Cécile de Ménibus, face au suicide de sa soeur, victime d'inceste

Dans le roman Je voudrais tout prendre d'elle, Cécile de Ménibus raconte le voyage de Catherine et de Constance qui vont se retrouver après le suicide de Sylvie, leur fille et soeur. Une histoire qui n'est pas sans rappeler les drames connus par sa mère qui a perdu deux enfants et sa soeur qui a mis fin à ses jours. Nous avons rencontré l'animatrice qui se dévoile dans ce roman avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.

Cécile de Ménibus, face au suicide de sa soeur, victime d'inceste
© Benjamin Decoin/Starface

"Ma sœur s'est suicidée il y a cinq ans après avoir été abusée sexuellement par un membre de ma famille", vient de révéler sur Twitter Cécile de Ménibus. Et l'animatrice de Sud Radio d'inviter à lire son livre.
Dans le roman Je voudrais tout prendre d'elle (Ed. Charleston), Cécile De Ménibus raconte la quête d'une mère et de sa fille qui entreprennent un voyage libérateur à travers la France après la mort de Sylvie, leur fille et leur sœur. En filigrane, on devine la véritable histoire de l'animatrice qui a co-animé La Méthode Cauet entre 2003 et 2008 et qui anime aujourd'hui Le Grand Matin sur Sud Radio. L'histoire de sa mère qui porte le même prénom que l'héroïne de son roman mais aussi de sa sœur Sylvie qui a disparu il y a 5 ans. Nous avons rencontré l'animatrice qui évoque avec beaucoup de justesse et d'émotion les drames rencontrés par les femmes de sa famille.

Qui est Catherine l'une des héroïnes de votre roman ?
Cécile de Ménibus
: Catherine est une jeune fille qui quitte sa famille à 17 ans. C'est courageux et en même temps complètement irrationnel. Quand elle décide de partir, elle ne connait rien du monde extérieur. Elle a reçu un enseignement à la maison et n'a pas d'amis. Elle vit donc un véritable confinement. Mais Catherine se rend vite compte que le monde est hostile quand on n'a aucune expérience de la vie.

Pourquoi revient-elle dans le giron familial ?
Cécile de Ménibus
: Catherine a quitté sa famille comme une guerrière en se disant qu'elle allait se débrouiller toute seule et revient chez ses parents car elle est enceinte et n'a pas d'autre choix. Elle espère que sa famille passera l'éponge mais pas du tout. La famille doit être le refuge et il est donc extrêmement difficile de se faire rejeter par les siens. Etrangement, Catherine se demande toujours si elle a commis une erreur alors ce n'est pas le cas. Découvrir le monde et tomber amoureuse à une époque ou la contraception est difficile d'accès n'est pas un crime. Les seuls responsables sont les parents qui doivent l'être dans les bons et les mauvais moments...

"Sylvie a été tuée à petits feux et régulièrement"

Qui est sa fille Constance ?
Cécile de Ménibus
: Constance est une observatrice. Dès que cela ne va pas, elle se place au milieu du champ de guerre pour apaiser la situation et les gens. C'est le réceptacle des problèmes familiaux. Elle s'est forgée une carapace en se disant que rien ne pouvait l'atteindre. Elle utilise la déconne, la joie, la bonne humeur pour détourner l'attention. Toute sa vie, elle va détourner les choses.

Sylvie le troisième personnage de ce roman a été victime d'une agression sexuelle de la part de son oncle et a mis fin à ses jours. Est-elle une victime ?
Cécile de Ménibus
: C'est une personne sensible et fragile. Elle n'a pas le sens du combat de sa mère et n'a pas eu la volonté de mettre un terme au mal provoquée par son oncle et son père. Sylvie a été tuée à petits feux et régulièrement. Elle a vécu le viol, le mépris et l'abandon. Elle s'est toujours tournée vers le passé en pensant que tout était de sa faute. Cela fait d'elle une incomprise qui a fini par développer un profond mal être. Sylvie a gardé des choses pour elle car elle ne pouvait pas les verbaliser et est devenue une double victime. Elle en est morte.

Dans ce roman, on lit l'histoire de votre famille et de votre mère qui a eu une vie comme Catherine jalonnée de drames...
Cécile de Ménibus
: Pendant des années, maman m'a dit qu'elle aurait bien aimé écrire ce qu'elle avait vécu mais qu'elle n'était pas sûre d'entre être capable sans se mentir. Je me suis dit qu'il fallait que je l'écrive pour elle afin qu'elle arrive à verbaliser ses drames. J'ai choisi de le faire dans un roman afin que l'histoire reste légère.

Comment a-t-elle réagi quand vous lui avez envoyé les épreuves ?
Cécile de Ménibus
: Je l'ai appelé et je lui ai dit : "Je te préviens tu vas beaucoup pleurer." Moi même j'ai beaucoup pleuré en écrivant ce roman. J'ai demandé à une journaliste d'accoucher maman et j'ai appris des choses que je ne savais pas. Cela a été très difficile pour ma mère de les lire mais en même temps cela l'a un peu libéré de se sentir entourée et de ne pas tout garder pour elle.

"Ma soeur était une belle âme qui plongeait dans la tristesse"

Vous avez perdu votre sœur ainée il y a 5 ans qui souffrait d'une profonde dépression. Comment viviez vous sa maladie ?
Cécile de Ménibus
: Je lui avais choisi un appartement collé au mien et je la surveillais comme le lait sur le feu car elle était en pleine dépression et vivait dans le noir. La seule chose qui la sortait de sa dépression était de prendre soin des autres. Parfois j'allais la voir en lui disant que j'avais des problèmes juste pour lui permettre de me donner des conseils. Dans la rue, elle pouvait donner 50 euros alors qu'elle n'avait pas beaucoup d'argent. C'était une belle âme. Je la voyais plonger dans la tristesse et je n'arrivais pas à l'en sortir. Plusieurs fois elle a fait des séjours dans des cliniques et je prévenais les membres de l'équipe soignante qu'il ne fallait pas la laisser sortir sans quoi elle allait commettre l'irréparable. Un jour je leur ai dit que je leur interdisais de la laisser partir mais ils m'ont raccroché au nez et ont signé son bon de sortie : 3 mois après elle mettait fin à ses jours.

Aux origines de son mal être, il y a cette agression de la part de votre oncle qu'elle n'a révélée qu'à la mort de son agresseur. Personne n'était au courant au sein de votre famille ?
Cécile de Ménibus
: Elle a gardé ce secret pendant 35 ans et donc quasiment toute sa vie. Nous ne ne comprenions pas les causes de son mal être qui a été amplifiée par le départ de notre père qui nous a abandonné. Cette agression a bouleversé le rôle de l'homme dans sa vie. Toutes ses relations avec les hommes ont été galvaudées et bafouées. Le regard des gens qui pensaient qu'elle sur réagissait a été difficile à porter. Elle a refusé de venir à de réunions de famille et un jour elle a tout avoué à notre mère

"Je me suis dit : "c'est fini"

Vous dites que vous avez eu un pressentiment quand votre sœur est morte : pouvez vous nous expliquer ce que vous avez ressenti ?Cécile de Ménibus : J'étais dans un TGV. Ma sœur mettait toujours du temps à répondre mais d'habitude cela ne m'inquiétait pas. Ce jour là, je lui ai envoyé un texto puis un autre mais elle n'a pas répondu. J'ai essayé de l'appeler en vain. J'ai eu alors une inquiétude soudaine, un pressentiment. Je me suis dit : "c'est fini". J'ai appelé ma belle sœur qui s'est rendue à l'appartement de ma sœur. Un serrurier a ouvert la porte mais il était trop tard.

C'était terrible car je me trouvais dans un train dont je ne pouvais pas descendre quand j'ai appris sa mort. J'était enfermée dans ma douleur. Je n'avais qu'une envie : me cacher dans les toilettes pour hurler. Cette souffrance résonne encore en moi.

© Editions First

Votre mère a perdu deux enfants, votre sœur donc et un fils Thierry quand il n'avait que deux ans. Dans votre roman, vous citez un proverbe : l'amour d'une mère est plus profond que l'océan...
Cécile de Ménibus
: Ma mère me parle de mon frère et de ma sœur avec une espèce de fascination. Elle ne les met pas sur un piédestal mais elle est fière. C'est quelqu'un de taiseux, elle ne veut pas déranger et être intrusive. Mais elle est toujours très heureuse de nous voir.

Ses enfants sont tout pour elle. Elle en a toujours 5 même si 2 sont partis et elle les aime tous. J'ai le même sentiment. Sylvie et Thierry font toujours partie de la famille. Je leur parle. J'ai une photo de ma sœur dans mon téléphone et je lui parle souvent. Je ne la vois pas mais elle est là. Pour ma mère c'est pareil. L'amour d'une mère est tellement grand, profond et fort.

Pour la couverture de votre livre, vous avez choisi une photo de vous enfant avec votre frère devant une jeune mariée et son père. Pourquoi ?

Cécile de Ménibus : J'ai choisi cette photo car elle montre une belle mariée avec son père au bras. Je l'ai fait pour ma sœur car quand elle s'est mariée, nous ne voyions plus notre père. Elle l'a appelé et lui a demandé s'il pouvait la conduire jusqu'à l'autel dans l'église. Mon père a fait répondre : je n'ai pas d'enfant. J'ai choisi cette photo pour contrecarrer la violence terrible qu'elle a subi et lui offrir ce dont elle a toujours rêvé.