Salaire et bouche cousue : quand parler de sa réussite devient tabou...

Si vous vous plaignez de la frilosité des Français lorsqu'ils parlent argent, le comportement des Suédois va vous surprendre ! Aussi ouvert qu'il puisse être, ce paradis nordique est régi par une loi fictive et personnelle qui "interdit" à quiconque de se sentir supérieur ou fier de sa réussite personnelle.

Salaire et bouche cousue : quand parler de sa réussite devient tabou...
© Andriy Popov

Si parler d'argent peut être mal vu en France, chez nos voisins Suédois, c'est pratiquement interdit ! Là-bas, impossible de savoir combien gagne votre interlocuteur, qui s'en tient à le Jantelagen (Loi de Jante en français), loi fictive inventée par l'écrivain dano-norvégien Aksel Sandemose en 1933. Le moins que l'on puisse dire, c'est que beaucoup de Nordiques prennent cet impératif au pied de la lettre puisqu'il s'est importé dans toute la région scandinave, du Danemark à la Finlande, sans oublier les Iles Féroé !
"Il s'agit de ne pas être trop voyant, de ne pas se vanter inutilement, et c'est une façon de garder tout le monde –ou presque– sur un pied d'égalité, pour éliminer les sources de stress dans les groupes", explique Lola Akinmade Åkerström, une écrivaine qui habite Stockholm depuis 10 ans, à la BBC. Elle va même jusqu'à dire que ses compatriotes sont "plus à l'aise à l'idée de parler de sexe" que du contenu de leur compte bancaire.

En Suède, un "mécanisme de contrôle social" muselle la jeunesse

Pour Stéphane Trotter, docteur à l'Université de Glasgow, le Jantelagen est un "mécanisme de contrôle social" qui permet d'éviter que les plus riches se sentent supérieurs aux plus pauvres."Ce n'est pas seulement la richesse qui est pointée du doigt mais plutôt prétendre être mieux que les autres et agir comme si vous étiez supérieurs."  Sorte de jauge où les aiguilles du mérite et de la modestie doivent être à la même échelle, la tradition du Jantelagen commence à s'essouffler."Notre société serait beaucoup plus ouverte si nous pouvions parler d'argent", déplore Nicole Falciani, une influenceuse de 22 ans, pour qui la réussite sociale devrait pouvoir se montrer fièrement sans prétention aucune, et non être censurée. A l'inverse, Robert Ingemarsson, trentenaire, ne semble pas être dérangé par ce code de conduite : "Je ne vais pas vous dire combien je gagne, parce que je ne sais pas pourquoi je devrais le faire", dit-il. 
Récemment, le fondateur de Spotify, Daniel Ek, a créé un tollé après avoir rasé une vieille bâtisse du XIXe siècle afin d'y construire sa villa, comme le relate Le Figaro. Une envie qui, peut-être, tire son origine du modèle américain, où les millionnaires flambent librement leur argent ? Toujours est-il qu'en Scandinavie, être riche et le dire n'est pas bien vu. Stina Dahlgren peut en témoigner. A 28 ans, cette journaliste suédoise, qui a vécu quelques années aux Etats-Unis raconte: "Là-bas, quand tu dis que tu gagnes beaucoup d'argent, les gens te félicitent et disent : 'Tant mieux pour toi, bien joué'. Mais en Suède, si tu racontes que tu as un bon salaire... Les gens te trouveront bizarres. Il ne faut pas demander combien les gens gagnent, ni parler d'argent". Vous êtes prévenus !