Réseaux sociaux et proxénitisme 2.0 : les dessous affolants de la prostitution en ligne

Fléau inquiétant, la prostitution numérique forcée dépasserait aujourd'hui la prostitution de rue d'après un rapport publié par la Fondation Scelles. Attention, il ne s'agit pas là de travail sexuel choisi, mais de trafic sexuel sur le Web. Etat des lieux.

Réseaux sociaux et proxénitisme 2.0 : les dessous affolants de la prostitution en ligne
© Josep M Suria/123rf

Whatsapp, Instagram, Facebook, Snapchat, Twitter... Autant de réseaux sociaux fréquemment utilisés par une majorité de la population mondiale. Mais derrière les échanges, les photos et les likes se cachent des fonds de commerce bien plus sombres. Parmi eux, la prostitution numérique. La Fondation Scelles, qui oeuvre pour la disparition de la prostitution, a publié une étude à propos de l'essor du trafic sexuel en ligne. Avec plus de 500 pages et 35 pays passés à la loupe, le rapport intitulé "Système prostitutionnel: nouveaux défis, nouvelles réponses", confirme toute l'ampleur alarmante d'une exploitation sexuelle 2.0.
Les 548 pages du document révèlent que "l'exploitation sur Internet apparaît comme un fléau en pleine expansion" et que la plupart des applications auraient déjà été "détournées de leur destination à des fins de prostitution". L'exploitation sexuelle numérique a pris une telle ampleur, qu'elle dépasse aujourd'hui la prostitution forcée de rue. En France, elle représenterait même "deux tiers de la prostitution", toujours d'après la Fondation. Cette dernière a également cité une note du Ministère de l'Intérieur rédigée en 2018, indiquant que pour la première fois en 2017, "le pourcentage de victimes identifiées exerçant sur la voie publique était inférieur à celui des victimes exerçant logée via des appartements ou hôtels."

Proxénétisme numérique : "tous les pays sont touchés"

"Tous les pays sont touchés, quelle que doit la législation, restrictive en Chine ou permissive en Allemagne", a souligné  Yves Charpenel, le président de la Fondation Scelles, à l'AFP. Pour constituer le rapport, 35 pays ont été scrutés au peigne fin. On y apprend l'interpellation d'un proxénète russe en 2016 alors qu'il dirigeait un réseau de prostitution au Liban et dans tout le Moyen-Orient via l'application Whatsapp. L'étude a aussi constaté que Tinder était devenu le premier moyen de prostitution en Israël. En Zambie, les cyber-cafés seraient notamment utilisés pour mettre en relation les prostituées et les clients. Et en France aussi, le phénomène se serait installé. Des jeunes filles devenues dépendantes à la drogue seraient repérées sur Snapchat ou Instagram, avant d'être prostituées dans des appartements transformés en "bordels éphémères", loués sur la plateforme Airbnb.

Le numérique au service de l'anonymat

Si le virtuel est devenu un immense terrain de jeu pour les proxénètes, c'est aussi parce qu'ils passent facilement entre les mailles du filet. Yves Charpenel justifie : "Le numérique facilite la dissimulation, l'anonymat et la discrétion qui permettent de développer des activités illicites". Le niveau"industriel et sans risque" de l'exploitation en ligne permet d'éviter tous risques personnels en se tenant à distance. "Depuis un même ordinateur, un réseau criminel peut repérer ses futurs 'produits', faire venir les clients, puis blanchir l'argent du trafic" résume le magistrat.