Laura Badler, transgenre, amoureuse, nous raconte son parcours de femme

Bien dans sa peau, Laura s'est toujours sentie féminine, même si la société ne la considérait pas comme telle. Rencontre avec une jeune femme qui a entrepris une transition pour être enfin elle-même face aux autres !

Laura Badler, transgenre, amoureuse, nous raconte son parcours de femme
© Laura Badler

"Les transgenres sont malheureux", "ils sont nés dans le mauvais corps", "ils se cherchent", "ils passent forcément par la case opération " : autant d'idées reçues autour de la transidentité contre lesquelles se bat Laura depuis qu'elle a entrepris sa transition et créé sa chaine YouTube.
Car si pour la plupart des personnes, il n'existe que deux genres préétablis liés au sexe biologique, certaines ne s'identifient pas avec le genre assigné à la naissance. Les personnes nées homme qui veulent devenir femme sont qualifiées de MtF, Male to Female et les femmes nées homme de FtM, Female to Male. C'est le cas de Laura, une jolie jeune femme aux longs cheveux et au maquillage soigné anciennement garçon qui s'est toujours sentie fille puis femme.

" Depuis que je suis enfant, je me suis toujours sentie différente "

"Depuis que je suis enfant, je me suis toujours senti différent. Je me considérais comme une fille mais j'étais trop jeune pour comprendre que j'étais transgenre. En grandissant, je me suis dit que j'étais homosexuel, tout comme mes parents d'ailleurs. Je n'avais pas les outils pour comprendre qui j'étais au regard de la société et eux encore moins. C'était déjà compliqué pour eux de me considérer comme homosexuel, alors transgenre ! Ils n'étaient pas prêts et moi non plus d'ailleurs, même si aujourd'hui ils me considèrent comme une femme ", raconte celle qui était à l'époque Thomas (NDLR : Laura ne souhaitant pas dévoiler son ancien prénom pour des raisons évoquées plus bas il a été modifié).
Se sentant profondément femme, Thomas, qui grandit à Angoulême. entre dans l'adolescence comme il le peut, mais son corps commence à changer et il a de plus en plus de difficultés à nier qui il est vraiment. C'est, contre toute attente, un ami qui va l'aider à oser s'assumer et à passer le cap. "Dans mon collège, j'avais un ami qui a fait sa transition de fille à garçon et qui est donc désormais un homme trans. Je l'ai regardé opérer sa mue du coin de l'œil et deux ans après le début de sa transition qui était alors bien avancée, je lui ai dit : 'Moi aussi je suis trans. Je t'ai regardé faire et j'ai moi aussi envie de me lancer'". Il lui faudra attendre encore quelques années pour enfin se décider. Thomas a alors 20 ans et il est mal dans sa peau. Gêné par ses 20 kilos en trop, il fuit les contacts et s'isole de plus en plus : "Je supportais difficilement les regards des autres car je savais que j'étais perçu comme un homme, ce que je ne suis pas. Je gérais difficilement les interactions sociales, j'étais renfermé sur moi-même et je ne voulais pas sortir. J'étais d'autant plus mal que j'avais pris du poids. Quand on ne s'aime pas, on ne peut pas aimer les autres ".

Un jour, un déclic se produit : le jeune homme décide, en 2014, de tout quitter pour s'installer 3 mois au Canada, seul. "Quand je suis rentré en France, j'ai d'abord perdu du poids. Puis, j'ai entrepris les démarches pour devenir une femme et faire ma transition. Je me suis dit : si tu rentres en France c'est pour montrer aux autres qui tu es vraiment ! C'était alors une question de survie, une nécessité. J'ai réalisé que je n'avais qu'une vie et que je voulais mourir sans avoir de regrets ".
En août 2015, Thomas fait son coming-out en faisant preuve d'un grande force de caractère  : "Mes parents vivant loin de moi j'ai débuté ma transition sans eux. Ils ont juste dû faire avec  ! "

Thomas se rend compte que sur Internet, il y a très peu d'informations en français sur la transidentité  et décide alors de lancer sa chaîne YouTube pour apporter son témoignage jour après jour concernant la transition, et surtout aider les autres personnes dans le même cas. 
"J'ai réalisé que de nombreuses personnes me suivaient, que beaucoup étaient en souffrance et s'étaient lancées grâce à mon histoireEn France il existe un organisme qui s'appelle la SoFECT (Société française d'études et de prise en charge de la transidentité, composé de spécialistes du transgenrisme (médecins, psychologues, endocrinologues) mais ils sont pour moi très toxiques et malhonnêtes. La SoFECT impose 3 ans de suivi psychiatrique, des tests, des questionnaires intrusifs, incite à porter des vêtements de femme sans être hormoné et oblige à mettre sa vie entre les mains de spécialistes que nous n'avons pas choisis. J'ai réalisé une vidéo à ce sujet.

© Laura Badler

"Je sais pourquoi vous êtes là, car je vois une femme en face de moi"

Constatant qu'il n'y avait, selon lui, pas d'organisme digne de confiance qui prenait en charge les personnes transgenres, Thomas décide alors de se lancer dans un parcours privé. Il commence par consulter un psychiatre, non pas parce qu'il a besoin d'être accompagné psychologiquement mais parce qu'il sait que cette démarche facilitera l'accord du médecin endocrinologue.
"Quand je suis entrée dans la pièce et que je me suis assise, immédiatement la psychiatre m'a dit : 'Je sais pourquoi vous êtes là car je vois une femme en face de moi '". Soutenu par cette psychiatre, Thomas rencontre encore un endocrinologue et 3 mois après son coming-out, il commence l'hormonothérapie.

"J'ai eu la chance de rencontrer de bons praticiens. Ce n'est pas toujours le cas. C'est la raison pour laquelle j'ai créé un groupe sur Facebook où les personnes s'entraident afin de rencontrer des spécialistes dignes de ce nom ".

Les premiers mois de la transition sont compliqués physiquement pour Thomas qui est devenue Laura, en raison des changements hormonaux. "On pleure, on a des sautes d'humeur et on peut devenir très acariâtre mais c'est le corps qui doit s'habituer. Il faut s'accrocher ! ". Laura attend 2 ans pour subir une mammoplastie : l'hormonothérapie provoque certes un développement mammaire, mais il n'est pas suffisant pour la jeune femme qui décide d'avoir recours à l'opération.

Cependant, Laura a décidé qu'elle n'irait pas plus loin. "La transition d'une personne se termine quand elle se sent bien. Au début, j'étais persuadée que je devais tout faire et me faire opérer pour changer de sexe mais je me suis rendue compte que je n'avais pas besoin de cela pour être une femme. Il s'agit d'une modification corporelle et les hormones me suffisent. D'autres personnes peuvent d'ailleurs faire des transitions sans hormones : c'est très personnel. J'ai préféré pour ma part prendre des hormones car c'est plus facile socialement, mais je n'avais pas de souci au niveau de mon sexe. Si j'ai fait une mammoplastie, ce n'est pas pour me sentir plus féminine mais pour me sentir plus femme au regard de la société", ajoute Laura qui précise que ses amis ont toujours été présents et très compréhensifs :  "Ils ont très bien pris l'annonce de ma transition mais cela n'a pas été une surprise. Pour eux c'était évident que j'avais toujours été une femme".

"Je ne suis pas née dans le mauvais corps car mon corps est celui d'une femme"

© Laura Badler

En 2016, Laura décide de témoigner dans l'émission Zone Interdite pour partager son expérience avec les autres et montrer une image moins victimisante. "Les trans sont souvent considérés comme des personnes très malheureuses, nées dans le mauvais corps. Mais cela ne veut rien dire ! c'est la société qui nous renvoie à l'idée que nous sommes nés dans le mauvais corps. Je ne suis pas née dans le mauvais corps, car mon corps est celui d'une femme", s'insurge Laura qui rappelle que la transidentité est également souvent associée aux souffrances infligées aux proches.

La jeune femme regrette aussi que le grand public fasse ce qu'elle appelle "une fixation" sur les parties génitales. "Les personnes cisgenres (celles qui se sentent en accord avec leur sexe de naissance) se sentent souvent légitimes de nous demander si nous avons été opérés alors que nous sommes des êtres humains. Quand on est trans, on est souvent considéré comme une bête curieuse mais je suis une femme comme les autres.  Ma transidentité ne m'as jamais empêchée de trouver des partenaires suffisamment intelligents pour m'accepter et m'aimer pour ce que je suis. Je suis une femme trans, c'est à dire, un être humain avec un cœur et des sentiments comme n'importe quel autre."

Autres erreurs communément faites avec les transgenres : poser des questions concernant l'ancien prénom, celui qui est qualifié de dead name. "Je ne comprends pas pourquoi on me demande quel était mon ancien prénom. Poser cette question, c'est détruire l'identité de la personne. Portant bien son nom, le dead name est viscéral car cela nous renvoie à ce que l'on n'est pas. On a dû porter ce prénom sans le vouloir et c'est un retour en arrière"", explique Laura, qui a choisi son joli prénom car elle aimait la série Twin Peaks.

Aujourd'hui Laura se bat donc pour que les transgenres soient respectés et acceptés tels qu'ils sont. "Les parents des jeunes transgenres ne doivent pas leur dire que c'est une passade. Les personnes transgenres ne se cherchent pas : si elles le disent c'est qu'elles le sont. Remettre en question la transidentité est une erreur, même si l'on doute. On n'invente pas qu'on est trans. La transidentité est un vécu : on peut difficilement en parler quand on n'est pas concerné et si on ne le vit pas ", reconnaît Laura qui conseille aux plus jeunes d'attendre d'être en sécurité et donc indépendants et majeurs pour oser affirmer leur transidentité. Si son parcours n'a pas toujours été simple, Laura se dit aujourd'hui pleinement épanouie, entourée d'amis, bien dans sa peau,  amoureuse d'un homme. Et heureuse… ou presque ! "Au niveau de l'état civil, j'ai déjà fait changer mon prénom et j'ai déposé mon dossier il y a deux semaines pour changer la mention de genre. Quand je l'aurai obtenu, ce sera la fin de ma transition", conclut Laura.