid-19 afin que celle-ci développe d'elle-même une relative immunité au virus, qui serait alors beaucoup moins dangereux.
Si cette stratégie de "roulette russe" est largement critiquée par les pays voisins, Boris Johnson ne transige pas, au contraire, il affirme s'appuyer sur des données scientifiques. "Il n'est pas possible d'éviter que tout le monde attrape le virus. Et ce n'est pas non plus souhaitable, car il faut que la population acquière une certaine immunité", a détaillé Patrick Vallance, conseiller scientifique du gouvernement britannique, auprès des médias du pays.

Au Royaume-Uni, 60% de la population contaminée ?

Pour que la population développe une immunité, il faudrait que 60% des habitants soient contaminés par le coronavirus. Dès lors, l'épidémie atteindrait un pic en été, le nombre de cas grimperait de manière moins exponentielle que dans les autres pays et seraient davantage répartis dans le temps.

Du même coup, le personnel hospitalier serait relativement moins sollicité. "Ce que nous ne souhaitons pas, c'est arriver à ce que tout le monde l'attrape au même moment et que les services du National Health Service (NHS) soient débordés et ne puissent pas répondre à l'urgence. C'est ce que nous appelons l'aplatissement de la courbe", a précisé Patrick Vallance. En effet, le taux de lits en soins intensifs par habitants est l'un des plus bas d'Europe et pour l'heure, les quatre cinquièmes sont déjà occupés.

L'immunité collective, une stratégie dangereuse

Sur le papier, la stratégie, si en plus elle émane de conseillers scientifiques, ne semble pas tout à fait illogique. Pourtant, le 14 mars, le nombre de décès dans le pays a doublé, montant à 21. Le pallier du millier de personnes contaminées a également été franchi (1140 cas enregistrés contre 798 cas la veille).

Si la méthode du "herd immunity" est toujours appliquée, environ 40 millions de Britanniques seraient contaminés (ce qui équivaut aux 60% de la population prévus pour développer l'immunité).  Des chiffres macabres seraient aussi probablement à relever : plusieurs centaines de milliers de décès parmi les plus fragiles. Sans grande surprise, le plan de Boris Johnson est fustigé par l'OMS (et bien d'autres personnalités de la communauté scientifique), qui a déclaré à la BBC : "On peut parler théorie, mais pour l'instant nous sommes dans une situation où il faut agir. Nous n'en savons pas assez sur ce virus, il n'a pas atteint la population depuis assez longtemps pour savoir quels sont ses effets sur le plan immunologique".

Vers un changement de méthode ?

Face au hourvari de critiques de cette stratégie, le Royaume-Uni pourrait toutefois revoir sa copie et annoncer la mise en place de mesures plus drastiques. D'après plusieurs médias britanniques, le Parlement devrait mettre en place une législation d'urgence en début de semaine et interdire les grands rassemblements, à l'instar de ses voisins européens.

En toute logique, le tournoi de Wimbledon (prévu dès fin juin) ainsi que la course de la Royal Ascot (en juin) devraient être annulés. Les matchs de football ont été suspendus et l'Ecosse a d'ores et déjà interdit les rassemblements de masse. Quant à la reine d'Angleterre, âgée de 93 ans, elle a pris la mesure du sérieux de l'épidémie et a décidé de fuir Buckingham !