#BonnesACéder : femmes à vendre et esclavage moderne sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux, place publique de l'esclavage moderne ? La chaîne "BBC News Arabic" a infiltré un réseau qui vendait des femmes via Instagram et des applications de ventes de biens et services. Les victimes, des employées de maison, y sont revendues par leurs employeurs comme de la marchandise.

#BonnesACéder : femmes à vendre et esclavage moderne sur les réseaux sociaux
©  Dmitry Kalinovsky

Elles sont des centaines, certaines encore mineures, promises à devenir esclave d'une riche maison au Koweit ou ailleurs... Triées par couleur de peau, les photos de ces jeunes femmes pullulent sur les applications connues dans les pays arabes 4Sale et Haraj, mais aussi Instagram - le célèbre réseau social racheté par Facebook-.
Selon une enquête menée par des journalistes de la chaîne BBC News Arabic, un trafic d'esclaves, vendus jusqu'à 3 300 dollars voire plus, se serait mis en place sur des applications mobiles via le hashtag #MaidsforTransfer (Bonnes à céder). Alerté par ce marché noir, Facebook a affirmé avoir supprimé ce hashtag, tandis que Google dit travailler avec les développeurs d'applications pour éviter ce genre de débordement. 

"Travailleur africain propre et souriant" : un marché noir d'"employées de maison" démantelé

Sur la Toile, les négociations se font par messages privés et, d'après les vendeurs contactés par les journalistes enquêteurs, ces jeunes filles, originaire de pays très pauvres comme la Guinée, sont toujours souriantes, travaillent d'arrache-pied et peuvent se voir confisquer leur passeport et être enfermées à la maison sans broncher... L'un d'eux, un policier koweïtien, qui souhaite vendre sa domestique au plus offrant, aurait déclaré à nos confrères de la BBC News Arabic: "Croyez-moi, elle est très gentille, elle sourit et très gaie. Même si elle travaille jusqu'à 5 heures du matin, elle ne se plaindra pas"
Les propos racistes et sévices ne sont jamais éludés durant les échanges. "Son passeport, tu ne le lui donnes pas. Tu es son tuteur, pourquoi tu le lui donnerais ?", aurait conseillé ce même vendeur à l'équipe qui s'est fait passer pour des personnes intéressées. Avant d'ajouter : "Vous pouvez trouver quelqu'un qui achète une domestique à 2 000 dollars et la revendre à 3 300 dollars". 
A mesure qu'ils avancent dans leurs recherches, les journalistes tombent sur des annonces effrayantes et peuvent lire des choses comme : "Travailleur africain propre et souriant", "Népalaise qui ose demandé un jour de congé"...  

Les pays du Golfe dans la ligne de mire

Dans les pays du Golfe, les propriétaires doivent passer par des agences qui monnaient leurs services pour trouver des employées de maison. Ces dernières sont alors enregistrées et protégées par ces organismes. Il existe également le système d'adoption musulmane (kafala) qui donne tous les droits aux tuteurs légaux, qui sont souvent les employeurs. Dans ce cas de figure, le travailleur domestique ne peut ni changer de métier, ni quitter le foyer ou le pays sans l'accord de son tuteur légal. 

Ce sont ces personnes qui vendent leurs domestiques sur Internet en marchandant leur droit sur eux. Malgré une loi passée en 2015 au Koweït pour protéger les employés domestiques, les abus continuent et s'étendent aux pays les plus riches du Golfe. "Ici, nous avons un enfant qui est vendu comme un meuble. Ce qu'ils font, c'est promouvoir un marché aux esclaves en ligne", a indiqué Urmila Bhoola, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les formes contemporaines d'esclavage. "Si Google, Apple, Facebook ou toute autre société héberge des applications comme celles-ci, elles doivent être tenues pour responsables".

 L'esclavage moderne aurait fait 40 millions de victimes dans le monde entier, en 2016, dont 71% de femmes d'après Global Slavery Index.