Avortement en campagne (électorale) : on passe au crible les positions des candidats à la Présidentielle sur l'IVG
On connaît désormais le nom des 11 candidats susceptibles de devenir président de la République le 6 mai. Histoire de vous aider à y voir plus clair dans leurs programmes, Le Journal des Femmes vous propose de les décortiquer, thème par thème. On commence avec l'avortement.
Consacré par la loi Veil en 1975, l'avortement revient régulièrement dans le débat public, que ce soit par la voix de ses opposants ou à travers les déclarations de responsables politiques. Si certains des candidats à l'élection présidentielle ont émis des réserves à son encontre, à l'image de François Fillon, aucun n'a jamais envisagé de le remettre en cause. Revenons sur ce que proposent Nathalie Arthaud, François Asselineau, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, François Fillon, Benoît Hamon, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou en matière d'IVG ainsi que sur leurs précédentes prises de position sur le sujet.
- Son programme : La candidate de Lutte Ouvrière précise sur son site qu'"aujourd'hui encore, la lutte doit se poursuivre contre ceux qui régulièrement tentent de remettre en cause le droit à l'avortement". Nathalie Arthaud ne donne pas plus de précision et ne s'est jamais véritablement exprimée sur le sujet par le passé.
- Le candidat de l'Union Populaire Républicaine (UPR) ne mentionne nulle part l'avortement dans son programme. Il ne s'est pas non plus exprimé sur ce thème au cours de sa carrière politique.
- Son programme : Pour sa candidature 2017, le président du parti Solidarité et Progrès a visiblement repris les propositions relatives à l'IVG que contenait son programme de 2012, lors de sa précédente candidature. Il entend "rendre les conditions de l'IVG plus humaines" et "assurer qu'elle se fasse dans les meilleures conditions possibles" grâce à un réel accueil et une vraie prise en charge des femmes enceintes. Il préconise pour cela 2 mesures : proposer des conseils pré-IVG dans tous les cas; généraliser la possibilité d'un entretien post-IVG, actuellement obligatoire uniquement pour les mineurs.
- Son programme : Le candidat de Debout la France veut "infléchir la politique de santé publique afin que l'offre de soins spécifiques aux femmes, dont l'accès à l'IVG, soit correctement assurée". Il veut également améliorer l'information des jeunes en matière d'avortement. Nicolas Dupont-Aignan s'est longuement exprimé dans le magazine Famille Chrétienne, en janvier 2017. Il a déclaré que l'avortement était "un droit élémentaire de la femme" et qu'il ne serait pas remis en cause, mais que, "dans une société de libertés", les opposants à ce droit avaient "le droit d'exprimer leur position" : "L'interdiction de l'avortement non plus ne marche pas, à part créer des drames sanitaires chez les femmes en souffrance. Je veux simplement que l'on respecte l'esprit d'équilibre et d'humanité de la Loi Veil."
- Ses prises de position antérieures : Dans un entretien avec le site Doctissimo, en 2012, Nicolas Dupont-Aignan insistait déjà sur l'importance de la prévention : "Le vrai débat, le vrai enjeu, c'est la contraception. Il faut agir en amont. Il est primordial d'intensifier nos efforts sur l'éducation, la prévention, auprès des jeunes et dans les établissements scolaires." Le candidat était toutefois absent lors du vote de la loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG à l'Assemblée nationale le 26 janvier 2017.
- Son programme : Aucune mention n'est faite à l'IVG ou à l'avortement dans le programme de François Fillon, mais le candidat Les Républicains s'est dit lors d'un meeting en octobre 2016, "à titre personnel" opposé à l'avortement. S'il assure qu'il ne reviendra jamais sur ce droit, il a déclaré au magazine Famille Chrétienne, en kiosques le 23 mars, qu'il voulait abroger la loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG. "Le texte ne me convient pas. Il existe déjà des lois pour réprimer les propos ou les actes contraires à la liberté. J'étais contre l'instauration du délit d'entrave numérique et je constate que la décision du Conseil constitutionnel conforte mon idée qu'il faut prendre garde à la liberté d'expression. Il est en effet paradoxal de brader une liberté au nom d'une autre liberté".
- Ses prises de position antérieures : Dans son livre-programme Faire, paru en septembre 2015, François Fillon affirmait que l'avortement était "un droit fondamental". Il est revenu sur cette affirmation à deux reprises, en juin 2016, lors d'un meeting dans les Yvelines, et en octobre 2016, sur le plateau de L'Emission Politique, sur France 2 : "Je voulais dire que l'avortement, personne ne reviendrait dessus. Mais philosophiquement et compte tenu de ma foi, je ne peux l'approuver." L'ancien Premier ministre était par ailleurs absent lors du vote sur le délit d'entrave numérique à l'IVG à l'Assemblée nationale le 26 janvier et, au cours de sa carrière politique, s'est régulièrement opposé à toute avancée en matière d'avortement : en 1982, alors jeune député RPR de la Sarthe, il a voté contre la loi Roudy proposant le remboursement de l'IVG par l'Assurance maladie; en 1993, il a voté contre le projet de loi sur la création du délit d'entrave à l'IVG; en 2001, il a voté contre le projet de loi allongeant de 2 semaines le délai légal pour avorter; et en janvier 2016, il a voté contre la loi supprimant le délai de réflexion entre le premier rendez-vous et la réalisation de l'avortement. Une opposition constante, qui tranche avec son vote de novembre 2014, où il s'est prononcé en faveur d'une résolution affirment le droit fondamental à l'IVG en France et en Europe.
- Son programme : L'ancien ministre de l'Education nationale et candidat socialiste à la présidence de la République est favorable à une augmentation du nombre de centres de planification familiale et de structures pratiquant des IVG.
- Ses prises de positions antérieures : En septembre 2016, Benoît Hamon assurait sur Twitter vouloir "faire de l'IVG un droit pour toutes les européennes ". Une position réaffirmée un mois plus tard dans une interview au magazine Causette. Il était pourtant absent lors du vote sur le délit d'entrave numérique à l'IVG le 26 janvier 2017.
- Son programme : Le candidat du parti Résistons ! ne prévoit rien pour l'avortement dans son projet présidentiel.
- Ses prises de positions antérieures : Il était absent lors du vote sur le délit d'entrave numérique à l'IVG à l'Assemblée nationale le 26 janvier 2017.
Marine Le Pen :
La présidente du Front national n'a jamais été contre le droit à l'avortement, mais estime qu'il faut en réduire le nombre et lutter contre ses dérives.
- Son programme : Marine Le Pen ne mentionne jamais l'IVG dans son programme. Elle s'est en revanche clairement exprimée contre le délit d'entrave numérique dans un entretien accordé en mars à Famille Chrétienne : "Le gouvernement a créé les conditions d'un effondrement de la liberté d'expression. Il ne peut pas décider des sujets dont on a le droit de parler, et de ne pas parler. On a le droit d'être contre l'accès à l'IVG, et de le dire." Contrairement à François Fillon, elle n'a pas précisé si elle abrogerait le texte si elle était élue à la tête de l'Etat.
- Ses prises de positions antérieures : En 2006, dans son livre A Contre Flots, Marine Le Pen réclamait que les femmes aient le choix et "la possibilité éventuelle de refuser l'avortement en leur accordant les moyens d'assurer à leur enfant un avenir correct". Lors de la précédente campagne présidentielle, en 2012, Marine Le Pen parlait de l'avortement en utilisant l'expression "IVG de confort", preuve d'un mépris certain pour les femmes qui y avaient recours. Après la polémique déclenchée par sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, qui avait émis l'idée de supprimer les subventions des plannings familiaux, elle déclarait dans Le Monde qu'il n'y aurait "aucune modification, ni du périmètre, ni de l'accès, ni du remboursement de l'IVG". Lors d'un forum organisé par le magazine ELLE à Sciences-Po en avril 2012, la candidate frontiste avait pourtant fustigé "les femmes qui avortent deux, trois, quatre fois" et qui feraient de l'IVG une sorte de "moyen de contraception". "Oui au droit à l'avortement, non à celles qui en abusent", avait-elle conclu.
- Son programme : le candidat d'En Marche ! est favorable à l'IVG, même s'il n'a pas inclus de mesure spécifique dans son projet. Dans une interview accordée au magazine ELLE, mi-mars, il se disait inquiet que ce droit soit à nouveau attaqué : "Il ne faut pas banaliser l'IVG – y recourir n'est jamais anodin –, mais, pour que ce soit un droit réel, il faut en faciliter l'accès tout en assurant l'encadrement psychologique et le suivi. La solution n'est pas de contraindre les hôpitaux, déjà dans une grande difficulté organisationnelle ou financière. Plutôt que d'imposer une contrainte supplémentaire, je suis pour une politique d'incitation. [...] Cependant, l'IVG ne se réduit pas un acte médical, il suppose un accompagnement dans la durée. C'est pourquoi l'accent, et les moyens, doivent être mis sur le planning familial."
- Son programme : le candidat de La France Insoumise se pose en fervent garant du droit à l'avortement qu'il veut inscrire dans la Constitution, afin qu'il soit définitivement protégé. "Il est temps d'inscrire à la Constitution le droit à l'avortement car le corps de chaque femme lui appartient absolument et exclusivement", a-t-il déclaré le 15 mars sur Europe 1. Avant d'ajouter qu'il s'agissait d'un "droit inaliénable".
- Ses prises de positions antérieures : Le 6 octobre 2016, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon a évoqué la Pologne qui souhaite interdire l'avortement. Selon lui, "refuser l'avortement légal, c'est augmenter le nombre d'avortements clandestins et des mortes qui vont avec". Il conclu sur une note plus nuancée : "Militer pour le droit à l'avortement ce n'est pas militer pour l'avortement, mais renvoyer chaque personne à sa propre et libre appréciation personnelle dans les circonstances qui conduisent à se poser la question."
- Son programme : le candidat du NPA est favorable à un libre accès à l'avortement et à la contraception; propose l'ouverture de centres IVG et de maternités sur tout le territoire; l'allongement du délai légal pour avorter de 12 à 24 semaines; et la suppression de la clause de conscience pour l'IVG, clause selon laquelle, dans le code de la santé publique, "un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse".