Les Tunisiennes peuvent épouser qui elles veulent

Jusqu'à présent, les Tunisiennes de confession musulmane ne pouvaient pas se marier avec un homme d'une autre religion. Une avancée qui pourrait ouvrir la voie à d'autres progrès.

Les Tunisiennes peuvent épouser qui elles veulent

Les Tunisiennes pourront enfin choisir librement leur conjoint. À la demande du président Béji Caïd Essebsi, une circulaire datant de 1973 qui obligeait les femmes musulmanes à se marier avec un homme de la même confession a été abolie. Elle soulignait la "sauvegarde de l'originalité islamique de la famille tunisienne".

Le 13 août 2017, à l'occasion du jour de la femme en Tunisie, le président a martelé que le pays se dirigeait vers "l'égalité dans tous les domaines". Jusqu'à présent, si elles souhaitaient que leur mariage soit reconnu, les Tunisiennes dont le futur époux était non-musulman, devaient fournir un certificat de conversion à l'islam. Quant aux mariages célébrés à l'étranger avec un non-musulman, ils n'étaient pas reconnus dans le pays. En revanche, un Tunisien était libre d'épouser une femme non-musulmane.

Une décision qui fait débat 

"Félicitations aux femmes de Tunisie pour la consécration du droit à la liberté de choisir son conjoint", a déclaré Saïda Garrach, porte-parole de la présidence de la République. Dans le pays, les associations féministes crient victoire. Au printemps dernier, une soixantaine d'entre elles avaient signé l'appel à rendre la circulaire de 1973 caduque. "Cette pratique, dictée par une circulaire contraire à la Constitution, en l'occurrence la liberté de conscience et l'égalité entre l'homme et la femme et aux lois tunisiennes, est une aberration", s'indignait Yasmina Thabet, présidente de l'Association Tunisienne de Soutien aux minorités.

Acclamée par les uns, fustigée par les autres, l'annulation de cette circulaire est loin de faire l'unanimité. Les détracteurs considèrent que l'initiative émanant du président tunisien répond à une stratégie électorale qui consiste à ratisser plus large en tentant de séduire un électorat plus moderne et moins religieux.

Vers d'autres avancées

Quoiqu'il en soit, cette initiative constitue une avancée non négligeable. La suite logique serait d'assurer l'égalité hommes-femmes en matière d'héritage. Selon la législation en vigueur, une Tunisienne hérite de la moitié de la part d'un homme. Un sujet qui tiraille la société davantage que celui du mariage. "L'égalité, je suis d'accord, mais pas dans l'héritage. Nous sommes un pays musulman, c'est le Coran qui dit ça, on ne peut pas le changer", argue Sihem Weslati, assistante médicale dans la banlieue de Tunis, à Libération.
Béji Caïd Essebsi veut donner une image de chef d'Etat progressiste et audacieux, mais l'est-il assez pour affronter le débat houleux de l'égalité successorale ?